Dimanche de Thomas, Saint-Prix octobre 2019

 L’apôtre Thomas que nous fêtons aujourd’hui est injustement associé à l’incrédulité, au doute, au manque de foi, même si ce manque de foi a été largement partagé par les autres apôtres. Tous les témoins de la Résurrection du Christ « ont cru, parce qu’ils ont vu », pour reprendre les paroles du Ressuscité. Mais, avant Thomas, les autres apôtres avaient commencé, eux aussi, par douter. Le Christ ajoute que « bienheureux sont ceux qui ont cru, sans avoir vu » – c’est de tous les chrétiens de l’histoire de l’humanité qu’il est question. Les apôtres et disciples du Christ ont partagé leur foi avec les deux ou trois générations qui ont suivi la leur, générations qui ont eu le privilège de recevoir la Bonne nouvelle de la bouche de témoins directs.

A la Pentecôte, le Christ a envoyé l’Esprit Saint sur Ses disciples pour ouvrir leurs yeux spirituels. Cette Pentecôte est renouvelée à chaque baptême, au moment de la chrismation, comme cela se pratique dans l’Eglise orthodoxe. Mais contrairement au Tentateur, même quand Il ouvre les yeux de l’homme, Dieu ne lui force jamais la main, et reste discret, lui laissant toujours le choix, car Il respecte toujours sa liberté.

La mort du Christ sur la Croix aurait pu être suivie d’une résurrection immédiate, et la foule qui avait assisté au supplice n’aurait alors pas eu d’autre choix que de croire en Sa divinité. La nouvelle de la Résurrection s’est, au contraire, propagée lentement, en plusieurs étapes. Elle a été d’abord révélée aux femmes myrrhophores, puis, preuves physiques à l’appui, au premier cercle des disciples, qui s’est ensuite élargi. Dieu S’est fait moins discret, il fallait permettre à ceux qui avaient perdu la foi de la retrouver, et de les aider à la renforcer. Mais cela n’a pas été un phénomène de masse. Toute la population de la Palestine ne s’est pas convertie.

Pour nous, 20 siècles plus tard, c’est encore moins simple. Il nous est beaucoup plus difficile d’avoir une foi véritable, même si « l’Esprit vient en aide à notre faiblesse, car nous ne savons pas comment prier comme il faut », même « s’Il intercède pour nous en gémissements inexprimables » – comme il est écrit au chapitre 8 de l’épître de Saint Paul aux Romains. Encore faut-il entendre l’Esprit pour l’écouter, et en avoir la volonté.

Créés à l’image de Dieu, nous sommes libres, comme le premier homme. Il a perdu sa ressemblance avec Dieu et nous avons reçu cette perte en héritage, tout en conservant la possibilité de retrouver cette ressemblance. Mais sans la foi et la volonté, nous ne pouvons acquérir le discernement qui permet d’entendre ce que l’Esprit nous suggère, et de ce fait, nous aide à ne pas succomber aux tentations du Malin. Lui, ne fait pas dans la discrétion. Le Malin est un séducteur, et ce qu’il suggère semble plus attrayant et n’exige pas d’efforts. En l’écoutant, en nous laissant tenter, nous reproduisons la faute d’Adam. En écoutant l’Esprit, nous n’échappons ni à la maladie, ni à la mort, mais retrouvons un semblant de ressemblance avec Dieu.

Le père Nikon, un hiéromoine russe du siècle dernier, a écrit dans une lettre à ses enfants spirituels, que « tout ne se passe pas comme nous le désirons et pourtant, le Seigneur dirige les pas de ceux qui cherchent le salut, mais Il ne le fait pas comme nous le souhaiterions ». Cela signifie que dans le domaine spirituel rien n’est facile. Ce qui nous est proposé va à l’encontre de notre nature déchue. Et le Christ nous a avertis – la voie qui mène au Royaume est étroite.

L’acquisition du discernement est difficile. Seule l’aide de l’Esprit la rend possible. Le hasard n’existant pas, aucune rencontre, aucun événement de notre vie, ne sont fortuits. Nous avons des choix à faire en permanence. Préférons-nous Dieu ou le Monde, dont le Malin est le prince ? Dans ce qui nous arrive, dans les épreuves que nous pouvons traverser, il est difficile de voir ce qui est voulu ou ce qui est toléré par Dieu, et nous avons tendance à Lui en vouloir pour nos souffrances, soit parce que nous pensons à tort qu’Il est à leur origine, soit parce que Il ne les a pas empêchées. L’on en revient toujours à cette liberté totale que Dieu laisse à l’homme pour ses choix de vie. Nous pouvons être les victimes du choix des autres, ou être nous-mêmes les artisans du malheur de notre prochain. « Les malheurs et les maladies – ajoute le père Nikon, aident l’homme à s’arracher à la vanité du monde et à se rapprocher de Dieu ». A nous de travailler sur nous-mêmes pour en prendre conscience et l’accepter. A nous de tendre l’oreille et d’ouvrir les yeux pour que l’Esprit puisse nous guider dans notre vie.

Ce contenu a été publié dans sermon. Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.