Pierre et Paul 2010


Pierre et Paul 2010

            Nous fêtons aujourd’hui ceux que l’on appelle les premiers parmi les apôtres, on dit plutôt les coryphées des apôtres en Occident. Cette fête est suivie le lendemain par la synaxe, c’est-à-dire la fête, de l’ensemble des douze « saints, glorieux et illustres apôtres ». Pourquoi l’Eglise a-t-elle cru bon d’en distinguer deux parmi les autres, un manuel et un intellectuel, sachant que le second n’a pas fait partie des douze ? Pour l’apôtre Pierre, c’est assez simple. Il s’est très rapidement détaché au sein du groupe des apôtres, et il est devenu presque immédiatement leur porte-parole. L’évangéliste Luc rapporte qu’avant l’arrestation du Christ, Pierre a affirmé « qu’il était prêt à aller même en prison, même à la mort, pour Le suivre ». C’est à ce moment que le Christ a dit à Pierre « qu’Il avait prié pour lui afin que sa foi ne disparaisse pas », et lui a demandé « d’affermir ses frères », c’est-à-dire les autres apôtres. Chez l’évangéliste Jean, le rôle que le Christ va faire assumer par Pierre est encore plus défini: Il lui demande trois fois de suite « s’il L’aime et lui confie ensuite Son troupeau ». C’est d’autant plus étonnant qu’il n’était pas l’apôtre préféré du Christ, « celui que le Christ aimait », celui qui était resté fidèle jusqu’au pied de la croix. Cela veut dire que chacun a son rôle à jouer dans la vie de l’Eglise, chacun est appelé à mettre ses dons, à mettre ses capacités au service de Dieu et de son prochain.

            La primauté de Pierre n’est pas contestée par l’Eglise orthodoxe. Elle est interprétée comme une primauté de service, l’évêque de Rome étant le premier parmi les égaux. Pierre et Paul avaient une personnalité et des approches différentes. Le rayonnement de Paul était, sans doute, plus grand que celui de Pierre. Dans les Actes des apôtres il est clair que toutes les décisions importantes ont été prises collégialement par les apôtres, auxquels se sont ajoutés Matthias, le remplaçant de Judas, Jacques, le frère du Seigneur, et, d’autres, dont évidemment l’apôtre Paul. Et il n’a pas été question, non plus, de primauté quand Paul a remis Pierre à sa place à Antioche. Le fait est rapporté l’épître aux Galates où Paul écrit: « Lorsque Céphas vint à Antioche, je me suis opposé à lui ouvertement, car il s’était mis dans son tort. En effet, avant que soient venus des gens envoyés par Jacques, il prenait ses repas avec les païens; mais après leur arrivée, il se mit à se dérober et se tint à l’écart par crainte des circoncis (c’est-à-dire des chrétiens issus du judaïsme); et les autres Juifs entrèrent dans son jeu, de sorte que même Barnabas lui-même fut entraîné dans ce double jeu. » Le moins que l’on puisse dire est que l’apôtre Paul n’a pas pris de gants pour fustiger l’apôtre Pierre.

            Le modeste pécheur du lac de Tibériade en Galilée a d’abord été promu pécheur d’hommes, puis premier parmi les apôtres, malgré ses nombreuses imperfections.

            Le choix de l’apôtre Paul pour le faire figurer à la tête de l’Eglise au même niveau que Pierre n’est pas étonnant. Son haut niveau intellectuel, son activité débordante dans le domaine pastoral lui ont fait jouer un rôle de premier plan. Paul était un grand érudit, formé à l’école du judaïsme le plus pointu sur le plan théologique, habitué depuis son plus jeune âge à commenter les Ecritures, à les étudier sous tous leurs aspects. Il a commencé par mettre ses capacités hors pair au service de la lutte contre le christianisme naissant, jusqu’à sa conversion, provoquée par le Christ alors que Paul se rendait à Damas pour y organiser la persécution des membres de l’Eglise naissante. Après sa conversion, Paul a fait preuve du même zèle, il a utilisé les mêmes capacités pour propager la foi parmi les païens. Autant les épîtres de Pierre, Jacques, Jude et Jean sont à notre portée, autant celles de Paul, d’un haut niveau théologique, peuvent être difficiles à comprendre à la première lecture et prêtent parfois à confusion, si on ne les replace pas dans leur contexte et si on ne les connaît pas toutes, car elles se complètent. Dans sa première épître aux Corinthiens, par exemple, il enjoint les chrétiens de Corinthe à « l’imiter, comme lui-même imite le Christ ». Hors du contexte, la citation pourrait témoigner d’un immense orgueil. En fait, il n’en est rien – Saint Paul se contente de reprendre les paroles du Christ qui a demandé de nombreuses fois à Ses disciples de suivre Son exemple, reprenant, les citations du Lévitique 19, 2 et du Deutéronome 18, 13 où il est demandé à l’homme d’être parfait comme Dieu est parfait. Saint Paul ne dit pas, qu’en ce qui le concerne, le but est atteint. Il demande aux Corinthiens de l’imiter dans les efforts qu’il fournit pour essayer d’atteindre la perfection en imitant le Christ-homme. Au cas où nous aurions des doutes quant à sa modestie, il évoque longuement sa faiblesse et son imperfection dans l’épître aux Romains. « Je ne comprends rien à ce que je fais, – dit-il, ce que je veux, je ne le fais pas, mais ce que je hais, je le fais. (…) Vouloir le bien est à ma portée, mais non pas l’accomplir, puisque le bien que je veux, je ne le fais pas et le mal que je ne veux pas, je le fais ». N’est-ce pas une description précise de notre situation personnelle ? 

            Le parcours en Eglise n’est jamais simple. Dieu a choisi pour La diriger un homme qui L’avait renié et un homme qui s’était présenté comme Son ennemi. Et Judas, s’il s’était repenti, aurait pu faire partie d’un éventuel triumvirat. Aux trois hommes Dieu a laissé leur liberté. A nous de voir ce que nous faisons de la nôtre. Nous trahissons Dieu tous les jours de nombreuses façons, et par notre attitude, nous nous comportons comme si nous étions Ses ennemis. Nous avons pourtant toutes les chances de bien finir. Nous sommes tous potentiellement Saint Pierre, Saint Paul ou Judas. On ne naît pas Saint Pierre, Saint Paul ou Judas, on le devient. Nous sommes tous choisis, nous avons tous un rôle à jouer dans l’Eglise, un rôle qui est à notre portée, mais qui demande des efforts. Repentons-nous, car nous ne sommes certainement pas meilleurs que Saint Paul ou Saint Pierre, ne sombrons pas dans le désespoir comme Judas quand nous aurons failli, Dieu pardonne toujours si on Lui demande pardon, et laissons-nous forcer la main, comme Paul sur le chemin de Damas. 

                 

             

 

 

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