Nouvel An liturgique – Offices de la Création.

 

            En ce début d’année liturgique, qui chez nous commence le 1-er septembre, notre Eglise fête la Création.

            L’écologie est à la mode depuis la fin du 20-ème siècle. Ce mot a pourtant été inventé bien avant par des biologistes allemands, vers 1870, à partir du grec, pour désigner les interactions entre les mondes minéral, végétal et animal. Etymologiquement, l’écologie est « l’étude de la maison », c’est à dire de l’espace où l’on vit. De nos jours, le mot a pris le sens de science qui a pour objet l’étude et la défense d’une nature, menacée par la consommation à outrance, avec toutes les conséquences qui en découlent.   

Tout le monde, ou presque, tient compte de l’écologie ou, en tout cas, voudrait faire croire qu’il en tient compte. Aucun parti politique n’oublie de désigner des responsables qui se penchent sur la question. Cet intérêt général pour la préservation de la nature n’a rien de spontané. Dans notre monde déchristianisé, cet intérêt est essentiellement lié à la peur. Nous-nous sentons concernés par la survie de notre planète et de notre espèce. Nous-nous sentons menacés. La prise de conscience du mal déjà fait et des dangers à venir est une avancée, qui reste cependant incomplète, quand elle ne s’inscrit pas dans la relation de l’homme avec Dieu.

            Si l’on cesse de pêcher certaines espèces de poissons uniquement pour ne pas en manquer, si l’on cesse d’utiliser des pesticides ou tout autres produits chimiques pour essayer de rétablir des écosystèmes en partie détruits, pour éviter la disparition des abeilles et d’espèces animales nécessaires à l’équilibre biologique, si, pour résumer, nous devenons des adeptes de l’écologie uniquement pour assurer notre confort et celui de nos descendants, ce sera très certainement positif sur le plan matériel. Mais ce sera au mieux neutre, au pire négatif sur le plan spirituel. Les écologistes qui le sont par principe, par conviction, et non pour des raisons purement égoïstes ou politiques, servent Dieu sans le savoir, même s’ils sont incroyants. Car ils adoptent le comportement que tout chrétien devrait avoir. C’est le schéma qu’a appliqué saint Paul lorsqu’il a laissé entendre que les non-chrétiens qui aimaient leur prochain comme eux-mêmes, aimaient Dieu, inconsciemment. Quand nous respectons la nature et modérons nos besoins  de consommation, en leur fixant des limites raisonnables, chrétiens ou juifs, nous nous soumettons à la volonté de Dieu, telle qu’elle a été révélée dans les Ecritures.

            Soyons écologistes, soyons adeptes du développement durable et du retour à une consommation raisonnable et raisonnée, mais sachons pourquoi nous devons le faire. N’est-ce pas ce qu’ont toujours fait les moines sous toutes les latitudes, en Orient, comme en Occident ? Ils n’ont jamais détruit la nature, ils l’ont spontanément respectée et ils ont toujours été sobres en toutes choses. Revenons aux sources qu’eux ont conservées. Revenons à l’essentiel, revenons à ce qui nous a été révélé. Assimilons ce que l’Eglise nous rappelle dans les textes des offices de la Création, composés par Monseigneur Nicodème, métropolite de Patras, à la demande du patriarche Bartholomée, notre patriarche.

            Dieu est notre Créateur. Il est le Créateur de l’univers, Il a créé l’homme à Son image et à Sa ressemblance. Il lui a assigné le rôle de « co-créateur » et celui de « locataire » ou de « métayer » de l’univers créé, dont l’homme n’est jamais propriétaire à titre définitif. Mais Dieu a aussi accordé à l’homme la liberté de faire un bon, comme un mauvais usage de cette liberté.

            Dans les vêpres de la fête, il est chanté : « Tu as bien voulu ô Très-Haut, nous confier la terre, la mer et tout ce qu’elles renferment ; Tu nous as permis de voyager sur les routes du ciel. Aussi, Maître, Ami des hommes, donne-nous la sagesse et l’intelligence d’œuvrer pour le bien et de garder de toute dégradation ce qui nous est confié, pour Te louer dans les siècles comme notre Créateur. » Plus loin, il est précisé : « Tu as bâti l’univers comme un sanctuaire resplendissant, et Tu as assigné à l’homme de le garder et de le protéger en fixant des lois aux mers et aux cours d’eaux ; c’est pourquoi ceux qui altèrent Ta création s’opposent à Ta volonté divine. Accorde-nous, ô Ami des hommes, la sagesse et le savoir, afin qu’ayant reçu pour notre usage les dons de la nature, nous sachions nous en montrer satisfaits et nous en servir raisonnablement, car toutes nos entreprises doivent conduire à Ta glorification. »

            Dans un tropaire des matines, il est ajouté : « Sagesse, Verbe de Dieu et Seigneur de l’univers, nous Te supplions : montre-nous ce qui est agréable à Tes yeux, ce qui est propre et utile à la Création et ce qui est bon pour tous les hommes ; enseigne-nous comment nous conduire pour sauvegarder le monde et comment utiliser nos connaissances pour le bien commun. Donne-nous le sens de la mesure, ô notre Dieu, et apprends-nous à ne pas nous dérober à Tes commandements, mais à garder sans failles Tes préceptes divins. »

            Ces trois extraits des offices de la Création résument tout et nous indiquent clairement la marche à suivre, si nous voulons être des chrétiens conséquents.

            Une civilisation où la consommation effrénée, qui est une forme d’idolâtrie, et le « toujours-plus » sont les seuls moteurs de l’économie, une civilisation où le développement des uns se fait souvent au détriment des autres, où la satisfaction de faux-besoins toujours croissants a pour conséquence la rupture des équilibres naturels, une telle civilisation ne peut se prétendre chrétienne ou judéo-chrétienne. Une telle civilisation renie ses racines, va à l’encontre des plans de Dieu, et mène à la catastrophe. Nous sommes appelés à préserver ce que Dieu nous a confié, à ne jamais asseoir notre prospérité sur l’appauvrissement de notre prochain, à modérer nos besoins. En ce sens, chaque carême, et nous en avons beaucoup dans notre tradition, nous convie à recourir à l’ascèse, afin de recouvrer la vue de ce qui est l’essentiel. Mais il n’est pas pire sourd que celui qui ne veut entendre. Le Christ est venu rendre la vue aux aveugles et l’ouïe aux sourds. C’est de nous tous qu’il s’agit. Faisons bon usage de notre liberté et essayons de nous inscrire dans les plans que Dieu a conçus pour nous et pour la Terre qu’Il nous a confiée.

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