Ephésiens 2, 14-22

 

            L’extrait de l’épître lu aujourd’hui est un des nombreux textes de l’apôtre Paul où il est question de la fondation de l’Eglise et de ses principes fondateurs. L’apôtre s’appuie sur une prophétie de Zacharie (9, 9-10): « tressaille d’allégresse, fille de Sion ! – est-il écrit, – Pousse des acclamations, fille de Jérusalem !  Voici que ton roi s’avance vers toi; il est juste et victorieux, humble, monté sur un âne, sur un ânon tout jeune. Il supprimera d’Ephraïm le char de guerre et de Jérusalem, le char de combat. Il brisera l’arc de guerre et il proclamera la paix pour les nations. Sa domination s’étendra d’une mer à l’autre et du fleuve jusqu’aux extrémités du pays ».

            L’allusion à l’entrée à Jérusalem, fêtée par le monde chrétien le dimanche des Rameaux est évidente. Cette entrée triomphale, si l’on se réfère à la foule qui accueille le Christ, est plus que teintée d’humilité – le Christ, le roi de la prophétie, ne s’avance pas sur un char traîné par un fier coursier. Le cheval de parade est remplacé par un âne, une monture plus modeste, à la portée du commun des mortels de l’époque. Le Christ est aussi le Juste de la prophétie. Mais Il n’a pas besoin de suivre la Loi pour être un juste. Il est Lui-même la Loi. Il est le Juste par excellence. La victoire que Zacharie annonce n’est pas une victoire militaire sur les Romains, c’est celle du Christ sur le péché. En revanche, même si le christianisme va se propager dans le monde entier, le Christ ne pourra proclamer la paix pour les nations qu’avec notre collaboration. Cet aspect de la prophétie ne peut se réaliser qu’avec nous. Cependant Dieu n’impose rien, Il propose à l’homme, dont Il attend depuis toujours qu’il soit Son co-créateur, et depuis la chute de l’homme, qu’il le redevienne.

            L’apôtre Paul ajoute que le Christ est venu rétablir l’unité entre les hommes, entre les Juifs, qu’Il a choisis pour Lui porter témoignage et les païens, c’est-à-dire tous les autres peuples de la terre qui sont aussi appelés à se tourner ou à revenir vers Dieu. Tous les hommes sont des frères, puisque, ajoute-t-il, tous sont des « concitoyens des saints et font partie de la famille de Dieu ». Cette Eglise qu’évoque l’apôtre est « une construction qui a pour fondements les prophètes et les apôtres et dont la pièce maîtresse est le Christ. » Et nous sommes tous les membres de cette Eglise « nous qui sommes ensemble intégrés à Sa construction pour devenir une demeure de Dieu par l’Esprit. »

Tout est dit. Les objectifs sont fixés. Maintenant c’est à nous de faire notre examen de conscience. Le monde n’est pas pacifié, c’est le moins que l’on puisse dire. Nous ne pouvons pas faire grand-chose au niveau des états, notre influence personnelle sur la politique mondiale est très limitée, même si elle réelle. De quelle façon pouvons-nous agir au sein de l’Eglise pour participer au projet de Dieu pour le monde, pour accélérer le processus esquissé par la prophétie de Zacharie et aboutir à sa réalisation ?

            Il est dit que si nous oeuvrons pour notre salut, si « nous devenons la demeure de Dieu par l’Esprit », comme l’écrit l’apôtre Paul, d’autres seront sauvés autour de nous. Le métropolite Antoine Bloom aimait répéter que « la foi chrétienne était assimilable à une grippe que l’on transmettait par contagion à ses proches ». L’image peut prêter à sourire par les temps qui courent, mais elle véhicule une idée très forte. Sommes-nous assez atteints par la foi pour que ceux qui nous côtoient soient, à leur tour, contaminés et contaminent les autres ? Sommes-nous des exemples ? Donnons nous aux autres l’envie de devenir chrétiens ?  Parfois, peut-être, mais en tout cas, bien trop rarement. On se pose assez souvent dans nos communautés une question difficile – pourquoi les adolescents mettent-ils entre parenthèses leur pratique religieuse, soit définitivement, soit pour un temps plus ou moins long ? Cela touche pratiquement toutes les familles. Un des participants anglais de la dernière réunion pastorale de notre Archevêché est allé jusqu’à évoquer une statistique désastreuse concernant les enfants de prêtres de son doyenné. Si, même les prêtres ne réussissent pas à contaminer leur entourage par leur foi et l’exemple qu’ils devraient montrer, alors qui peut le faire ? La réponse est moins sombre que celle que suggérait le doyen. Pour les familles de laïcs, comme pour les familles de prêtres, il peut y avoir le problème du contre-exemple: « faites ce que je dis, mais ne faites pas ce que je fais ». Mais comment expliquer alors que dans une même famille, quand des enfants ont reçu une même éducation, quand des enfants auraient du être contaminés par la même foi, ils ont fait des choix différents, l’un restant dans l’Eglise, alors qu’un autre la quitte momentanément ou définitivement ? L’homme est libre. La contamination peut aussi venir du Monde, dont nous savons à quel point le Malin sait le rendre séduisant. Si Dieu nous laisse libres, alors qui sommes-nous pour entraver la liberté de nos proches  ?  Les germes ont été dispersés au sein de la famille. La contamination  espérée se manifestera peut-être ultérieurement.

            Dans tous les cas de figure, nous ne devons ni baisser les bras, ni perdre espoir. Le père Alexandre Men’ disait que pour que l’Esprit vienne faire Sa demeure en nous, il fallait d’abord le désirer, et ensuite que nous devions Lui laisser une place et faire le ménage en nous. La demeure que nous offrons à l’Esprit n’est pas prête, il y règne le désordre. Pour en évacuer tous les « immondices qui y traînent », c’est l’expression utilisée par le p. Alexandre, nous devons lutter contre les pensées et les sentiments indignes d’un chrétien, nous devons cesser de tenir des propos méprisants et agressifs à l’égard de notre prochain, et devons éviter de commettre des actions qui pourraient nous priver du droit de nous dire chrétiens. Dans le même temps, nous devons prier, ne juger personne et nous imprégner des Ecritures. Seuls, nous ne pouvons rien, mais si nous nous engageons dans cette voie, nous serons soutenus par l’Esprit. Et comme ces paroles sont dures, le père Alexandre ajoute: « si vous n’avez pas assez de forces, si vous manquez d’espoir, si votre foi est trop faible, rappelez-vous que le Seigneur nous sauvera pour l’amour que nous aurons manifesté. Lorsque nous nous rendons au festin auquel Dieu nous convie, nous autres qui sommes boiteux, tordus, purulents, pestiférés sur le plan spirituel, comme si nous sortions d’un hôpital de campagne pour infirmes spirituels, il se produit un miracle. Par amour, Il nous accueille ».  

              

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