1-er dimanche après la Croix


Ga 2, 16-20   Mc 8, 34 – 9, 1    Saint-Prix

                  Ce dimanche est annoncé dans le calendrier liturgique comme le 15-ème dimanche après la Pentecôte et le 1-er après l’Exaltation de la Croix, fêtée lundi dernier. Les deux fêtes sont classées par l’Eglise dans la catégorie des fêtes majeures. Cela paraît évident pour la Pentecôte, cela l’est moins pour l’Exaltation de la Croix. Une fête est généralement source de joie. Celle-ci est à la fois source de joie et de tristesse. Elle est source de tristesse, parce qu’elle rappelle le sacrifice, le supplice atroce d’Un innocent qui S’est sacrifié pour ouvrir la voie du salut à l’homme pécheur; elle est triste aussi parce qu’elle est le constat d’un échec – l’homme ne peut être sauvé par ses seules forces – c’est cette constatation que fait l’apôtre dans la plupart de ses épîtres, et, en particulier dans l’extrait de l’épître aux Galates, lu aujourd’hui où il dit que « personne ne sera justifié par les œuvres de la loi », et que « si, par la loi, on atteignait la justice, le Christ serait mort pour rien ». Quoi que nous fassions, nous serons toujours loin de la perfection. Pour que nous soyons potentiellement sauvés, Dieu a pris la condition humaine et a assumé notre faiblesse pour la métamorphoser en victoire sur le péché et sur la mort. Dans la tradition juive de l’Ancien testament, les péchés étaient effacés par des victimes expiatoires. Le Christ a été annoncé par les prophètes comme un Agneau innocent, sacrifié pour le péché des hommes qui, eux, sont loin d’être innocents, afin de leur rendre la possibilité d’entrer au Royaume. Cette fête est donc aussi source de joie, puisque l’espoir nous est rendu, même si la joie est empreinte de tristesse. On peut comparer cette dualité à ce qui se passe quand un malade est sauvé par une greffe. Pour que la vie d’un cardiaque condamné par les médecins soit prolongée, il faut que quelqu’un d’autre ait perdu la vie dans un accident. Le malheur des uns devient la source du bonheur des autres. C’est le prix à payer. C’est là que s’arrête la comparaison, car le Christ est ressuscité, et ce que Sa mort, puis Sa résurrection nous donnent, n’est pas un sursis de quelques mois ou quelques années, mais une ouverture sur l’éternité. La Résurrection balaie la tristesse de la mort.

            Les prêtres occidentaux utilisaient, jusqu’à la première moitié du 20-ème siècle, une image, sans doute trop forte et trop culpabilisante, pour mettre les enfants qui leur étaient confiés sur le droit chemin – ils disaient que chaque péché commis par les hommes était un clou supplémentaire enfoncé dans les mains ou les pieds du Christ sur la Croix. Cette image est trop concrète et traumatisante, mais reformulée autrement, elle peut être le départ d’une saine réflexion. C’est effectivement la conduite de l’homme déchu qui a été à la source des souffrances du Christ et, lorsque nous péchons, nous sommes solidaires de la faute d’Adam qui n’a pu être racheté que par la crucifixion d’un innocent. Le sacrifice du Christ nous a apporté le salut, un salut potentiel puisque nous pouvons le refuser, mais un salut à quel prix ? Si nous en étions vraiment conscients, nous aurions, peut-être, un comportement différent.

            Le thème de la croix est repris dans l’extrait de l’Evangile de Marc, à la fin du chapitre 8. Le Christ fait venir la foule et Ses disciples, et prononce des paroles déconcertantes: « Si quelqu’un veut venir à Ma suite, qu’il se renie lui-même et prenne sa croix et qu’il Me suive. » Ces paroles sont reprises au chapitre11 de l’Evangile de Matthieu. Le Christ y tient à peu près les mêmes propos: « Qui aime son père ou sa mère plus que Moi n’est pas digne de Moi; qui aime son fils ou sa fille plus que Moi n’est pas digne de Moi. Qui ne se charge pas de sa croix et ne Me suit pas n’est pas digne de Moi. » L’évangéliste Luc ajoute les frères et les sœurs, et, en bon disciple de Paul, les épouses. Certains y ont vu la promotion du monachisme comme voie de salut, et les catholiques romains y ont vu la justification du célibat des prêtres qui a eu tant de mal et a mis tellement de temps à s’imposer en Occident Tout cela mérite des explications. Ces paroles, prononcées devant un auditoire juif, étaient provocatrices à double titre. Dans le monde antique, c’est sans doute chez les Juifs que la famille avait le plus d’importance et la croix était un instrument de supplice infâmant. Le Christ ne demande pas d’abandonner sa famille pour Le suivre, ni de monter sur une croix. Il demande que nous accordions la priorité à Dieu quand un proche nous suggère par son attitude ou ses propos de faire un choix qui nous En éloignerait. Sachant à quel point nous sommes faibles, Il nous avertit que Le suivre sera pour nous source de souffrances, parce que cela sera très difficile, parce que si nous avons une double citoyenneté, celle du Royaume et celle du Monde, cette dernière est, par moments, incompatible avec la première. Chaque jour, à chaque instant, nous devons opérer des choix. Et le Monde nous suggère rarement les meilleurs.

Le Christ nous demande d’accepter les épreuves qui jalonnent notre vie. Il nous demande de les utiliser comme des moteurs pour notre vie spirituelle, car ces épreuves ont le pouvoir de la renforcer. Cessons de rendre Dieu responsable de tout le mal qui se produit sur terre, cessons de Lui en vouloir pour tout ce qui nous arrive de négatif.

            Nos croix, nos souffrances nous détourneront de Dieu, si nous les refusons, si elles sont source de révolte contre Lui. Si, au contraire, nous les acceptons, tout en nous révoltant contre les forces du Malin, nous ferons de nos épreuves les instruments de notre salut, instruments complétés par La croix du Christ, qui, a rendu notre salut possible. 

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