Sainteté

L’Eglise a fêté tous les saints dimanche dernier, nous fêtons aujourd’hui tous les saints de France et de Russie. En fonction de l’origine des paroissiens l’on peut ajouter tous les saints serbes, roumains, grecs, bulgares ou arabes. L’un des attributs de la sainteté est l’acquisition de l’Esprit Saint, selon la formule de Saint Séraphim de Sarov. Nous recherchons cette acquisition quand nous demandons à l’Esprit de « venir faire Sa demeure en nous, de nous purifier de toute souillure et de sauver nos âmes » dans la prière « Roi céleste ».

Le premier homme a été créé à l’image et à la ressemblance de Dieu. Il a perdu la ressemblance et nous avons hérité de cette perte. Nous restons libres, mais notre liberté est combattue, notre liberté est bridée par les forces du Malin qui profite de notre faiblesse. En accueillant l’Esprit, en Le laissant agir en nous, nous entamons un processus qui tend à rétablir la ressemblance perdue – nous sommes appelés à être parfaits comme Dieu est parfait. Les apôtres ont compris où était le problème et ont répondu au Christ que c’était impossible. Nous connaissons tous la réponse qu’ils ont reçue – « Ce qui est impossible aux hommes est possible à Dieu ». Cette réponse est à la fois claire et obscure.

L’on fait souvent un contre-sens sur le mot « saint » qui est interprété de façon incorrecte. Le mot saint signifie « qui appartient à Dieu ». Quand il est appliqué à Dieu, le mot « saint » met l’accent sur Sa perfection. Quand au cours de la liturgie, le célébrant proclame « les saints dons aux saints », c’est-à-dire aux fidèles, le chœur reprend les réserves faites par les apôtres et remet immédiatement les choses à leur place en chantant : « Un seul est saint, un seul est Seigneur, Jésus-Christ, à la gloire de Dieu le Père ». Personne n’est parfait parmi les humains – mais certains sont moins éloignés que d’autres de la perfection. La Mère de Dieu, la Mère du Christ, mise à part, nous sommes tous loin de Dieu. La comparaison que des Pères de l’Eglise font avec les planètes est adéquate – certaines planètes sont plus proches du soleil que les autres, mais toutes les planètes sont plus proches les unes des autres que chacune d’entre elles n’est proche du soleil. Il en va de même pour les hommes, les saints sont plus proches que nous de Dieu, mais ils restent pécheurs et, surtout, ils se sentent pécheurs. Quand nous disons que telle ou telle personne est sainte, nous voulons dire qu’elle commet moins de péchés que le commun des mortels, qu’elle est moins éloignée de la perfection que nous. Quand l’Eglise décrète qu’une personne est sainte, cela ne signifie pas qu’elle a été parfaite, cela veut dire que cette personne a réussi de se rapprocher de Dieu, qu’elle a laissé l’Esprit agir en elle, en permanence pour certains, comme Saint Séraphim de Sarov, par intermittence pour la plupart des autres saints, et à la dernière minute pour quelques uns. Les saints sont proposés comme exemples à suivre pour un trait de leur caractère, pour un ou plusieurs aspects de leur vie qui les ont rapprochés de Dieu.

Mais tous les saints sont conscients de leur imperfection, ils en sont bien plus conscients, que nous ne le sommes de notre imperfection. Quand un père du désert, quand un moine très âgé, vénéré par les moines qui le prennent pour modèle, supplie Dieu de prolonger sa vie de quelques jours, parce qu’il ne s’est pas assez repenti de ses péchés, cela donne à réfléchir. La conscience sincère de son état de pécheur le rend plus proche de la perfection. Nous revenons là à la phrase : « ce qui est impossible aux hommes est possible à Dieu ». L’Esprit compense les insuffisances de l’homme à la mesure de son humilité, à la mesure de la conscience qu’il a de ses péchés et du repentir qu’il éprouve.

Que conclure de tout cela ? Contrairement au « toujours plus », mortifère quand il s’agit de la consommation et de la recherche des satisfactions égoïstes, le « toujours plus » spirituel, lui, est vital. Il doit se manifester dans l’amour toujours plus grand du prochain. Sans cet amour du prochain, l’amour pour Dieu n’est qu’une expression vide de sens. Laissons l’Esprit agir en nous, accordons Lui une place plus grande que celle que nous accordons aux activités futiles qui encombrent notre vie. Prenons sincèrement conscience de notre état de pécheurs, sans jamais douter de la mansuétude et de la compassion de Dieu. Un vrai musicien pratique son art tous les jours et plusieurs heures pour approcher de la perfection. S’il cesse de jouer, ne serait-ce qu’un court laps de temps, il régresse. Il en va de même dans la vie spirituelle. Nous ne serons jamais parfaits, mais le salut est le couronnement des efforts fournis, de l’humilité, du degré de repentir et de la persévérance. Mgr Kallistos Ware propose une définition de la perfection qui répond au désarroi des apôtres et au nôtre, et reprend les notions d’effort et de persévérance : « L’essence de la perfection, – écrit-il, consiste, paradoxalement, dans le fait que nous ne devenons jamais parfaits, mais que nous continuons toujours d’avancer ».

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