Résurrection d’un jeune homme à Naïn

Le mot « mystère » a deux sens qui découlent l’un de l’autre. Le premier sens est associé à toute intervention divine, à l’intervention invisible de l’Esprit au moment où les sacrements sont dispensés et au cours de la liturgie. Le second sens, plus courant met l’accent sur la notion de secret, puisque toute intervention divine est rarement perceptible par le commun des mortels et est inexplicable selon nos critères humains. L’adjectif « mystérieux » signifie alors « que l’on ne peut expliquer ». Nous ajouterons que c’est précisément là qu’intervient la foi qui permet d’accepter et d’adhérer à ce que l’on est, en général, incapable de comprendre. Au début du chapitre 11 de son épître aux Hébreux, l’apôtre Paul écrit que « la foi est une manière de posséder déjà ce que l’on espère et un moyen de connaître des réalités que l’on ne voit pas ».

En russe comme en français l’ambigüité linguistique du mot mystère et de ses dérivés est complète. Une des conséquences de cette ambigüité est la dérive courante dans le monde orthodoxe, en particulier dans le monde orthodoxe russe, où très souvent, les prières dites « secrètes », les prières « mystérieuses » sont lues en catimini par le clergé derrière l’iconostase. Le contre-sens est total, et là où ces prières ne sont pas lues à haute voix, l’assemblée est en partie privée d’une belle leçon de théologie. De nos jours, ce n’est pas si grave, les fidèles qui ne peuvent entendre ces prières peuvent toujours les lire avant les offices. Tout le monde sait lire. Et même en Russie, il est de plus en plus courant que les micros restent branchés pendant ces lectures et les retransmissions télévisées des offices permettent à tout le monde de les entendre.

Le mystère est lié à la foi. Nous devons admettre qu’il nous est impossible de tout comprendre. Nous ne devons pas reproduire la faute d’Adam qui, par orgueil, a voulu tout comprendre par lui-même, sans passer par Dieu. Et même en passant par Dieu, il y a des choses que l’on ne comprend pas. L’Evangile d’aujourd’hui met en évidence ce mystère. Le Christ croise une procession funéraire et est pris de pitié pour la veuve qui a perdu son fils unique. Il ressuscite le jeune homme. Plusieurs questions se posent. Quels ont été les critères de choix pour les guérisons que le Christ a opérées, pourquoi a-t-il fait revenir ce jeune homme à la vie et pas tous les autres, qu’Il n’a pas manqué de croiser ? La notion de mérite étant absente dans les Evangiles, la réponse à ces questions est tout, sauf évidente. C’est là qu’interviennent la foi, et l’acceptation du fait qu’on ne peut tout comprendre.

 A la question « pour quelles raisons les Juifs doivent-ils observer 613 commandements – 365 commandements négatifs ou interdits et 248 obligations ou commandements positifs », le rabbin de la synagogue de la Place des Vosges a répondu que, si une partie de ces commandements était le résultat d’une certaine logique, ce n’était pas le cas de certains autres, mais qu’il fallait tous les observer et que la compréhension complète viendrait dans l’autre monde. D’autres rabbins ajoutent que l’effort permanent que représente l’observance de ces lois apporte sa récompense et son bonheur dans leur accomplissement.

Le Père Cyrille Argenti va dans le même sens quand il dit que « dans les moments difficiles, quand on ne sait ni ne sent plus ce qui est vrai ou faux, ce qui est bien ou mal, les commandements sont alors la seule chose qui nous reste. Ce sont eux qui dans l’obscurité permettent de garder le cap ». Il est évident que les commandements dont parle le p. Cyrille sont le Décalogue – les dix commandements, et ceux qui découlent des Béatitudes.

Nous pouvons reprendre ces raisonnements et ces conclusions à notre compte. C’est cela la foi. Nous ne comprendrons sans doute jamais pourquoi des enfants naissent avec des handicaps, pourquoi certains d’entre eux ont été et continuent d’être tués dans des conflits. Nous ne comprendrons sans doute jamais pourquoi le malheur semble s’abattre plutôt sur les pauvres, pourquoi les riches semblent préservés, pourquoi la maladie frappe plutôt certains que d’autres. Le Christ a en partie répondu à l’avance à cette dernière question en disant que ce n’était pas une punition, que ce n’était pas la faute des parents, mais Il n’est pas allé plus loin dans Sa réponse. Nous avons le choix entre une révolte naturelle et la foi en la mansuétude divine. C’est la foi qui peut permettre, à la longue, de dépasser la révolte.

Il arrive que nous ne comprenions que beaucoup plus tard pourquoi une prière, qui apparaît comme étant raisonnable, semble ne pas avoir été entendue. Des justes ont obtenu des réponses à toutes ces questions grâce à leur maturité spirituelle, grâce à leur appartenance à Dieu, grâce à la proximité qu’ils ont eue avec Lui. Le mot « Saint » signifiant « qui appartient à Dieu ». Nous obtiendrons peut-être certaines réponses en ce monde, mais nous n’aurons la réponse à toutes les questions qu’après notre passage dans l’au-delà.

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