Dimanche du Pardon

Nous entrons ce soir dans la période du Grand carême. Vous savez que les offices dominicaux de cette période ne se distinguent que par la longueur des offices. La liturgie que nous célébrons le dimanche, la liturgie de Saint Jean Chrysostome, est remplacée, pendant le Grand carême, par celle de Saint Basile, le dimanche des Rameaux mis à part. La liturgie est encore plus complète que celle de Saint Jean. Comme elle, c’est une leçon de théologie à la portée de tous. Mais elle reste festive, et un fidèle pas trop attentif, ne remarquera pas grand-chose de différent, sinon que les vêtements et linges liturgiques sont de couleur sombre et que la liturgie dure un peu plus longtemps. C’est pour cette raison que nous avons introduit progressivement des offices spécifiques au Grand carême. Aux vêpres du Pardon que nous avons toujours célébrées ici, cette année, vont s’ajouter la lecture du Canon de Saint André de Crête, une liturgie des Dons Présanctifiés et un office d’onction des malades, qui concerne tout le monde, puisque nous y demandons la guérison de nos maladies physiques, mais aussi et, surtout, de nos maladies spirituelles. Les maladies du corps n’ont de conséquences que sur notre vie ici-bas, les maladies spirituelles, elles, ont des conséquences sur notre vie dans l’au-delà.

Les vêpres du pardon nous rappellent que le pardon des offenses est une condition essentielle et incontournable de notre salut. Au cas où nous l’aurions oublié, cela nous est rappelé dans la prière que nous connaissons, sans doute, le mieux, cela nous est rappelé dans le Notre Père. Nous demandons à Dieu de nous pardonner, comme nous pardonnons à ceux qui nous offensent. Nous sommes bien imprudents.

Au cours des vêpres du Pardon que nous allons célébrer tout à l’heure, après notre liturgie et après une pause, nous entendrons de nouveau et ferons nôtre, la prière de Saint Ephrem le Syrien, un saint du 4-ème siècle, qui nous accompagnera pendant tout le Grand carême, du dimanche soir jusqu’au vendredi, que ce soit chez soi, ou au cours des offices, et en particulier aux vêpres ordinaires, et à celles qui précèdent les liturgies des Dons Présanctifiés.

« Seigneur et Maître de ma vie, ne m’abandonne pas à l’esprit d’oisiveté, d’abattement, de domination et de vaines paroles. Mais accorde-moi l’esprit d’intégrité, d’humilité, de patience et d’amour, à moi Ton serviteur. Oui, Seigneur-Roi, donne-moi de voir mes fautes et de ne pas juger mon frère, car Tu es béni dans les siècles des siècles ».

Les formes que doit prendre notre repentir sont résumées en quatre points négatifs, puis en quatre points positifs – ce que nous ne devons pas faire, puis ce que nous devons faire.

Nous sommes appelés à lutter contre quatre maladies spirituelles.

Le Christ nous appelle à être parfaits comme Dieu est parfait. Nous avons tendance, comme les apôtres, à répondre que c’est impossible. L’étape suivante étant de dire, puisque nous n’y arriverons jamais, à quoi bon se fatiguer. Et il n’y a pas grand-chose de plus difficile que de fournir des efforts spirituels. C’est contre cette paresse-là que Saint Ephrem nous demande de lutter.L’une des conséquences de cette paresse spirituelle est le découragement, l’abattement, la dépression spirituelle que les pères de l’Eglise nomment l’acédie. Ce vide créé par notre absence de vie spirituelle, nous essayons de le combler, par un désir de domination, tous azimuts, par la recherche, jamais satisfaite, de plaisirs. Cette recherche a pour conséquence la priorité que nous nous accordons sur notre prochain. Nous sommes, enfin, appelés à davantage de sobriété dans nos paroles. Au chapitre 12 de l’Evangile de Matthieu, le Christ annonce que « les hommes rendront compte au jour du jugement de toute parole sans portée qu’ils auront proférée ». Nous avons du mal à nous rendre compte des effets désastreux que peuvent produire des paroles déplacées.

Dans la seconde partie de sa prière, Saint Ephrem énonce quatre points positifs.

Le premier est l’intégrité, la sobriété en tout, la concentration sur l’essentiel qui nous font revoir notre échelle des valeurs. L’essentiel, c’est Dieu et notre prochain. Cette intégrité présuppose le second point, l’humilité. Si nous ne comprenons pas que lorsque il nous arrive, trop rarement, d’agir correctement, nous ne faisons que notre devoir et ne devons prétendre à aucun mérite, tous nos efforts spirituels sont vains. L’évangéliste Luc rapporte les paroles du Christ à ce propos au chapitre 17 de son Evangile: « Vous aussi, quand vous avez fait tout ce qui vous était ordonné, dites : nous sommes des serviteurs quelconques, nous avons fait seulement ce que nous devions faire ». La troisième vertu est la patience, la persévérance. Nous ne serons pas jugés sur nos résultats, mais sur la constance de nos efforts. Monseigneur Antoine Bloom de Londres, disait que si « Dieu était juste, nous serions tous condamnés ». Cela revient à dire la même chose. Notre salut dépend de notre persévérance – écrit l’apôtre Jacques dans son épître. Notre salut dépend enfin de l’amour que nous éprouvons pour Dieu et pour notre prochain. L’apôtre Jean explique dans sa première épître que « celui qui prétend aimer Dieu qu’il ne voit pas, alors qu’il n’aime pas son prochain qu’il voit est un menteur ».

A ces huit points s’ajoutent deux requêtes complémentaires dans la dernière partie de la prière de Saint Ephrem : nous demandons à Dieu de nous aider « à voir nos fautes et à ne pas juger notre prochain ». Bon et fructueux et joyeux carême à tous !

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