2-ème dimanche de carême 2017  Mc 2, 1-12

          Le miracle de la guérison du paralytique de Capharnaüm est intéressant à plusieurs titres. Quand des parents demandent à Dieu la guérison de leur enfant, cela n’a rien de surprenant. Quand ce sont des amis qui demandent la guérison d’un adulte, cela signifie que cette personne compte beaucoup pour eux. Nous dirions qu’il s’agit de quelqu’un de bien. Et là, les amis du paralytique fournissent un effort supplémentaire et le moins que l’on puisse dire est qu’ils ne manquent ni d’imagination, ni de toupet et qu’ils vont surprendre tout le monde. Dans la mesure où la présence du Christ a attiré une grande foule, plus personne ne peut entrer dans la maison, dont les exégètes pensent qu’il s’agit de celle de l’apôtre Pierre. Le seul moyen d’arriver jusqu’au Christ est de monter sur le toit en bois, recouvert de terre battue, d’en démonter une partie et de faire descendre le paralytique sur son brancard.

         Le Christ, Lui aussi, surprend et choque son auditoire. Il commence déjà par pardonner les péchés du paralysé, ce qui fait scandale, et non au vu de la foi de l’infirme, mais au vu de la foi de ses amis. A la fin de son épître, l’apôtre Jacques nous dit que la prière collective est efficace et qu’elle l’est d’autant plus que ceux qui la font sont justes, c’est-à dire qu’ils observent ou, en tout cas, s’efforcent d’observer les recommandations du Christ : « L’un d’entre vous est-il malade, – écrit l’apôtre, qu’il fasse appeler les anciens de l’Eglise et qu’ils prient après avoir fait sur lui une onction d’huile au nom du Seigneur. La prière de la foi sauvera le patient ; le Seigneur le relèvera et s’il a des péchés à son actif, il lui sera pardonné. (…) Priez les uns pour les autres, afin d’être guéris. La requête d’un juste agit avec beaucoup de force ».

        Nous remarquons que, pour le paralytique de Capharnaüm, le pardon des péchés précède la guérison physique et que Dieu « prête une oreille attentive à la voix des supplications », pour reprendre une expression utilisée dans nos offices. Le Christ établit une hiérarchie des guérisons. A Capharnaüm, la guérison est d’abord spirituelle, puis physique. Cela s’explique par le fait que la guérison spirituelle débouche sur l’éternité, tandis que la guérison physique est limitée dans le temps, ne serait-ce que par la fin de vie.

        Le père Alexis Metchoff, un saint russe du début du 20-ème siècle était un adepte de la prière concertée – quand des fidèles prient ensemble à des endroits différents, mais à des moments sur lesquels ils s’étaient mis d’accord. Le résultat des prières, concertées ou individuelles, n’est pas toujours celui qui est escompté. Il est impossible de dire pour quelles raisons les prières n’ont pas été exaucées. Cela ne signifie pas que ceux qui ont prié n’étaient pas des justes. Une ébauche de réponse est sans doute contenue dans le Notre Père – « que Ta volonté soit faite » sous-entend que la volonté de Dieu ne coïncide pas nécessairement avec la nôtre. Et que c’est la Sienne qui prévaut. Cela peut déstabiliser. Il est très difficile, il est même parfois impossible de trouver une justification ou une quelconque raison à la souffrance qui nous paraît gratuite, à la souffrance qui nous semble injuste. La tentation est grande d’en faire porter, à tort, la responsabilité à Dieu. Il est des questions auxquelles nous n’aurons peut-être des réponses que dans l’autre-monde.

       « La voie de Dieu est une croix quotidienne – a écrit St Isaac le Syrien. Nul n’est monté aux cieux en menant une vie de fraîcheur », c’est-à-dire une vie sans soucis, sans épreuves. La substitution de la formule « délivre du Malin », c’est-à-dire « de l’emprise des force du mal », par « délivre nous du mal », c’est-à-dire de tout ce qui nous est désagréable, montre clairement que l’homme a naturellement tendance à privilégier le bien-être matériel, le bien-être physique, au bien-être spirituel. La hiérarchie établie par le Christ à Capharnaüm est inversée. A nous de rétablir le bon ordre.

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