Lc 16, 19-31 Parabole du riche et de Lazare   Saint-Prix, novembre 2019

 La parabole est un genre littéraire, courant en Orient, et très présent dans le judaïsme. Un court récit imagé aiguise la curiosité. Ce genre littéraire, plutôt oral, est destiné à faire comprendre un enseignement moral ou religieux, aux enfants, comme aux adultes, incultes ou instruits, qui préfèrent écouter une histoire haute en couleurs plutôt qu’un long discours savant et rebutant. L’enseignement est dispensé de façon indirecte, mais attrayante. Les Evangiles comptent une cinquantaine de paraboles.

 Quand les apôtres demandent au Christ de leur expliquer la parabole du semeur, pourtant simple, Il répond de façon très mystérieuse « qu’à eux, il est donné de connaître (directement) les mystères du Royaume, alors qu’aux autres, c’est en paraboles – pour qu’ils voient sans voir et entendent sans comprendre ». Le Christ reprend une citation du prophète Esaïe. Dieu l’envoie parler au peuple, tout en le prévenant de ce qui l’attend: le prophète s’adressera au peuple qui l’écoutera, mais ne comprendra pas, et qui verra, sans voir.

La parabole du riche et de Lazare est moins facile à comprendre que celle du semeur. Et elle donne lieu à différentes interprétations, parfois contradictoires. Les protestants, s’appuient sur elle pour affirmer qu’il ne faut pas prier pour les défunts. Nous, orthodoxes, avons une autre approche. Cette parabole n’est pas une illustration de l’inutilité de prier pour les défunts. Pour Dieu, tous sont vivants, et donc les uns peuvent prier pour les autres, et inversement. Cette parabole n’est pas non plus un éloge de la pauvreté et une condamnation de la richesse. Les pauvres ne sont pas sauvés automatiquement par leur pauvreté, surtout si elle les rend envieux et violents. Les riches ne sont pas plus condamnés par leur richesse, surtout si elle a été acquise honnêtement et si elle leur a permis d’aider leur prochain. Même si le Christ précise que la richesse peut être un obstacle sur le plan spirituel.

Si le riche de la parabole est condamné, c’est parce que sa richesse, son confort et sa volonté de jouissances, lui ont fait oublier Dieu et son prochain. Vous avez entendu au cours de la dernière liturgie une citation du p. Nikon Vorobiov, qui affirmait « qu’au 20-ème siècle, les chrétiens ne pourraient obtenir le salut que par les souffrances et les maladies ». Cela nous ramène à la parabole du riche et de Lazare. Anesthésié par une vie plus qu’agréable, le riche ne s’est pas préoccupé de son avenir dans l’au-delà. Il a vécu comme s’il ne devait jamais mourir. L’on peut supposer que Lazare, lui, a eu une démarche inverse. Dans la maladie et la pauvreté, il a accepté son impuissance, il a acquis l’humilité, ce visa d’entrée au Royaume. Au riche qui veut que ses cinq frères soient avertis de ce qui les attend, s’ils ne changent pas de vie – il est répondu que s’ils ont négligé Moïse et les prophètes, il n’y a aucune chance pour qu’ils soient convertis par un miracle, comme celui de la résurrection de Lazare, un homme dont ils n’ont même pas le souvenir. Ils ont vécu à côté de lui, sans le voir, ignorant son existence. Et il n’y a pas pire sourd que celui qui ne veut pas entendre, dit-on avec raison.

Ne nous mettons pas dans la situation de ceux qui ont à leur disposition l’Ancien et le Nouveau testaments, l’enseignement des pères de l’Eglise et les exemples de vie offerts par les saints, et préfèrent cependant négliger tout cela au profit de la recherche d’une vie confortable. N’attendons pas un deuil ou une maladie grave pour comprendre ce qui est l’essentiel.

Pour ce qui est des allusions de la parabole au lieu de torture qu’est l’enfer – les détails donnés sont d’ordre matériel, dans un but didactique, car l’homme, à tort, a davantage peur de la souffrance physique que de la souffrance morale – plus abstraite. Dans la parabole, la souffrance physique symbolise la souffrance morale. Il ne peut y avoir de souffrances physiques, dans le lieu de verdure et de repos où iront les âmes des justes – comme il est chanté dans la panykhida, dans l’office pour les défunts. Dieu ne peut être à l’origine de souffrances physiques. Ceux qui auront délibérément fait les mauvais choix sur terre seront les propres artisans de leur immense souffrance morale. Imaginons quelle serait notre gêne, notre honte, puis notre souffrance, devant le regard d’une personne que nous aurions trahie, en particulier un proche que nous aimons et qui nous aime, un parent, un conjoint, un enfant ou un ami. Son regard exprimerait le désarroi, l’incompréhension et une immense déception. Et nous aurions envie de disparaître sous terre, et ne le pourrions pas. Ce serait l’enfer.

Faisons notre possible pour ne pas nous retrouver dans cette situation, quand nous rencontrerons le Dieu qui nous aime.

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