« Soyez toujours dans la joie, priez sans cesse, rendez grâce en toute circonstance (…).

1 Thessaloniciens 5, 16

Ces paroles devraient être la « marque de fabrique » de tout chrétien. Le programme serait plus facile à appliquer si notre foi était assez profonde. En tout cas, il est incontournable. C’est ce qu’ont compris les jeunes orthodoxes issus de la première émigration russe en Europe occidentale à la fin des années 20 du vingtième siècle. Ils ont résumé ce programme en promouvant au sein de leurs rangs ce qu’ils ont appelé l’ecclésialisation de la vie. Le concept est fondamental.

            L’ecclésialisation de la vie se manifeste par une participation régulière aux offices qui « encadrent » la vie quotidienne et par la réalisation dans la vie de tous les jours du programme préconisé par Saint Paul dans les dernières lignes de sa première épître aux Thessaloniciens.

            La participation aux liturgies n’est pas facultative. La liturgie a été instituée par le Christ le Jeudi Saint. « Faites ceci en mémoire de Moi », – a-t-Il demandé en instituant l’Eucharistie (Luc, 22, 19).  Il n’est pas inutile de rappeler qu’inviter le Christ et répondre dans le même temps à Son invitation sont choses sérieuses. Cette invitation réciproque requiert un certain état d’esprit et un minimum de préparation (pourquoi pas la participation aux vêpres ou aux vigiles ?). La communion aux Saintes espèces ne devrait jamais être banalisée, elle n’est jamais un acte anodin, elle est le centre de la vie du chrétien.

            Il ne viendrait à l’idée de personne d’arriver en retard au travail ou à un spectacle (ou de ne pas s’y rendre). Si, d’aventure, nous étions personnellement invités à l’Elysée, qui, parmi nous, prétexterait d’une autre obligation pour ne pas répondre à l’invitation du chef de l’Etat, abstraction faite d’une éventuelle incompatibilité d’ordre politique ?  Dieu aurait-Il moins d’importance pour nous que nos activités de loisirs ou nos « obligations » mondaines ?

            Un chrétien devrait « être toujours dans la joie ». Il nous arrive à tous de traverser des moments pénibles et la vie de certains d’entre-nous est loin d’être facile, par moments ou en permanence. Il ne nous est (surtout) pas demandé de rechercher les épreuves, mais de ne pas en rendre Dieu responsable et d’essayer de trouver des traits positifs (solidarité, compassion, amour du prochain, regain de spiritualité) dans les catastrophes ou les situations qui peuvent nous accabler. L’idéal serait d’être capable de les assumer, de les utiliser pour renforcer notre vie spirituelle, de les transformer en croix personnelle. C’est évidemment plus facile à dire qu’à faire, surtout si l’on ne connait pas soi-même de difficultés spéciales dans sa vie.

            « Prier sans cesse » est sans doute ce qui semble le plus difficile à réaliser dans sa vie, cela peut paraître impossible. C’est parce qu’on imagine qu’il s’agit d’un dialogue permanent avec Dieu sous forme de prières conventionnelles. En fait, la prière peut s’exprimer de nombreuses façons. Il y a les prières « classiques », celles qui jalonnent notre journée et que nous connaissons tous. Mais la prière, ce sont aussi les moments de silence que nous devrions nous octroyer. C’est bien de « parler » à Dieu, mais il faut aussi L’écouter. On ne peut L’entendre dans le bruit, et il serait utile de ne pas Lui « couper » la parole en la prenant trop souvent, même si c’est pour s’adresser à Lui. La prière c’est aussi la conscience permanente de la présence de Dieu dans la vie de tous les jours. Elle se manifeste à travers la beauté de la nature, l’art, la gentillesse de notre prochain (un sourire), un repas partagé, les icônes, les églises, les calvaires au détour des chemins. Tout cela devrait nous rappeler directement ou indirectement la présence de Dieu. Cet aspect de la prière débouche naturellement sur le dernier élément du programme proposé par Saint Paul: la phase de remerciement.

            Notre année liturgique commencera donc en septembre, à Saint-Prix, comme à Troyes, par un molében (office d’action de grâces) célébré le samedi, juste avant les premières vêpres. Il est très important de comprendre que Dieu est à l’origine de tout ce qui nous arrive de bien. Ne pas Le remercier serait faire preuve d’une grande ingratitude. Que penserions-nous de quelqu’un à qui nous aurions fait un cadeau somptueux et qui ne penserait pas un seul instant à nous remercier ? Nous devrions même remercier Dieu pour les épreuves que nous traversons. Commençons au moins, dans une première étape, à Le remercier pour tout ce qu’il y a de positif dans notre vie, et n’ayons pas l’inconscience de penser que nous sommes les seuls artisans de notre éventuel bonheur qui serait le résultat de nos efforts et de nos mérites

                                                                                             Saint-Prix, Troyes, juin-juillet 2010

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