Liturgie de rentrée, Saint-Prix, le 16-09-2018

Nous allons célébrer, tout à l’heure, les vêpres de la Création qui auraient dû être célébrées le vendredi 31 août au soir, puisque le 1-er septembre est le Nouvel an ecclésial et également la fête de la Création, instituée en 1989 par le Patriarche Dimitrios de Constantinople. Le principe de cette fête a été adopté par l’ensemble des Eglises orthodoxes au cours d’une synaxe, c’est-à-dire d’une assemblée des primats de toutes les Eglises orthodoxes, qui s’est tenue du 10 au 12 octobre 2008 au siège du Patriarcat Œcuménique à Istanbul.

Les motivations de cette initiative ont été développées par le Patriarche Dimitrios dans son message sur la journée de protection de l’environnement, en date du 1-er septembre 1989, dont voici le texte résumé :

« (Le Patriarchat œcuménique), gardien et témoin de l’esprit séculaire de la tradition patristique, et interprète fidèle de l’expérience eucharistique et liturgique de l’Église orthodoxe, suit avec une grande angoisse la destruction brutale et impitoyable, menée de nos jours par l’homme, de son environnement naturel, avec des conséquences très dangereuses pour la survie du monde créé par Dieu.

Cet emploi abusif par l’homme contemporain de sa position privilégiée dans la création et du commandement que Dieu lui a donné de «dominer la terre» (Genèse 1,28) a déjà mené le monde au bord de l’autodestruction apocalyptique,
 soit sous forme de pollution de la nature, dangereuse pour tous les êtres vivants, soit comme extermination d’un grand nombre d’espèces animales et végétales. (…) Des hommes de science, et d’autres serviteurs de l’esprit, actionnent déjà le signal d’alarme et évoquent des phénomènes qui menacent la vie de notre planète, tel « l’effet de serre », dont on a déjà constaté les signes avant-coureurs.

Face à une telle situation, l’Église du Christ ne peut rester indifférente. C’est un dogme fondamental de notre foi que le monde a été créé par Dieu le Père, confessé dans le credo de notre foi comme « Créateur du ciel et de la terre, de toutes choses visibles et invisibles ». L’homme, selon les pères de l’Église, est le prince de la création, jouissant du privilège de la liberté. Il participe du monde matériel et du monde spirituel. Comme tel, il a été créé dans le but d’élever la création vers son Créateur afin qu’elle puisse être sauvée de l’anéantissement et de la mort.

Cette noble destinée de l’homme a été accomplie, après l’échec et la chute du premier Adam, par le «dernier Adam», le Fils et Verbe de Dieu devenu homme, notre Seigneur Jésus-Christ, qui a uni en Sa personne le monde créé et le Dieu incréé et qui continue de le faire en présentant au Père le monde, telle une éternelle offrande eucharistique. A chaque divine liturgie, l’Église perpétue cette offrande sous forme 
de pain et de vin, éléments de la création matérielle. Et, de cette manière, elle manifeste continuellement que l’homme n’est pas destiné à dominer le créé comme s’il en était le propriétaire, mais à agir comme une sorte de prêtre et de gérant de la création, la cultivant dans l’amour et l’offrant avec gratitude, respect, voire « peur et tremblement » à son Créateur.

Malheureusement, de nos jours, l’homme, agissant sous l’influence d’un rationalisme extrême et d’une poursuite sans limites de son bonheur terrestre, a perdu le sens de la dimension sacrée de la création, se comportant comme un maître autoritaire et grossier. A la place de l’esprit eucharistique et ascétique dont l’Église orthodoxe a nourri ses enfants au cours des siècles, on constate aujourd’hui un véritable
 viol de la nature dans le but de satisfaire, non pas les besoins élémentaires de l’homme, mais une chaîne sans fin, se prolongeant à l’infini, d’appétits et de désirs, encouragés par la philosophie dominante de la société de consommation.

Mais la création «gémit et souffre» (Romains 8,22) et commence déjà à protester contre cette manière d’être traitée par l’homme, qui ne peut éternellement et au gré de son bon plaisir, exploiter les sources d’énergie naturelles. Le prix de son orgueil sera son autodestruction, si la situation actuelle se perpétue.

A l’écoute de l’angoisse de l’homme contemporain, considérant une situation qui engage profondément notre devoir et notre responsabilité spirituelle et paternelle, nous avons pris la décision, en union avec le Saint-Synode qui nous entoure, de déclarer le 1er septembre de chaque année – jour où nous fêtons le début de l’année ecclésiale et où des vœux et des prières s’élèvent vers le Créateur du monde en ce saint centre de l’orthodoxie – comme journée de la protection de l’environnement naturel.

Nous invitons donc par le présent message patriarcal tout le monde orthodoxe et chrétien à élever chaque année, en ce jour, en communion avec la sainte Église mère, (…), des prières au Créateur du monde, prières de remerciement pour le grand don du monde créé, prières de supplication pour sa protection et pour son salut. Et nous encourageons en même temps paternellement les fidèles à travers le monde à respecter eux-mêmes et à enjoindre leurs enfants à respecter et sauvegarder l’environnement naturel, et encourageons les dirigeants des peuples, qui ont la responsabilité de les gouverner, à appliquer sans tarder toutes les mesures qui s’imposent pour protéger et sauver la création.

En demandant au Seigneur tout ce qu’il y a de meilleur pour ce monde, nous accordons de tout cœur à tous, ceux qui sont en notre voisinage immédiat et ceux qui vivent loin de nous, notre bénédiction patriarcale et paternelle.

Au Phanar, le 1er septembre 1989

+ Dimitrios, Archevêque de Constantinople »

            Cet appel du Patriarche Dimitrios, a été entendu par son successeur, le Patriarche Bartholomée et le Pape François, qui ont fait des déclarations conjointes allant dans le même sens. Actuellement c’est toute la chrétienté qui a adhéré à ce mouvement et nous avons célébré hier, pour la troisième fois des vêpres de la Création en la cathédrale de Troyes, à la demande de l’évêque catholique, Monseigneur Marc Stenger, en présence de son clergé et de la femme pasteur, en charge de la communauté réformée de Troyes.

            Il est très bien de prier, d’abord pour remercier Dieu, ensuite pour Lui demander de nous aider à préserver la Terre que nous avons reçue en don. Mais à nous de prendre ensuite nos responsabilités.

(Texte du message du Patriarche Dimitrios, publié par la Conférence des Eglises européennes en 2006, avec quelques corrections.)

Ce contenu a été publié dans sermon. Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.