2-ème dimanche de Carême 03/2018

Le récit de la guérison spectaculaire, opérée par le Christ à Capharnaüm, probablement dans la maison de l’apôtre Pierre, nous concerne directement, comme chaque page des Evangiles. L’apôtre Jacques nous demande dans son épître « de prier les uns pour les autres afin d’être guéris, car la requête d’un juste agit avec beaucoup de force ». Les justes auxquels il s’adresse sont les chrétiens de base, ceux qui observent ou essaient d’observer la Loi avec un grand « L ». Les quatre porteurs qui ont apporté le paralytique aux pieds du Christ, en passant par le toit, qu’ils ont démonté en partie, n’étaient sans doute pas des saints, ils n’étaient sans doute pas parfaits et pourtant leur prière a été entendue. Le paralytique est reparti sur ses pieds, alors que lui-même n’avait rien demandé. Les amis du paralytique ont pris l’initiative, ils ont fourni un effort, et ils l’ont fait par amour, par charité et ils ont fait œuvre de foi.

Notre paroisse est petite, nous nous connaissons tous, nous entretenons tous des relations d’amitié. L’exemple des amis du paralytique nous parle d’autant plus. Dans notre contexte, il nous est naturel, même si ce n’est pas toujours facile, de porter les malheurs, les souffrances et les fardeaux les uns des autres. L’étape suivante serait d’adopter la même attitude au-delà de notre communauté, même si cela requiert davantage d’efforts, même si cela nous est moins évident.

Il peut nous sembler que nos prières ne sont pas toujours entendues, que nous ayons prié pour les autres ou pour nous. Les miracles du Christ rapportés par les évangélistes ont été nombreux, mais ils ont été tout de même exceptionnels au sens propre. Dans l’histoire de la chrétienté, les miracles sont l’exception – l’écrasante majorité des demandes de guérison n’aboutissent pas, ou en tout cas, n’aboutissent pas au résultat escompté par ceux qui les demandent. Il est presque impossible d’expliquer pour quelles raisons des prières sont exaucées ou ne le sont pas. Parmi les malades ou les infirmes qui ont demandé ou demandent leur guérison à Dieu, il y a eu, et il y a encore certainement, des personnes qui, selon nos critères humains, mériteraient pourtant d’être guéries. « Les voies du Seigneur sont impénétrables » – a écrit l’apôtre Paul dans son épître aux Romains. Cette affirmation prend ici tout son sens.

Dans la mesure où les évangélistes ne rapportent pas les cas où le Christ aurait refusé de guérir quelqu’un, mais seulement ceux où Il a fait des miracles, l’on ne peut que tenter de trouver les raisons pour lesquelles Il a bien voulu les faire. Il est écrit qu’Il a eu pitié ou que les miracles avaient pour but de manifester la puissance de Dieu. Nous savons pourtant que les témoins de miracles peuvent être troublés dans un premier temps, avant de trouver ensuite des explications rationnelles, s’ils n’ont pas envie de croire. Et pour quelles raisons le Christ aurait-Il pitié de certains et pas d’autres ? Nous n’avons aucune réponse satisfaisante à cette question. La souffrance que l’on peut éprouver, comme celle dont on est le témoin, peuvent faire chanceler la foi. Elles sont des épreuves que l’on est appelé à surmonter.

Dans les récits évangéliques la guérison physique est presque toujours associée à la guérison spirituelle. Nous avons tendance à accorder plus d’importance à la guérison physique, alors qu’elle n’est que provisoire, alors que même une résurrection, comme celle de Lazare, l’ami du Christ, n’est qu’un sursis. La guérison spirituelle, si elle est définitive, débouche sur l’éternité, sur notre vie dans l’au-delà. Un prêtre russe du début du siècle dernier a eu une formule qui résume tout, même s’il ne pensait pas spécialement aux miracles – « notre vie sur terre ne serait que la courte préface du livre que sera notre vie dans l’éternité ».

Nous avons trop peu conscience de cela, pas plus que nous n’avons conscience de nos maladies spirituelles que les Pères de l’Eglise appellent « passions », à commencer par l’orgueil, qui nous fait précisément penser que nous n’en souffrons pas et que les passions ne nous concernent pas. Nous avons tendance à demander à Dieu de nous éviter les souffrances physiques, les ennuis matériels et à reléguer nos maladies spirituelles au second plan. Dieu n’est pas à l’origine de nos souffrances. La souffrance physique, morale ou même spirituelle, héritage de la faute du premier homme, reste un problème incontournable. Dieu agit parfois pour atténuer nos souffrances ou nous les éviter, mais trop rarement à notre goût. La souffrance a parfois des effets positifs, si elle est acceptée et assumée, si elle est sublimée, mais il ne faut jamais la rechercher. A l’inverse, elle peut avoir avoir pour conséquence un sentiment de révolte contre Dieu. Il faudrait être capable de la relativiser, dans la mesure du possible. C’est facile à dire, mais très difficile à faire.

Hier soir, au cours de l’office d’onction des malades, nous avons demandé notre guérison spirituelle. Dans le même temps nous avons également demandé la santé physique, qui dans la hiérarchie de nos valeurs occupe la première place. C’est humain, mais nous devrions inverser nos priorités. Essayons, au moins, de rétablir un certain équilibre et de placer les deux, la santé spirituelle et la santé physique au même niveau. Ce serait déjà un progrès. Et continuons de porter les fardeaux les uns des autres.

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