3-ème dimanche après Pâques Ac 6, 1-7  Mc 15, 43 – 16, 8

                  La fête de Pâques est passée, le grand carême est bien fini. Les efforts ascétiques de tous ordres que nous aurions du faire ou que nous avons essayé de faire ont été remplacés par une vie que nous avons tendance à qualifier de normale. Nous courons maintenant un grand danger, celui du retour à la banalisation de notre vie. Nous risquons de perdre les maigres bénéfices obtenus grâce à une préparation de dix semaines, d’abord douce, puis plus intense à la Fête des fêtes, celle qui, comme le dit saint Paul, justifie notre foi.

Ce n’est pas maintenant que notre vie est normale, c’est pendant le Grand carême qu’elle s’est un peu rapprochée de la normalité du point de vue chrétien. Nous sommes incapables de fournir en permanence des efforts intenses. Ce qui est vrai dans la vie quotidienne, l’est aussi dans la vie spirituelle – nous avons tendance à les dissocier l’une de l’autre, limitant la “spiritualité” au dimanche matin. Il est bon d’avoir des plages de semi-repos, mais jamais de repos total. Une inactivité totale dans le domaine spirituel, celui qui nous intéresse ici, ruinerait les résultats de tout ce qui a pu être obtenu avec l’aide de l’Esprit. Essayons de ne pas l’oublier. Les mercredis et vendredis, tous les petits et plus grands carêmes proposés par l’Eglise sont des piqûres de rappel. Ils sont proposés, jamais imposés. Que cela ne nous empêche pas de comprendre leur bien-fondé. Essayons de ne pas les négliger. Dieu et notre prochain doivent rester notre priorité.

            Les deux lectures d’aujourd’hui sont instructives, comme toute lecture des Ecritures. Elles nous rappellent que l’Eglise est un grand corps où tout le monde peut trouver sa place, où tout le monde a son utilité, où chacun est indispensable à sa façon.

            Dans les Actes des apôtres, saint Luc évoque la création du diaconat. « Pour ne pas délaisser la prière et l’enseignement de la Parole de Dieu », les douze apôtres qui ne pouvaient faire face à toutes les tâches, qui ne pouvaient plus assurer en particulier, ce qu’on appellerait aujourd’hui le travail social, ont demandé aux disciples de choisir dans leurs rangs sept hommes pour « le service des tables », c’est-à-dire l’organisation de certains aspects de la vie matérielle de l’Eglise, alors en formation. Nous pouvons tirer deux enseignements de cette innovation. Le premier est que le choix des personnes chargées des diverses fonctions à assumer doit se faire sur un mode électif. C’est ce qui a été repris dans les recommandations du Concile de 1917 en Russie et a été retenu dans notre Archevêché, où futurs diacres, prêtres et évêques sont choisis et proposés par le peuple de façons différentes, mais dans un même esprit. Les responsables laïcs exerçant des fonctions dans l’Eglise sont élus également, que ce soit au niveau paroissial ou diocésain. Tout futur membre du clergé est issu d’une communauté, qui, soit le choisit directement, soit manifeste son accord en clamant « axios » (il est digne) le jour de l’ordination. Le deuxième enseignement est que les tâches à assurer dans l’Eglise sont très diverses et qu’elles sont toutes indispensables, même si certaines semblent, mais c’est une erreur, plus importantes ou plus nobles que d’autres. Reprenons l’image de l’Eglise corps du Christ, et dont Il est la tête. Il est évident que sans cette tête, il n’y aurait pas d’Eglise, mais il n’y aurait pas d’Eglise non plus, si ce corps ne comprenait pas d’autres membres. Et tous les membres ont leur importance et leur place. Dans un corps humain, il suffit qu’un petit vaisseau se bouche pour que l’alimentation du cerveau ne se fasse plus, avec toutes les conséquences qui en découlent. Il semble plus prestigieux d’être un cerveau que d’être un vaisseau, mais qui niera l’importance du vaisseau ? Dans l’Eglise c’est la même chose.

            Nous commémorons aujourd’hui les femmes myrrhophores et Joseph d’Arimathie. Ces femmes ont joué un rôle immense. Elles ont été les disciples les plus fidèles et les plus courageuses du Christ, elles ont été les premières à apprendre la nouvelle de la Résurrection, elles ont été les premières à l’annoncer aux apôtres. Nous savons, parce que nous l’avons lu dans les Evangiles, et aussi par déduction, qu’elles avaient assuré pendant deux ans l’intendance du Christ, des apôtres et des disciples. Joseph d’Arimathie, membre éminent du Sanhédrin, la plus haute instance juive, a fait preuve d’une autre forme de courage. Il n’avait pas osé se manifester ouvertement comme disciple du Christ avant Sa crucifixion, mais après elle, quand les jeux semblaient faits, quand il semblait que tout était perdu, quand il était persuadé qu’il s’était trompé comme tous les autres disciples, il a pris par amour, par fidélité, le risque de s’occuper de la mise au tombeau du Christ, dévoilant ainsi ses sympathies.

            Les apôtres, les disciples, les femmes myrrhophores, Joseph d’Arimathie, les sept premiers diacres de l’histoire de l’Eglise, l’ensemble de ceux qu’on allait bientôt appeler chrétiens, tous ont joué un rôle indispensable et irremplaçable. Cela a été le cas de tous ceux qui leur ont succédé jusqu’à nos jours. Nous qui sommes chrétiens, nous qui faisons donc partie de l’Eglise, nous avons tous aussi notre rôle à jouer, nous sommes tous irremplaçables, parce qu’aux yeux de Dieu nous sommes tous uniques. Servons donc l’Eglise, servons donc Dieu, chacun à la mesure de ses possibilités, chacun en fonction de ses capacités, sachant que tout le monde en a au moins une, celle d’aimer. Et n’oublions pas que pour Dieu, il n’y a pas de hiérarchie des services. Chacun est utile à sa place.        

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