Dimanche de la Samaritaine

A Sa rencontre avec la Samaritaine, le Christ compare Son enseignement, à une eau vive, à une eau inépuisable, dont la consommation la plus fréquente possible étanche la soif spirituelle que toute personne éprouve ou devrait éprouver. Le récit de cette rencontre ne devrait plus avoir de secrets pour nous, pourtant chaque relecture de l’Evangile est source de nouvelles découvertes.

L’action du récit se déroule dans une ville de Samarie appelée Sychar, à mi-chemin entre la Judée et la Galilée, au milieu de la Palestine. Le Christ, en route pour Cana, est fatigué, Il S’est arrêté vers midi et Se repose auprès d’un puits en attendant que Ses disciples rentrent de la ville où ils sont allés acheter du ravitaillement. La mi-journée est le moment le plus chaud, celui où les gens normaux, les voyageurs mis à part, restent chez eux. C’est pourtant le moment que choisit une femme pour sortir de chez elle et venir puiser de l’eau. Toute femme sensée puise son eau le matin ou le soir, au coucher du soleil. Pour quelles raisons la Samaritaine choisit-elle une heure aussi peu propice ? Elle vit maritalement avec un homme, après cinq autres expériences malheureuses. Dans une ville où tout le monde se connaît, elle supporte les regards et les remarques désobligeantes des voisins. Les deux endroits où les femmes se retrouvent, et en profitent pour médire, sont le puits et le lavoir. La Samaritaine n’est pas fière de son mode de vie. Pour aller puiser son eau, elle choisit donc le moment où elle a peu de chances de rencontrer qui que ce soit. Elle a conscience de son indignité.

La Samaritaine, comme le publicain de la parabole du pharisien et du publicain, sont des modèles d’humilité. Nous savons que sans humilité, l’accès au Royaume est problématique. La rencontre entre le Christ et la Samaritaine est, à plus d’un titre, « extra ordinaire », au sens propre du terme, « improbable » – dirait-on maintenant. Un Juif pratiquant ne devait pas adresser la parole à une femme, encore moins à une Samaritaine, – les Samaritains étaient considérés comme des traîtres et des hérétiques. Et Il devait encore moins s’adresser à une femme de très mauvaise vie, selon les critères de l’époque. Un homme ordinaire ne pouvait le deviner, mais aux yeux de Ses disciples, le Christ était tout sauf un homme ordinaire. Il surprend la Samaritaine. Elle comprend qu’il se passe quelque chose d’inhabituel. A leur retour, les disciples, pourtant étonnés, ne posent pas de questions – sans doute, n’est-ce pas la première surprise que leur réserve le Christ.

Nous pouvons tirer plusieurs enseignements de ce récit. Les conventions sociales ne sont pas de mise dans le christianisme. Et il nous est demandé de nous abstenir de tout jugement d’autrui. La conscience de nos propres fautes peut nous y aider, elle est un antidote à l’orgueil, le péché, la passion la plus grave selon les pères de l’Eglise. Le Christ n’émet aucun jugement sur la conduite de la Samaritaine, Il ne lui demande pas de quitter son sixième mari. Dans la parabole du pharisien et du publicain, il n’est rien demandé au collecteur d’impôts. Le publicain est reparti « justifié » – est-il seulement écrit. Il a été justifié par son humilité. Il n’est rien demandé au Bon larron sur la croix, qui, de toutes façons ne peut plus faire grand-chose à part se repentir. Son humilité et son repentir lui ont assuré le salut. L’humilité, la conscience de l’état de pécheurs et le repentir, dans tous ces exemples, l’emportent sur tout le reste. Cela met les points sur les i dans le faux débat sur la foi et les œuvres.

Les œuvres sont toujours insuffisantes et peuvent même être contre-productives, si elles ont pour résultat une satisfaction de soi et le sentiment que l’on mérite son salut. Qui parmi nous n’a jamais éprouvé ce sentiment ? Et la notion de mérite n’a pas sa place dans le monde orthodoxe. Le métropolite Antoine de Londres affirmait que si Dieu était juste, nous serions tous condamnés, car nous sommes tous pécheurs. La foi, sans l’humilité, mais aussi sans les œuvres ne permet pas d’atteindre la perfection à laquelle nous sommes appelés.

Pour éviter le désespoir, il ne reste que l’espérance qui vient compléter la foi – l’espérance ou, dans le meilleur des cas, la certitude, que la mansuétude divine compensera nos innombrables insuffisances. Le père Nikon Vorobiov, un prêtre-moine russe de la première moitié du 20-ème siècle, conseillait à ses enfants spirituels « de faire ce qui était à la mesure de leurs forces, et pour le reste, avec une profonde conscience de leur état de pécheurs, de s’en remettre à la miséricorde de Dieu ».

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