Parabole du semeur Lc 8, 5-15  Ga 2, 16-20

 

            Nous avons tous la double nationalité. Biologiquement, nous sommes citoyens de ce monde, au même titre que tous les habitants de la terre, et nous partageons avec eux ce que nous estimons être nos besoins, même si ces besoins sont parfois peu compatibles avec notre autre citoyenneté, celle du Royaume, que nous avons obtenue le jour de notre baptême et de notre chrismation. Citoyens du monde, nous aspirons à une vie confortable dans tous les domaines, citoyens du Royaume, nous faisons notre possible, ou nous devrions faire notre possible, pour devenir des justes, en répondant à l’appel de Dieu qui voudrait que nous soyons parfaits, comme Il est parfait. Nous sommes, d’une certaine façon, écartelés entre la volonté de satisfaire nos besoins réels ou imaginaires et notre désir de nous conformer à la volonté divine. Dans l’extrait de l’épître aux Galates qui a été lu aujourd’hui, Saint Paul explique que « personne ne sera justifié par les œuvres de la loi ». La justification par les seules œuvres est impossible pour deux raisons – la première, sous-entendue, est que même si nous faisons tout pour observer la loi, c’est-à-dire la mise en pratique des deux commandements qui sont la source de tous les autres, l’amour de Dieu et du prochain, nous sommes de toutes façons imparfaits depuis la chute d’Adam. La deuxième raison est que « si nous avions atteint la justice par la seule observation de la loi, le Christ serait mort pour rien » – écrit l’apôtre.

            Pour quelles raisons le Christ S’est-Il laissé crucifier sur la croix ? Dans la tradition Juive, les pécheurs offraient des animaux en sacrifice pour expier leurs péchés. Le Christ S’est offert Lui-même pour que nos péchés soient effacés. Cette expiation ne peut être effective qu’avec notre collaboration. Dieu nous a toujours laissés libres. Il a laissé le premier homme libre, Il nous a laissés libres de la même façon. Adam a fait un mauvais usage de sa liberté, c’est ce que nous faisons aussi en permanence, consciemment ou inconsciemment. Pour que le sacrifice du Christ n’ait pas été vain, selon les paroles de Saint Paul, il faut que nous prenions conscience de notre état de pécheurs, de notre impossibilité de nous en tirer tout-seuls, et que, malgré cela, nous fassions notre possible pour observer la loi. Cela signifie que nous ne devons pas négliger les œuvres, même si elles ne sont pas suffisantes pour notre salut, parce que nous croyons que l’Esprit viendra compenser notre faiblesse et notre imperfection. La foi palliera nos insuffisances dans le domaine des œuvres et nos œuvres seront prises en compte grâce à notre foi. La foi et les œuvres sont étroitement liées, elles sont interdépendantes. Nous ne serons pas jugés sur nos résultats, sinon nous serions tous condamnés, mais sur notre persévérance, comme le souligne l’apôtre Jacques, frère du Seigneur, et nous serons sauvés par notre foi en la mansuétude de Dieu.

            Nous sommes pris en tenailles. Deux dangers nous guettent: l’orgueil, qui nous laisse parfois croire que tout dépend de nous et que, si nous menons une vie à peu près droite, nous serons sauvés, et le manque de foi qui nous décourage quand nous pensons que tous les efforts sont inutiles, puisque nous n’arriverons jamais à être parfaits. Dans la pratique, cela signifie que nous devons vivre, comme si tout dépendait de nous, sans sombrer toutefois dans le désespoir, parce qu’en fin de compte tout dépend de du pardon de Dieu qui aime les justes, mais aussi les pécheurs.

            La parabole du semeur est une des plus connues et des plus commentées. Comme les apôtres ont eu peur de ne pas la comprendre, le Christ l’a expliquée. Nous pouvons nous reconnaître dans tous les cas de figure qui sont évoqués.

            Il nous arrive d’entendre la parole, sans vraiment l’écouter. Il nous arrive aussi de l’écouter, d’y adhérer, puis de l’oublier dès qu’une tentation prend sa place dans notre esprit. Il nous arrive aussi de mettre la parole en pratique, jusqu’au moment où nous trouvons qu’il y a mieux à faire. Ce thème est développé dans une autre parabole, celle des invités qui trouvent tous une excuse plus ou moins valable pour ne pas se rendre au festin auquel ils sont conviés. Il nous arrive aussi « d’écouter la parole, de la retenir et de l’appliquer avec persévérance ». Il n’est pas dit que nous sommes alors devenus parfaits, il est dit que la parole portera alors des fruits. La persévérance est vraiment une vertu fondamentale.

            Il semble, malheureusement, que nous nous reconnaissions surtout dans les premiers cas de figure, quand la parole semée est balayée d’une façon ou d’une autre. Demandons le soutien de l’Esprit afin que nous puissions nous reconnaître en celui qui a entendu, a assimilé la parole, l’a appliquée et continue de l’appliquer, envers et contre tout, et a fait prévaloir sa citoyenneté du Royaume sur celle du monde.

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