Dimanche de la Samaritaine. Saint-Prix 2019

Nous autres orthodoxes, ce qui signifie « nous autres chrétiens qui louons correctement Dieu », sommes directement interpellés par l’Evangile d’aujourd’hui, par l’entretien du Christ avec la Samaritaine. Ceux que nous avons parfois tendance à regarder de haut, depuis notre « orthodoxie » triomphante, ont beaucoup de points communs avec la femme que le Christ a rencontrée auprès d’un puits.

N’oublions pas que Saint Paul, comme le Christ, s’inscrivaient dans la mouvance pharisienne, dans la mouvance de ces Juifs pieux, des Juifs orthodoxes, qui observaient à la lettre les prescriptions de la Loi. Ceux que le Christ condamnait n’étaient pas les pharisiens en tant que tels, mais ceux qui, parmi eux, prétendaient aimer Dieu, tout en oubliant d’aimer leur prochain. Il condamnait ceux pour qui le formalisme religieux était plus important que l’amour de Dieu et du prochain. Dans l’Ancien testament, au chapitre 19 du Lévitique, il est écrit : « tu aimeras ton prochain comme toi-même ». Le Christ a repris ces paroles, Lui, qui n’est pas venu abroger la Loi, mais la compléter.

Deux interprétations, deux traductions de cette exhortation se complètent. Elle signifie qu’il faut accorder à son prochain, quel que soit son profil, et aussi différent soit-il du nôtre, la même priorité que celle que l’on s’accorde à soi, et elle signifie également que notre prochain est fondamentalement semblable à nous, qu’il a la même importance, et a donc les mêmes droits. Dans le contexte de l’époque, et c’était dérangeant – aux yeux du Christ, le Juif et le non-Juif ont la même importance. Dans le Deutéronome, au chapitre 10, il est écrit que « Dieu, (…) rend justice à la veuve et à l’orphelin, et aime l’émigré en lui donnant du pain et un manteau ». Et il est ajouté : « Vous aimerez l’émigré, (comprenons celui qui n’est pas des nôtres), car au pays d’Egypte, vous étiez des émigrés ». Il est donc demandé aux Juifs pieux de respecter et d’aimer ceux qui ne le sont pas.

En tant que chrétiens « qui essaient de louer correctement Dieu », nous sommes un peu les pharisiens du christianisme, et pouvons succomber à la même tentation de regarder les autres chrétiens, les non-pratiquants et les non-chrétiens avec condescendance. Or cela nous est explicitement interdit, parce qu’il nous est demandé de nous occuper de nos propres péchés et non de ceux des autres, et de ne pas juger notre prochain. Nous serons jugés avec la même sévérité dont nous faisons preuve à l’égard d’autrui. Et, de toutes façons, nous pouvons reprendre à notre compte les paroles du Père Cyrille Agenti qui disait « qu’il n’était pas orthodoxe, mais essayait de l’être, et que c’était le travail de toute une vie ».

D’autre part, l’apôtre Paul explique très clairement, au chapitre 2 de son épître aux Romains, que « seront sauvés ceux qui ne sont pas chrétiens, mais agissent comme devraient agir les chrétiens ». Pour pouvoir juger les autres, il faudrait que nous soyons nous-mêmes parfaits. Et, malheureusement, nous, chrétiens de toutes confessions, laïcs, comme membres du clergé, en particulier dans les crises que nous traversons, pouvons parfois être des repoussoirs.

Partout dans les Evangiles, il est clair que le Christ accorde la préférence à ceux qui sont conscients de leur imperfection, à ceux qui comme la Samaritaine ne sont pas des exemples de vertu, mais savent rester à leur place et font preuve d’humilité. Les Pères de l’Eglise sont dans la vérité quand ils placent l’orgueil à l’origine de toutes les autres passions, de ce qu’en Occident on appelle « les péchés capitaux », les péchés majeurs.

Nous, orthodoxes, ne sommes pas pires que ceux qui ne le sont pas, ou que les non-chrétiens ou les athées. Nous ne sommes pas plus automatiquement meilleurs qu’eux et, nous, n’avons pas l’excuse de ne pas savoir comment nous comporter pour « être le sel de la Terre ». Evitons d’être des contre-exemples et de justifier ainsi le refus de la foi de ceux qui se comportent parfois mieux que nous.

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