Début du carême de Noël 11/2017
Nous sommes entrés mardi dernier dans la période du carême de Noël, période de préparation spirituelle qui s’appuie sur une ascèse physique. Il est souvent dit que les efforts matériels sont secondaires, et que les efforts dans le domaine spirituel, eux, priment sur tout le reste. Sur quoi devrions nous alors faire porter nos efforts en priorité ?
Nous sommes tous sous l’emprise potentielle ou effective du démon, nous sommes tous atteints par des maladies spirituelles que nous devons combattre. Ces maladies que les Pères de l’Eglise appellent « passions », et dont nous sommes les victimes le plus souvent consentantes, seraient au nombre de huit. Nous allons en évoquer six qui concernent tout le monde : l’orgueil, l’avarice, terme réducteur pour ce que les Pères appellent la philargirie, la tristesse, la colère, la crainte et l’acédie.
L’orgueil, et l’amour égoïste de soi, sont à la source de toutes les autres passions, de toutes les autres maladies spirituelles. L’orgueilleux s’estime et s’admire lui-même. Il attend les louanges des autres. Il a la prétention de tout savoir et est incapable de voir ses propres défauts. Il s’attribue les mérites de ses qualités, oubliant qu’elles viennent de Dieu. Il juge son prochain en permanence. Il recherche la vaine gloire. Il est fier des biens matériels qu’il possède. Il est fier de sa beauté ou de ses capacités intellectuelles ou artistiques. L’orgueil, c’est le désir d’être vu, considéré, estimé, honoré, flatté par les autres. C’est également l’amour du pouvoir, la volonté de domination, la recherche d’une situation ou d’un rang social plus élevé. C’est aussi le désir d’être admiré pour son ascèse, pour ses vertus. « Dès que l’homme se glorifie de ses vertus, il cesse aussitôt d’être vertueux » – rappelle Saint Jean Climaque. L’orgueilleux, enfin, se croit et se sent supérieur aux autres, il rabaisse son prochain, le méprise, le juge, le critique. Et il ne croit qu’en ses propres forces.
La philargirie est l’attachement à l’argent et à toutes les formes de richesse – matérielle, intellectuelle ou même spirituelle. Elle est jouissance de la possession, volonté de conserver ses biens à tout prix, réticence à partager quoi que ce soit, volonté de posséder davantage, avidité, envie, convoitise, cupidité, avarice. Les Evangiles mettent souvent en garde contre les dangers de la richesse. Pour être sauvé, le riche, que ce soit sur les plans matériel, intellectuel ou spirituel doit partager et il ne doit pas être obsédé par sa richesse.
La tristesse qui fait pleurer l’homme conscient de ses péchés, de son éloignement de Dieu est un bien. Elle est même nécessaire à son salut. La tristesse causée par la perte de biens matériels, l’insatisfaction des désirs dans tous les domaines non spirituels est une passion.
La colère-vertu a été donnée à l’homme pour l’aider dans sa lutte contre les tentations et contre les forces du Malin. La colère devient une passion quand elle est détournée de sa fonction première, quand elle est retournée contre le prochain et parfois même contre Dieu. La colère-passion regroupe toutes les manifestations d’agressivité, rentrées ou ouvertes : le ressentiment (c’est-à-dire la colère entretenue), la rancune, la haine, l’hostilité, l’inimitié, la méchanceté, la mauvaise humeur, la manifestation de son irritation, les moqueries, l’ironie, la volonté de nuire à son prochain, la joie mauvaise (quand on se réjouit du malheur de quelqu’un), le manque de compassion, quand on ne partage pas la tristesse de son prochain à qui il est arrivé un malheur, et enfin, le refus de partager le bonheur d’un autre.
La crainte, la crainte de Dieu, primaire, quand c’est la crainte du châtiment divin, ou la crainte de Dieu supérieure, quand c’est la crainte d’être séparé de Lui, de L’avoir contrarié, cette crainte est une vertu. La crainte-passion est le résultat d’un manque de foi. Elle est le signe d’un trop grand attachement au Monde, à la vie matérielle. Elle se manifeste par la peur, l’anxiété, l’angoisse. La crainte de la douleur, conséquence de la chute d’Adam, est naturelle et n’est pas répréhensible. Le Christ, totalement homme (sauf pour ce qui est du péché) a éprouvé de l’angoisse avant Sa Passion.
L’acédie, enfin, est un état de paresse, d’ennui, de dégoût, de lassitude, d’abattement, de découragement, de nonchalance, de négligence, de laisser-aller et de tristesse. C’est une insatisfaction vague et générale que rien de précis ne motive. Cette passion est dangereuse parce qu’elle rend mou et sans courage, en particulier dans le domaine des efforts spirituels. « A quoi bon faire des efforts, puisque de toutes façons je n’y arriverai pas », … dit et pense celui qui est atteint par cette passion. Elle rappelle la tiédeur fustigée dans les Evangiles. Cette passion est répandue de nos jours, en tout cas dans les pays riches.
Voilà au moins six domaines dans lesquels nous sommes appelés à faire des efforts. Ceux qui disent que les efforts matériels sont moins importants que les efforts spirituels ont raison, mais l’ascèse physique et la prière, soutiennent les efforts spirituels, qui eux sont bien plus difficiles à fournir. Et lorsque nous négligeons l’ascèse physique, accordons-nous réellement la priorité aux efforts spirituels. Nous sommes habituées à nos passions, à nos maladies spirituelles, et les trouvons même parfois confortables. Ne refusons pas l’aide de l’Esprit pour les chasser et demandons Lui de nous aider à les vaincre.
Classification et définitions adaptées à partir de l’ouvrage de Jean-Claude Larchet : Thérapeutiqe des maladies spirituelles