4-ème dimanche de Carême 2017 Mt 4, 25 – 5, 12

     Nous sommes tous invités à entrer au Royaume, et déjà ici-bas. Nous le sommes à chaque liturgie eucharistique, qu’elle soit dominicale ou autre. L’ouverture des Portes Royales et le point culminant de la liturgie qu’est la communion aux Saintes Espèces, sont les signes de notre entrée provisoire au Royaume, dans lequel, comme le disent des théologiens contemporains, nous avons pu mettre un pied.

       Nous savons que, malheureusement, très vite après le passage à la croix, à la fin de la liturgie, nous réintégrons le monde. Et, même si nous sommes dans de bonnes dispositions, même si nous nous sentons encore un peu citoyens du Royaume, le Malin fait tout ce qu’il peut pour nous ramener sur terre, avec un coefficient de réussite étonnant. Tous les moyens lui sont bons – une bonne colère, bien sûr justifiée à nos yeux, assortie parfois d’expressions peu polies, une envie irrésistible de porter un jugement sur quelqu’un qui, bien sûr, le mérite bien, pour ne citer que deux incitations du démon. Les forces du Malin ont une imagination débordante et leur efficacité est redoutable, tant nous sommes des proies faciles, tant nous nous laissons faire, parce que cela nous est plus facile que de résister.

        Nous sommes pourtant invités à continuer notre chemin en direction de ce Royaume, entrevu, le temps d’une liturgie. Et cela, malgré les tentations, malgré notre faiblesse, en dépit de notre état de pécheurs qui retombent toujours dans les mêmes péchés. C’est décourageant, même déprimant. Nous sommes inconsciemment contaminés par une maladie spirituelle, dont le virus aura été instillé par le Malin. Cette maladie, cette passion (en langue d’Eglise) que les Pères appellent « acédie » est d’autant plus dangereuse qu’elle est discrète et se développe lentement mais sûrement. L’examen de conscience qui devrait être permanent, qui devrait être quotidien, nous fait découvrir le manque de résultats de nos efforts, manque de résultats encore plus flagrant en période de carême. Quelles sont les manifestations de cette maladie spirituelle et que recouvre-t-elle ?

        L’acédie est un état de paresse, à la fois spirituelle et physique qui apparaît lorsqu’on a l’impression, qui n’est malheureusement pas fausse, de toujours retomber dans les mêmes péchés, peu après chaque confession. Cette constatation peut déboucher sur l’acédie. Cette passion se manifeste par un ensemble de sentiments et d’attitudes complémentaires, par le dégoût de soi, la lassitude, le découragement, le laisser-aller et la tristesse. Le tout s’accompagne d’une insatisfaction générale que rien de très précis ne semble motiver. Cette passion est dangereuse parce qu’elle rend mou, elle enlève toute combattivité dans le domaine des efforts spirituels. « A quoi bon faire des efforts, à quoi bon se battre contre ses tendances naturelles, puisque de toutes façons l’on arrivera à rien » ? Les apôtres, eux-mêmes, étaient conscients de ne pouvoir atteindre la perfection que Dieu attend de nous, alors qu’ils vivaient aux côtés du Christ, témoin de leur moindre dérapage, alors qu’ils L’accompagnaient et profitaient en permanence de Son enseignement.

        Il y a un antidote, il y a un traitement pour lutter contre le découragement. Dans son épître, L’apôtre Jacques « félicite les gens endurants » et donne en exemple le Job du livre de la Bible qui porte son nom. « Heureux l’homme, – écrit-il également, qui endure l’épreuve, parce que une fois testé, il recevra la couronne de la vie ».

        N’oublions donc pas que les épreuves, les tentations, les souffrances de toutes sortes, la constatation de notre état permanent de pécheurs, auront des résultats différents, selon que nous écouterons ce que susurre le Malin à notre oreille ou que nous suivrons le conseil du même apôtre Jacques et demanderons à l’Esprit la sagesse qui nous fait défaut. Nous avons deux armes à notre disposition – la prière « Roi céleste et celle de Saint Ephrem, spécifique au carême, dans laquelle nous demandons de l’aide afin de « ne pas tomber dans l’esprit d’oisiveté, d’abattement, de domination et de vaines paroles ». Les deux textes sont à votre disposition à côté des cierges, pour ceux qui ne les connaissent pas par cœur.

    Notre tristesse, justifiée au départ, sera alors atténuée, puis transformée par la conscience de la mansuétude infinie de Dieu qui pardonne celui qui se repent soixante dix-fois sept fois, c’est à dire 490 fois, ce qui est une autre façon de dire toujours. Encore faut-il demander pardon, et au moins essayer de s’amender. La deuxième étape, après celle du repentir est d’avoir au moins le désir profond de ne plus pécher, disait le père Alexandre Men’.

        Mettons à profit les deux semaines qui nous restent, avant Pâques, pour ne pas nous contenter d’être les ouvriers de la 11-ème heure.

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