Dimanche du Fils Prodigue Saint-Prix, le 4 février 2018   Lc XV, 11-32 – Homélie du père André Fortounatto

        La parabole nous présente deux frères. Elle s’étend longuement sur le cadet, qui est un prodigue – dépensier, irréfléchi, ingrat. Il ne calcule pas, bien au contraire, incapable d’esprit de suite qu’il est. Mais son fond n’est pas mauvais ; il garde du cœur. Il s’est exilé loin de son Père. La sévérité de l’épreuve le ramène à la pensée du Père. Il a préparé un discours de retour, l’aveu de sa faute : « Père, j’ai péché contre le ciel et contre toi ». L’épreuve a ouvert son cœur sur ce qui avait été un mouvement d’égoïsme, d’ingratitude et d’inconscience.

        Le Père accueille son fils dans la joie, sans un reproche, sans question humiliante. Bien au contraire, il lui rend robe, anneau et sandales, signes de ses prérogatives d’autrefois. Et il fait sacrifier le veau gras, en signe de communion retrouvée.

        Le portrait de l’aîné révèle colère, jalousie et agressivité. En affirmant qu’il sert son père depuis tant d’années et n’a jamais transgressé ses ordres, il se situe par rapport à lui dans une relation qui détermine le devoir plus que l’amour. Son attitude de juste renvoie à celle des pharisiens et des scribes. Comme eux, il manifeste la distance qui le sépare du prodigue en nommant son péché : « il a mangé ton bien avec des prostituées », et en le désignant comme « Ton fils que voilà » – et non « son frère ». Il accuse son père de favoritisme et, au bout du compte, lui reproche « d’avoir tué le veau gras », de manger et de festoyer avec celui qui n’est qu’un pécheur.

          En l’approche du Carême, il nous appartient de nous inspirer de cette parabole. Faire retour au Père, savoir se repentir, réintégrer la maison du Père. Mais à la condition nécessaire et préalable de nous réconcilier avec nos frères, de pardonner et d’accueillir, et ayant pardonné, d’oublier et de reconstruire.

        C’est là que nous trouvons tout encouragement dans les paroles du Père. Si au cadet le Père ne parle pour ainsi dire pas, il déclare à son retour : « Mon fils que voici était mort et il est revenu à la vie. Il était perdu et il est retrouvé ». Voici la joie de Dieu, la joie du berger qui retrouve la brebis perdue, la joie du ciel qui se réjouit pour un pécheur sauvé, la joie de notre Père, qui « ne veut pas la mort du pécheur, mais qu’il vive ». C’est la reconnaissance de cet amour qui doit ramener en ce carême tous nos cœurs à Dieu.

        Mais avec l’aîné, le Père, c’est-à-dire Dieu, a des paroles littéralement extraordinaires : « Toi, mon fils, tu es toujours avec moi, et tout ce qui est à moi est à toi ». Nous restons confondus de stupeur devant une telle confession. L’aîné, bien que vivant auprès du Père, est en réalité au plus loin de lui ; mais aux yeux du Père, l’aîné reste toujours aussi proche lui, aussi baigné de son amour, aussi entouré de sa tendresse. Affection, amour, ne sont que des mots pour dire qu’entre le Père et l’aîné, en dépit de l’attitude de celui-ci, il existe un lien indestructible qui est précisément ce foyer d’amour du Père.

       Ce n’est pas tout. « Tout ce qui est à moi est à toi ». Quelle communauté ! Ou plutôt, quelle unité entre le Père et son fils ! Alors, pourquoi cette jalousie de l’aîné pour le cadet ? Ce que le Père a fait pour l’un ne retire rien à l’autre. Il fallait l’étroitesse d’esprit, la sécheresse de cœur de l’aîné pour ne pas le comprendre. « Tout ce qui est à moi est à toi » ! On ne retrouve des mots pareils que dans la prière sacerdotale de Jésus, dans la confidence que fait Jésus à Ses disciples de l’unité d’amour qui le lie à Son Père : « Tout ce qui est au Père est à Lui ». Mais aujourd’hui c’est pour nous que Jésus rapporte cette parole, ce secret plutôt, qu’Il partage avec Dieu Son Père.

        La parabole du Fils prodigue révèle le plus extrême de l’amour du Père pour nous, un amour qui se fonde, qui s’enracine même dans l’amour qui unit Jésus à Son propre Père. Oui ! Jésus est Fils par nature du Père, et partage tout avec Lui. Mais s’Il S’est incarné, c’est bien pour faire de nous des fils par adoption, pour nous révéler que, comme Lui, nous recevons la plénitude de l’amour du Père.

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