dimanche de la Samaritaine


Dimanche de la Samaritaine 2010  Ac 9, 19-26, 29-30  Jn 4, 5-42

 

                  Les Actes des apôtres sont lus systématiquement à chaque liturgie à partir du dimanche de Pâques. Rédigés par l’évangéliste Luc, ils évoquent la naissance, puis le développement de l’Eglise, dont les limites géographiques ne cessent de s’étendre grâce à l’activité missionnaire des apôtres, grâce en particulier à celle de saint Paul, surnommé l’apôtre des gentils, c’est-à-dire des non-juifs. Tous les apôtres et de nombreux disciples sont partis à la conquête religieuse et pacifique du monde connu de l’époque. Ils ont répondu à l’appel du Christ formulé dans la conclusion de l’évangile de Matthieu: ils sont « allés enseigner toutes les nations, les baptisant au nom du Père, du Fils et du Saint Esprit ».

            Dieu ne S’adresse plus au seul peuple hébreu, le Christ est venu restituer à l’ensemble de l’humanité la filiation divine, en partie perdue par Adam. Avant même d’envoyer Ses apôtres et disciples en mission, le Christ S’est déjà adressé aux païens. Les exemples de personnages positifs issus de milieux païens ne sont pas rares dans les évangiles. Le centurion romain dont la foi est présentée comme exemplaire, la Cananéenne dont la fille est guérie parce qu’elle aussi a fait preuve de foi, le bon Samaritain de la parabole, le seul des dix lépreux guéris, samaritain lui aussi, qui ait remercié le Christ pour sa guérison, ou la Samaritaine de l’évangile d’aujourd’hui, tous témoignent d’un des nombreux aspects novateurs de l’enseignement du Christ – avant Sa Passion, Il S’adresse en priorité aux Juifs, mais Il accorde également Son attention à ceux qui ne le sont pas.

            Nous pouvons en tirer un enseignement. Un chrétien conséquent devrait veiller à ne pas succomber à la tentation du nationalisme religieux. Nous avons certes la double nationalité – chaque chrétien est citoyen d’un pays, et il n’a aucune raison de renier ses origines, mais il est aussi un citoyen du Royaume. Le nationalisme religieux, le phylétisme est dangereux, car il est le signe d’une inversion des valeurs – on accorde une plus grande importance à la citoyenneté de ce monde qu’à celle du Royaume. Il est dangereux également parce qu’il peut se manifester de façon inattendue. En Occident, il est de bon ton dans nos milieux orthodoxes de condamner, avec raison, une orthodoxie qui se voudrait exclusivement russe, grecque, serbe, roumaine, arabe ou autre. Et la tentation est grande de vouloir construire une orthodoxie complètement locale, nationale, elle aussi, affranchie de l’influence de ses modèles, une orthodoxie qui serait, de fait, une forme de rejet des Eglises mères. Le père Cyrille Argenti, qui était grec, a su éviter les deux écueils. Il a fondé à Marseille une paroisse grecque francophone, fréquentée par des orthodoxes de toutes origines, des paroissiens issus des émigrations grecque et russe et des Français reçus dans l’orthodoxie par le biais de l’une de ces deux traditions. Pour que tout le monde se sente à l’aise dans son église, il en a fait peindre les icônes par des moines du Mont Athos, et les fresques par trois peintres d’origine russe. Il a eu recours aux deux traditions pour la décoration de l’église et, pour les offices, il a utilisé la langue française, commune à tous ceux qui vivent sur le territoire français. Il a respecté les nationalités d’origine de ses ouailles, et il a confirmé leur citoyenneté commune du Royaume, en rendant compréhensible, et donc potentiellement applicable par tous, le message du Christ. Ses paroissiens de toutes origines se sont sentis chez eux dans leur église.

            Pour le père Cyrille, « une paroisse n’est pas un lieu où l’on se retrouve entre copains pour partager les mêmes goûts ou manifester ses affinités sociales ou nationales. (…) C’est un lieu où des hommes et des femmes de tempéraments différents – voire opposés – de milieu social, d’opinion politique, d’origine nationale ou raciale divers, se retrouvent frères et sœurs parce qu’ils s’unissent au Fils unique du même Père. C’est un lieu où l’on fréquente, découvre et se met à aimer des personnes que l’on n’aurait jamais eu l’idée de fréquenter, si l’on était resté dans son cercle de connaissances habituelles ». Le père Cyrille poursuit en évoquant le lien vertical qui lie le Christ à chacun d’entre nous et le lien horizontal qui nous lie à chacun des autres membres de la paroisse. Même s’il n’a pas parlé expressément de croix, l’image s’impose naturellement.

            Notre paroisse est pluriethnique. Le modèle de celle de Marseille peut donc nous inspirer. Essayons d’entrer dans le schéma décrit par le père Cyrille, en ne négligeant ni l’un, ni l’autre des liens proposés, celui qui nous lie à Dieu et celui qui nous lie à notre prochain, dans sa diversité. 

           

                 

                 

 

 

                                                                                           

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