Parabole du Riche et de Lazare

         Dans la parabole du riche et de Lazare, le Christ aborde trois thèmes essentiels – la nécessité de la pauvreté au sens large du mot, le risque de ne pas entrer au Royaume où tout homme est pourtant convié, et l’inefficacité des miracles qui ne peuvent aider les aveugles sur le plan spirituel.

         La parabole commence par une condamnation de la richesse matérielle. Le riche manifeste sa richesse par ses vêtements et les festins qu’il organise. La richesse en tant que telle n’est pas condamnée, mais elle rend le salut beaucoup plus difficile. Ce ne sont pas les vêtements et les festins qui sont condamnables, mais le fait qu’ils soient l’essentiel des préoccupations du riche de la parabole, le fait que sa richesse matérielle et les jouissances qu’elle procure l’éloignent de son prochain et de Dieu. Il ne s’agit pas seulement des richesses matérielles – les richesses intellectuelles, les dons artistiques, les capacités physiques ou esthétiques peuvent devenir un obstacle sérieux sur la voie qui mène au Royaume quand ils deviennent obsessionnels, quand ils prennent le pas sur tout le reste. La pauvreté en esprit des Béatitudes est une des conditions d’entrée au Royaume. Le riche de la parabole n’est pas, semble-t-il, intrinsèquement mauvais, mais il a mal choisi ses priorités. Il n’a vécu que pour son plaisir personnel.

         Le Christ continue la parabole en donnant une vision peu agréable de l’enfer où le riche se retrouve après sa mort. Le riche se plaint d’être à la torture. Les flammes qui l’entourent, la chaleur qui l’accable lui causent d’intenses souffrances et il demande que Lazare qui, lui, est au paradis, vienne atténuer sa douleur. L’image des flammes a un caractère pédagogique. Les flammes sont destinées à faire peur à la foule qui écoute les paroles du Christ. Nous n’avons aucune idée de ce qu’est l’enfer. Il est possible que les flammes évoquées dans la parabole symbolisent la brûlure spirituelle, l’intense remords qu’éprouve celui qui, sur terre, s’est éloigné de Dieu. Il est possible que les flammes symbolisent les regrets qu’éprouve celui qui se rend compte que sa vie sur terre le prive maintenant de la proximité de Dieu dans l’autre-monde. Cette brûlure est, peut-être, la même que celle que l’on éprouve quand on a déçu, quand on a fait mal à quelqu’un que l’on aime profondément, à quelqu’un qui nous est très proche et que l’on a trahi par faiblesse ou par bêtise. Mais pour la foule, la brûlure des flammes est plus parlante, plus effrayante que la brûlure intérieure. La douleur physique impressionne plus que la douleur morale.

          Le Christ s’adresse à une foule qui ne sait pas trop si son Dieu est un Dieu vengeur ou un Dieu clément. Nous, chrétiens, savons qu’un Dieu qui Se laisse crucifier et pardonne Ses bourreaux qui « ne savent pas ce qu’ils font » ne peut être un Dieu qui organise la souffrance de ceux dont Il n’a pas été la priorité, de ceux qui L’ont ignoré, de ceux qui L’ont trahi, ou qui L’ont même combattu. Ce n’est pas Dieu qui a chassé Adam du paradis, c’est lui-même qui s’en est exclu. De la même façon, ce n’est pas Dieu qui ferme les portes du Royaume aux pécheurs, que nous sommes tous, ce sont les pécheurs qui restent à la porte, par leur seule faute.

          Le Christ met enfin l’accent sur l’inutilité des miracles qui ne peuvent convaincre ceux qui ne veulent pas voir. A l’époque soviétique, le père Alexandre Borissov, un prêtre russe, a rapporté la démonstration de l’existence de Dieu faite par une petite vieille à des ouvriers a priori athées. Quelque part en province, de jeunes ouvriers en mal de conversation dans un autobus ont entamé une discussion avec une vieille femme et ont fini par lui demander si elle était croyante. La vieille dame ne s’est pas démontée. Elle leur a répondu par une question : eux qui travaillaient sur des machines-outils de haute technicité, pouvaient-ils penser qu’elles étaient le fruit du hasard, qu’elle s’étaient faites toutes seules. Les ouvriers ont répondu qu’il était évident que c’était impossible. Elle leur a alors demandé comment le monde, comment les saisons, comment la nature et ses merveilles pouvaient être sortis tout seuls du néant. Cet agencement du monde, cette mécanique si bien réglée de la nature ne pouvaient être le fruit du hasard. Les jeunes ouvriers ne se sont, sans doute pas convertis, mais ils ont ri et trouvé la vieille dame astucieuse et lui ont dit qu’ils comprenaient qu’elle puisse croire en Dieu.

           Les miracles sont rares et sont généralement des fruits de la compassion. Ils ne sont jamais une atteinte à la liberté de l’homme, Dieu ne le force pas. Si l’homme est incapable de voir la main de Dieu dans la nature, il ne sera pas plus convaincu par les miracles. La Transfiguration du Christ sur le Mont Thabor et les nombreux miracles qu’Il a faits n’ont pas empêché les disciples, y compris les plus proches, de perdre provisoirement la foi le jour de la crucifixion. Si notre foi nous garantissait une vie matérielle confortable sur terre, si elle nous garantissait une santé à toute épreuve, ce ne serait plus une foi, mais une certitude et un calcul d’intérêt. Nous ne gagnerons pas notre entrée au Royaume par nos œuvres, elles seront toujours insuffisantes, mais par la conscience de notre état de pécheurs, par notre repentir et notre foi en la miséricorde divine.

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