Dimanche de la Samaritaine

Dimanche de la Samaritaine 2013

            De très nombreux « personnages positifs » des récits évangéliques et des paraboles utilisées par le Christ dans Sa prédication, étaient peu fréquentables selon les critères des milieux juifs pieux de l’époque.

Rappelons que le Christ a dit qu’Il n’était pas venu abolir la Loi, mais l’accomplir, et qu’Il prêchait dans les synagogues, sans que cela Lui pose personnellement de problèmes. Mais dans le même temps, Il ne S’est jamais abstenu d’adresser la parole à des gens que les normes sociales et religieuses de l’époque interdisaient de côtoyer.

La Samaritaine de l’évangile d’aujourd’hui en est un exemple parmi de nombreux autres. Les Juifs pieux, les Juifs orthodoxes, considéraient les Samaritains comme des hérétiques. La Samaritaine était, de plus, une femme libérée, dirions-nous à notre époque : mariée cinq fois, ce qui ne faisait déjà pas trop sérieux, elle vivait avec un sixième homme, sans que leur union ait été légalisée. Le Christ ne fait aucun commentaire désobligeant sur sa situation matrimoniale, et Il ne Lui dit pas non plus « va et ne pèche plus, comme Il a dit à la femme adultère de l’évangile de Jean, qu’Il a sauvée de la lapidation. Dans les paraboles, le collecteur d’impôts et le fils dévoyé, l’enfant prodigue, sont des personnages positifs, non pour leurs activités répréhensibles, mais pour leur humilité. Les exemples sont multiples, mais revenons à la Samaritaine.

Les apôtres habitués à l’anticonformisme du Christ s’étonnent juste qu’Il ait adressé la parole à une femme qu’Il ne connaissait pas. Ils doivent bien se douter qu’ils n’ont pas parlé de la pluie et du beau temps ou des conditions économiques ou politiques de l’époque. Ils savent que lorsqu’Il prêche, le Christ ne sélectionne pas Son auditoire, ils savent qu’Il adresse Son enseignement à tous ceux qui viennent L’écouter. Ils savent aussi que si le Maître qu’ils suivent depuis un certain temps S’adresse en priorité « aux brebis perdues de la maison d’Israël », c’est à dire à Ses coréligionnaires, Il guérit aussi la fille de la Cananéenne païenne et le serviteur d’un centurion romain.

S’Il Lui arrive d’être beaucoup plus sévère avec les Juifs pieux qu’avec les autres, s’Il a des mots très durs pour certains pharisiens, c’est parce qu’ayant la Loi, ils ont moins d’excuses que les païens quand ils ne l’observent pas ou l’observent mal, et Il les condamne uniquement quand ils manquent d’humilité, quand ils pensent qu’ils sont « arrivés », qu’ils n’ont plus rien à faire pour s’améliorer sur le plan spirituel. Ces diatribes dont nous voudrions croire qu’elles sont réservées aux seuls pharisiens, et en fait à seulement certains d’entre eux, ces diatribes nous sont adressées à nous autres, orthodoxes, de la même façon. Il est tout à fait adéquat d’établir un parallèle entre chrétiens orthodoxes et pharisiens. Les pharisiens étaient les juifs qui louaient « correctement Dieu » selon les normes du judaïsme. Ce sont les juifs orthodoxes contemporains. De la même façon nous affirmons que nous sommes membres de l’Eglise orthodoxe, de l’Eglise qui « loue correctement Dieu ». Nous avons les Ecritures, nous avons l’Ancien et le Nouveau testaments, nous avons les œuvres des pères de l’Eglise, que les occidentaux redécouvrent, et nous avons les sacrements qui sont là pour nous aider à marcher sur la voie qui mène au Royaume. Pourtant, même si nous avons tout, il serait plus exact de dire, comme le p. Cyrille Argenti l’a dit, que nous essayons d’être orthodoxes, que c’est le travail de toute une vie, et qu’il serait bien prétentieux de laisser entendre que nous le sommes déjà.

Soyons honnêtes, n’avons nous pas, nous aussi, nos Samaritains, dont nous estimons qu’ils ne sont pas vraiment chrétiens, ou en tout cas qu’ils le sont moins que nous ? N’avons-nous pas aussi tendance à privilégier le formel, c’est à dire en Eglise, l’ordo pour les offices, et pour le reste, les convenances sociales, et les marques extérieures du christianisme ? Et, pour ce qui est le plus important, accordons-nous en permanence la priorité à notre prochain que nous voyons, et à Dieu que nous ne voyons pas ?

Répondons avec sincérité à ces questions, et ensuite voyons si nous pouvons vraiment nous permettre de lapider en paroles ou en pensée, ceux que nous osons juger, parce que le jugement que nous portons sur eux nous renforce dans notre autosatisfaction.       

Ce contenu a été publié dans sermon. Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Vous pouvez utiliser ces balises et attributs HTML : <a href="" title=""> <abbr title=""> <acronym title=""> <b> <blockquote cite=""> <cite> <code> <del datetime=""> <em> <i> <q cite=""> <strike> <strong>