Matthieu 4, 18-23  Ro 2, 10-16

 

                  De tous les auteurs des textes rassemblés dans le Nouveau testament, Saint Paul est de loin le plus strict, le plus sévère, le plus exigeant dans sa transmission du message évangélique. Pharisien, il s’était distingué par son ardeur et son intransigeance dans le combat contre les disciples du Christ. Après sa conversion, il a mis son ardeur et son intransigeance au service de Celui qu’il avait combattu. Nous avons lu aujourd’hui le récit résumé de l’appel des premiers apôtres. Nous savons, qu’en fait, cet appel ne s’est pas fait en une fois, qu’il a été étalé dans le temps. Mais d’après les témoignages des évangélistes, les apôtres ont tous abandonné leur activité de pêcheurs pour suivre le Christ, et ils l’ont fait spontanément, par curiosité, parce que les paroles entendues avaient éveillé leur intérêt. La conversion de Saint Paul, au contraire, s’est faite dans la douleur. Le Christ lui a forcé la main, d’une façon plutôt violente, en commençant par lui faire perdre la vue. Dieu appelle tout le monde, les doux, comme ceux qui le sont moins. L’appel est différent, il est adapté à la personnalité de chacun, mais les « doux » doivent le rester et les « moins doux » doivent sublimer leur violence et la mettre au service de l’Evangile.

            Dans l’Eglise, il y a de la place pour ceux qui, comme les apôtres, se sont rendus coupables de faiblesse, se sont repentis avec humilité et ont reçu une aide puissante de l’Esprit, mais aussi pour ceux qui, comme l’apôtre Paul, après avoir combattu la foi avec une ardeur intense, se sont transformés en ses ardents défenseurs, avec la même intensité.             L’intransigeance de Paul  a été acceptée et reconnue par Dieu, parce qu’il l’a appliquée à lui-même. Lui, qui avait été un homme puissant dans le Monde, lui, qui était tout sauf humble avant sa conversion, a été capable de reconnaître sa faiblesse dans l’épître aux Romains où il écrit que « le bien qu’il veut, il ne le fait pas, et le mal qu’il ne veut pas, il le fait ». Ces paroles s’appliquent à chacun d’entre nous.

            Les deux approches – la douceur, comme l’intransigeance se complètent: l’approche qui consiste à ne pas condamner le pécheur, mais à l’amener à la conversion avec patience et amour, et celle, plus intransigeante, qui consiste à énoncer une série d’interdits qui barrent la route vers le Royaume. L’une fixe les objectifs à atteindre et nous rappelle que nous sommes appelés à être parfaits, comme Dieu est parfait. L’autre nous aide à ne pas sombrer dans le désespoir quand nous comprenons que nous n’atteindrons jamais la perfection. Ces deux approches s’appellent d’un côté la Loi, avec toute son intransigeance et de l’autre, la mansuétude de Dieu qui, en fonction de notre amour du prochain, efface, couvre une multitude de péchés et de compromissions et nous permet de garder l’espoir, malgré notre imperfection.  

            Le plus paradoxal, dans l’extrait de l’épître aux Romains, lu aujourd’hui, est que l’intransigeant apôtre Paul parle d’abord « du jour de la colère où se révélera le juste jugement de Dieu qui rendra à chacun selon ses œuvres : vie éternelle pour ceux qui, par leur persévérance à bien faire, recherchent gloire, honneur et incorruptibilité, et colère et indignation pour ceux (…) qui se soumettent à l’injustice. Détresse et angoisse pour tout homme qui commet le mal (…), gloire, honneur et paix à quiconque fait le bien ».

            Mais Paul ajoute ensuite: « Ce ne sont pas ceux qui écoutent la loi qui sont justes devant Dieu; seront justifiés ceux qui la mettent en pratique ». Cela nous est destiné, à nous chrétiens. Et il explique: « Quand des païens, sans avoir de loi, font naturellement ce qu’ordonne la loi (…), ils montrent que l’œuvre voulue par la loi est inscrite dans leur cœur. (…) C’est ce qui paraîtra le jour où Dieu jugera le comportement caché des hommes ».

            Plus simplement, cela signifie qu’un non chrétien, qui sert, sans le savoir, un Dieu qu’il ne voit pas, en aimant un prochain qu’il voit, sera accueilli au sein du Royaume, parce qu’il aura adopté dans sa vie le comportement qu’un chrétien devrait avoir.

            Tout cela veut dire que l’essentiel, le plus important pour nous, chrétiens, est de mener une vie qui ne soit pas tournée vers la satisfaction exclusive de ce que nous pensons être nos besoins personnels. L’amour du prochain doit être notre priorité absolue. Les règles, la discipline que l’Eglise nous propose, ne sont jamais un but en soi, mais un outil, un soutien. Elles nous font recentrer notre vie sur Dieu et notre prochain, et relativisent l’importance de ce qui paraît essentiel aux yeux du Monde. Les sacrements de tous ordres qui nous sont offerts apportent le soutien du Dieu Trinitaire et viennent au secours de notre faiblesse. C’est le grand avantage dont nous bénéficions. Il nous est beaucoup donné. Qu’en faisons-nous ? Que donnons-nous, à notre tour ? Nous devons impérativement faire notre examen de conscience.     

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