Dimanche de Thomas.
L’Eglise a consacré le premier dimanche après Pâques à Thomas. Cela peut sembler surprenant, dans la mesure où l’apôtre Thomas est passé à la postérité avec deux qualificatifs dépréciatifs – il est devenu Thomas l’incrédule ou, encore pire, Thomas l’incroyant.
Cette réputation est injuste. Le Christ est d’abord apparu aux femmes. La tradition affirme qu’Il est apparu à Sa Mère, les évangélistes Marc et Jean ajoutent Marie de Magdala. L’apôtre Luc, l’évangéliste qui a fait œuvre d’historien, mentionne en plus Jeanne et Marie, mère de Jacques et leurs autres compagnes. Dans tous les récits, le Christ est reconnu par les femmes qui ne marquent qu’un petit temps d’hésitation. Marie-Madeleine court immédiatement avertir les apôtres et se heurte à leur scepticisme. « Ces paroles leur semblèrent un délire et ils ne crurent pas les femmes », – ajoute l’évangéliste Luc. Pierre part vérifier et trouve un tombeau vide. « Il rentre en s’étonnant de ce qui était arrivé ». Les disciples d’Emmaüs ne reconnaissent le Christ qu’après la fraction du pain, au début du repas qu’ils devaient partager. Lorsqu’Il apparaît aux disciples, ceux-ci « sont effrayés et remplis de crainte, car ils pensaient voir un esprit. » Le Christ prononce alors ces paroles: « Quel est ce trouble et pourquoi ces objections s’élèvent-elles dans vos cœurs ? Regardez Mes mains et Mes pieds, c’est bien Moi. Touchez-Moi, regardez; un esprit n’a ni chair, ni os comme vous voyez que J’en ai. » « Et comme ils restaient encore incrédules et comme ils s’étonnaient, il leur dit: avez-vous de quoi manger ? Ils Lui offrirent un morceau de poisson grillé. Il le prit et mangea sous leurs yeux ». Le moins que l’on puisse dire est que Thomas n’a pas le monopole du doute. Dans le récit de l’évangéliste Jean, témoin oculaire de cette scène, cette apparition est scindée en deux. Jean dit rapidement que le Christ leur a montré Ses mains et Son côté, il oublie de parler des poissons et fait porter tout le poids de l’incrédulité à Thomas. Pourtant à Sa troisième apparition, au bord du lac de Tibériade, les apôtres ne reconnaissent pas plus le Christ, à l’exception de Jean qui s’en rend compte au bout d’un certain temps et le souffle à Pierre.
On peut légitimement s’interroger sur la perspicacité des apôtres. Ils ont vécu aux côtés du Christ entre deux et trois ans. Ils ont fait partie du cercle des intimes, ils ont été ceux à qui le Christ S’est le plus confié, ceux qui ont participé au dernier repas, à la Cène où tout leur a été expliqué. Comment ont-ils pu ne pas le reconnaître ? Il y a deux explications possibles.
Le Christ leur est apparu transfiguré, après Sa Résurrection qui préfigure la nôtre. Si nous avons la foi, nous croyons en la résurrection des morts, nous croyons en notre résurrection. Nous ressusciterons corps et âmes, non comme des esprits, mais comme des êtres vivants capables de manger du poisson comme le Christ ressuscité. Mais à quoi ressemblerons-nous ? Aurons-nous un corps de 20 ans, de 30 ans, ou de vieillard ? Il se pose aussi le problème des enfants. Tout cela reste un mystère, la seule certitude est que nous ressusciterons.
Si c’est la transfiguration qui a rendu les apôtres momentanément aveugles, comment se fait-il que les femmes, elles, L’aient reconnu presque immédiatement.
Il s’agit donc d’autre chose. Et cette autre chose, c’est la foi qui a manqué à Thomas, mais pas plus qu’aux autres apôtres et disciples. Le Christ S’adresse à toutes les générations de chrétiens en disant « bienheureux ceux qui, sans avoir vu, ont cru ». Conscient de la faiblesse des hommes, Dieu a multiplié les signes pour les aider à croire. Il l’a fait pour les apôtres et les disciples du Christ, Il a ensuite opéré des miracles par l’intermédiaire des disciples qui ont multiplié les guérisons, puis par tous les saints que l’Eglise a reconnus depuis. Il continuera de le faire jusqu’à la fin des temps.
Mais les miracles qu’ils soient discrets ou plus spectaculaires supposent un minimum de foi. Il n’y a pire sourd que celui qui ne veut pas entendre. La parabole du riche et de Lazare est très explicite. Le riche constate après sa mort que les choix qu’il a faits dans sa vie ont des conséquences pour le moins déplaisantes. Il voudrait avertir ses proches encore vivants de ce qui risque de leur arriver, s’ils ne changent pas de vie. Il lui est répondu qu’ils ne comprendront pas plus les éventuels signes que les Ecritures qu’ils connaissent, parce qu’ils les ont lues et n’en ont pas tenu compte dans leur vie, parce que les ignorer leur a permis de mener la vie qui leur plaisait.
Nous sommes face aux mêmes choix. Si nous avons la foi, si nous essayons de vivre en tenant compte du message évangélique, si nous croyons en la Résurrection du Christ, sans laquelle notre foi serait vaine, comme le dit l’apôtre Paul, nous verrons partout des signes, nous verrons partout des indices qui témoignent de la présence de Dieu et du bien-fondé de notre foi. N’étant pas meilleurs que les disciples du Christ, nous traverserons tous des périodes de doute. Mais pour un chrétien, le hasard n’existe pas. Tout est là pour nous mettre sur la bonne voie, les rencontres que nous pouvons faire, les évènements qui jalonnent notre vie. A nous d’avoir suffisamment de foi pour voir tous ces signes et les décrypter.

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