Luc 6, 31-36

            Il est des pages des évangiles plus difficiles que d’autres à assimiler, et surtout à mettre en pratique. Celle d’aujourd’hui en fait partie.

            Quand il nous est demandé d’être  parfaits comme Dieu est parfait, nous avons la même réaction que celle des apôtres – la perfection, nous ne l’atteindrons pas, même en rêve. Dans le même temps, le Christ a dit que ce qui était impossible aux hommes, était possible à Dieu. Nos insuffisances seraient donc compensées et nous voilà tranquilles. A quoi bon se fatiguer ?

            L’évangile du jour, ainsi que le passage qui le précède, nous réveillent de notre léthargie spirituelle.

            « Aimez vos ennemis, faites du bien à ceux qui vous haïssent, bénissez ceux qui vous maudissent, priez pour ceux qui vous calomnient. A qui te frappe sur une joue, présente l’autre,  (… ) à quiconque te demande, donne, et à qui te prend ton bien, ne le réclame pas ». « Faites du bien et prêtez sans rien espérer en retour.».

Toutes ces recommandations viennent immédiatement après le « sermon sur la montagne », après les Béatitudes, dans leur version la plus dure, celle de l’évangéliste Luc. Le moins que l’on puisse dire, c’est que les Béatitudes, comme ce qui suit et que nous venons d’entendre, tout cela va totalement à l’encontre des tendances qui nous sont naturelles, depuis la chute du premier homme. Rien dans ce programme n’est facile. Tout, ou presque, nous semble antinaturel. Et ce que le Christ appelle un joug, un fardeau dont Il dit qu’il est léger nous semble infiniment lourd à porter. Et nous revenons à notre premier réflexe – c’est impossible ! Par conséquent, il est inutile de se bercer d’illusions, continuons de vivre comme avant, ce n’est pas pour nous, nous ne sommes pas des saints et ne le serons jamais.

Ce raisonnement qui semble si naturel est complètement faux.

D’abord, si nous pensions qu’il nous est possible, par nos seules forces, de parvenir à la perfection, ou même de nous en approcher, cela voudrait dire que nous sommes complètement sous l’emprise de la pire des passions qu’est l’orgueil. Cela voudrait dire que nous reproduisons la faute d’Adam en agissant comme si nous pouvions devenir comme Dieu, sans l’aide de Dieu.

Personne, parmi les saints, parmi ceux que l’Eglise nous propose comme modèles à suivre, personne n’a osé penser qu’il s’était approché un tant soit peu de la perfection.

S’il nous est impossible de devenir saints, de nous approcher de la perfection par nos seules forces, cela signifie que le Christ a raison, que Dieu compense nos insuffisances. Il le fait à certaines conditions. Nous devons être humbles, nous devons être totalement conscients de notre imperfection. Mais la découverte de notre situation spirituelle ne doit pas nous faire sombrer dans le désespoir et la résignation. La foi en la mansuétude divine doit nous empêcher de baisser les bras. Nous ne serons pas jugés sur nos résultats – si c’était le cas, nous serions tous condamnés, comme le souligne le métropolite Antoine de Souroge. Nous serons jugés sur notre persévérance. La vie spirituelle est tout sauf confortable pour un chrétien. Les résultats, quand il y en a, ne sont jamais définitivement acquis.

Alors que faire pour suivre les recommandations de l’évangile d’aujourd’hui ?

Nous n’avons pas le choix, nous devons procéder par étapes. Commençons par ce qu’il y de plus important, commençons par l’amour du prochain. Aimons vraiment ceux qui nous sont proches. Ne les aimons pas pour nous-mêmes, égoïstement. Essayons de toujours leur accorder la priorité. Puis élargissons, essayons d’avoir la même attitude avec les membres de notre communauté, avec nos amis, avec nos voisins, nos collègues de travail ou, pour les enfants, les camarades. Pour ce qui est des ennemis, pour ce qui est des gens qui ne nous aiment pas, essayons de ne pas leur rendre ce « désamour ». Essayons de ne jamais leur souhaiter du mal et de ne jamais nous réjouir de leurs malheurs et de leurs difficultés. Tout cela est facile à dire, beaucoup plus difficile à faire, tout particulièrement en ces temps troublés où l’agressivité est souvent de mise et est toujours contagieuse. Demandons humblement à l’Esprit de nous soutenir dans cette démarche. Si nous réussissons à suivre le plus souvent possible cette ligne de conduite, si nous nous relevons à chaque chute et il y en aura obligatoirement, pour continuer sur ce même chemin, nous aurons fait un grand pas sur la route sans fin qui mène à la perfection. Bon courage à nous tous !

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