5-ème dimanche après la Pentecôte

5-ème dimanche après la Pentecôte Saint-Prix 07/2015

Nous sommes invités à communier à chaque liturgie. Ne pas communier équivaudrait à être invité à un repas, et sur place, refuser d’y participer. La communion fréquente devrait être la règle, sans toutefois que nous tombions dans la routine et être précédée d’un minimum de préparation. En Russie, avant la Révolution, la majorité de la population ne communiait qu’une fois par an à Pâques – d’abord parce que une communion annuelle était obligatoire pour tous les fonctionnaires de religion orthodoxe et parce que la confession et la communion devant être précédées d’un jeûne sérieux de plusieurs jours, les pratiquants occasionnels profitaient du Grand Carême pour appliquer la loi. La règle, ou plutôt l’habitude, dans notre Archevêché, en tout cas dans les paroisses francophones est que la communion n’est pas liée directement à une confession préalable. Les deux actes sont dissociés et la fréquence des confessions, en temps normal, est fixée par chaque fidèle avec son confesseur. Il est évident que les fidèles peuvent avoir besoin de recourir à la confession en dehors de ce schéma. Dans ce domaine, il faut faire preuve de discernement.

Nous fêtons, avec quelques jours de retard, les apôtres Pierre et Paul, les coryphées et princes des apôtres. Et il y a une phrase de Saint Paul que nous prononçons ensemble dans la prière avant la communion. Il a écrit cette phrase dans sa première épître à Timothée. Et saint Jean Chrysostome l’a reprise dans la liturgie qui porte son nom, dans la liturgie que nous célébrons dans toutes les Eglises orthodoxes du monde entier. Cette phrase s’applique à nous, mais comment peut-elle s’appliquer à St Paul ? « Le Christ est venu dans le monde pour sauver les pécheurs, dont je suis le premier ». – a écrit l’apôtre.

La première partie de la phrase ne pose pas de problème. Le Christ a affirmé de nombreuses fois qu’Il était venu sauver les pécheurs et non les justes. Les justes, contemporains du Christ, étaient ceux qui suivaient les commandements dictés par Dieu à Moïse et les règles consignées dans les premiers livres de la Bible. Nos justes sont ceux qui essaient de toutes leurs forces de suivre les deux commandements qui résument tous les autres – l’amour de Dieu et l’amour du prochain. Nous savons que le Christ a toujours préféré les pécheurs à ceux qui se sentaient justes. Pourquoi ne préférait-Il pas ceux qui observaient scrupuleusement les règles et avaient évidemment raison de le faire ? Parce qu’ils étaient tentés d’estimer que Dieu leur était alors redevable. Le danger est qu’une personne juive ou chrétienne qui observe les commandements puisse croire qu’elle mérite d’être récompensée et que les portes du Royaume lui sont ouvertes. Ce danger a été souligné par des rabbins qui, utilisent les mêmes mots que ceux de l’Evangile : « Observer les commandements de Dieu n’est pas une garantie de récompense. Ne soyez pas comme des serviteurs qui servent leur maître pour recevoir un salaire » – est-il écrit dans un commentaire rabbinique. Pour nous, chrétiens, au chapitre 17 de l’Evangile de Luc, le Christ prend l’exemple d’un serviteur qui aurait bien labouré le champ de son maître. Il demande à Ses disciples : «  Le maître a-t-il de la reconnaissance envers ce serviteur parce qu’il a fait ce qui lui avait été ordonné ? » – et sans attendre de réponse, le Christ ajoute : « vous aussi, quand vous avez fait tout ce qui vous était ordonné, dites : Nous sommes des serviteurs quelconques. Nous avons fait seulement ce que nous devions faire ».

Dans l’Ancien, comme dans le Nouveau testament, nous ne sommes pas appelés à labourer un champ, mais à atteindre, ou en tout cas à chercher à atteindre la perfection. Et nous sommes loin « d’avoir fait tout ce qui nous a été, et nous est ordonné ». Cela donne un autre éclairage à la fausse polémique sur la priorité qu’il faudrait accorder à la foi ou aux œuvres. Notre foi, comme nos œuvres seront toujours insuffisantes. Si nos mérites pouvaient assurer notre salut, le Christ ne serait pas mort sur la Croix pour assurer le salut des héritiers d’Adam que nous sommes. Et si notre foi était suffisante, nous serions proches de la perfection. Alors quelle est la solution à nos problèmes spirituels ? Sachant que nous ne serons jamais parfaits, faisons tout pour essayer de l’être, et à chaque fois que nous tomberons, ce qui est largement prévisible, relevons-nous et demandons pardon à Dieu – qui l’accorde toujours. Demandons pardon sans jamais chercher d’excuses, et considérons tous les désagréments qui nous accablent dans notre existence comme mérités.

Le p. Nikon Vorobiov, un prêtre russe de la première moitié du 20-ème siècle, écrivait à ses enfants spirituels : « Nous avons une dette envers le Seigneur, une dette que nous ne pourrons rembourser (la dette, ce sont les souffrances et la mort du Christ sur la Croix, et tout ce que nous avons reçu à notre naissance) ». Le p. Nikon poursuit : « Aucun exploit, aucun sacrifice, aucune bonne action ne feront l’affaire ». (…) Supportons les vexations, les reproches, les injustices, (…) acceptons les maladies, et (…) portons les fardeaux les uns des autres, pour compenser ne serait-ce qu’un peu notre manque d’efforts spirituels ». Pour en revenir à la formule « Le Christ est venu dans le monde pour sauver les pécheurs, dont je suis le premier », et pour justifier cette formule, l’on peut s’appuyer sur une autre citation du p. Nikon : « Les saints se repentent jusqu’à leur dernier soupir, car ils se sentent indignes d’être proches de Dieu et donc indignes du Royaume. Alors que plus l’homme est pécheur, moins il voit ses péchés et plus il juge les autres avec sévérité ». Nous pouvons reformuler cette phrase : « Plus l’homme est proche de la sainteté, plus il voit ses propres péchés et moins il juge son prochain. » A nous d’en tirer les conclusions.

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