Saint-Prix le 7 octobre

         Par le biais du calendrier liturgique, l’Eglise propose des lectures systématiques du Nouveau testament – des extraits des Evangiles, des Actes des apôtres et des épîtres pour chaque jour de l’année. La lecture de la deuxième épître de Saint Paul aux Corinthiens a commencé le 2 août, et s’est étalée sur deux mois, avec la lecture d’extraits intercalés d’autres épîtres. Elle s’achève aujourd’hui.

         Cette seconde épître de Saint Paul aux Corinthiens détruit plusieurs idées fausses, plusieurs mythes. Nous avons tous, ou presque tous, tendance à idéaliser le passé. L’un de ces mythes est que les premiers chrétiens étaient proches de la perfection et qu’ils étaient bien meilleurs que nous. Certains l’étaient, mais il serait plus juste de dire que dans leur grande majorité, ils n’étaient ni meilleurs, ni pires que nous. Contrairement aux sciences qui évoluent et ne cessent de progresser, la spiritualité, elle, est à conquérir par chacun, et rien n’est jamais acquis définitivement. Chacun part de zéro, les premiers chrétiens, comme nous. L’expérience de ceux qui nous ont précédés peut nous aider, mais ne peut remplacer nos efforts.

            Les Corinthiens sont entrés en conflit avec l’apôtre Paul pour des questions de personnes, nous dirions des problèmes d’ego. Certains d’entre eux sont allés jusqu’à contester la légitimité de celui qui avait pourtant fondé leur communauté. Ils l’ont blessé et humilié. L’apôtre essaie de rétablir une relation de confiance mutuelle. De plus, alors qu’ils avaient été invités à participer à la collecte de fonds pour la communauté de Jérusalem, confrontée à d’importants problèmes matériels, les Corinthiens n’ont pas suivi l’exemple des chrétiens de Macédoine qui, eux, se sont montrés très généreux, malgré leur pauvreté. L’on est loin de l’image idyllique que l’on se fait des premiers chrétiens.

          L’autre mythe que détruit l’apôtre Paul est celui de la sainteté synonyme de perfection dans l’acception moderne du mot. Les chrétiens de la mouvance protestante refusent la notion de sainteté, qui dans la langue courante est quasiment assimilée à la perfection, alors qu’aux premiers temps du christianisme, le mot « saint » désignait tout chrétien, puisque ce mot signifie à l’origine « qui appartient à Dieu ». Dans l’extrait de l’épître lu aujourd’hui, Saint Paul évoque sa conversion survenue sur le chemin de Damas, quand dans une lumière éblouissante, le Christ S’est manifesté à lui et lui a fait des révélations. Cet événement est rapporté aussi par l’évangéliste Luc dans les Actes des apôtres. 14 ans après sa conversion, l’apôtre Paul revendique sa légitimité en rappelant aux Corinthiens d’où il tient cette légitimité, mais il n’en tire aucune gloire. Ces révélations lui ont été faites malgré son imperfection : conscient de cette imperfection, il a demandé au Christ de le protéger des assauts des forces du Malin. Il lui a été répondu que « cette écharde dans sa chair », c’est-à-dire la faiblesse spirituelle dont il était victime, cette faiblesse était tolérée par le Christ pour éviter à l’apôtre de succomber à la tentation de l’orgueil. Un saint n’est jamais parfait, même s’il est plus proche de la perfection que nous ne le sommes. Dans le Notre Père, nous demandons à Dieu de ne pas nous laisser succomber à la tentation. En fait, nous demandons Son soutien pour réussir à résister à la tentation. Si Dieu nous évitait toute tentation, ou nous empêchait d’y succomber, notre liberté de choix ne serait pas respectée. Or Dieu nous laisse libres.

         L’apôtre Paul a peur de lui-même, il a peur de succomber à on ne sait quelle tentation, mais il lui est répondu aussi que la grâce de Dieu est suffisante pour compenser la faiblesse de Paul et l’empêcher de sombrer dans l’orgueil. L’apôtre conclut que c’est lorsqu’il est faible qu’il est fort, parce qu’il est soutenu par la grâce, qui lui est d’autant plus accordée, qu’il est humble. Nous aussi sommes faibles, ayons une foi suffisante en la grâce. Saint Isaac le Syrien ne dit rien d’autre quand il affirme que toutes nos fautes, toutes nos transgressions ne sont qu’une poignée de sable jetée dans l’océan de la miséricorde de Dieu. Mais cela ne doit jamais être un prétexte pour cesser de fournir des efforts.

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