Dimanche du Pardon 2019   St Prix / Troyes Mt 6, 14-21

 Nous sommes arrivés à la fin de la période de préparation au carême. Les Evangiles des dimanches de Zachée, puis ceux des trois dimanches suivants et celui d’aujourd’hui, établissent une sorte de feuille de route pour le Grand carême qui commence ce soir. Pendant les semaines à venir de préparation à la fête de Pâques, l’Eglise nous appelle à mener la vie que nous devrions mener toute l’année, ce qui demanderait des efforts permanents. L’Eglise tient compte de notre faiblesse. C’est pour cette raison que les périodes de jeûne sont réparties sur toute l’année et chacune d’elles est suivie d’une période de semi-repos spirituel – « semi », car des efforts sont cependant toujours nécessaires.

Sans la Résurrection, « la prédication des apôtres (et de leurs successeurs) serait vide et vide serait notre foi » – est-il écrit dans la première épître de Saint Paul aux Corinthiens. Pâques est donc la Fête des fêtes. C’est pour cela que le Grand carême qui la précède est le plus strict.

Pendant ces quarante jours, suivis de la Semaine Sainte, nous sommes appelés à être aussi assoiffés de la Bonne nouvelle que Zachée, à essayer de réparer, comme lui, les erreurs que nous avons pu faire. Nous sommes appelés à reconnaître notre indignité avec humilité, comme le Publicain et à ne pas adopter l’orgueil du Pharisien. Pour que la reconnaissance de notre imperfection ne nous plonge pas dans le désespoir, le Christ évoque l’immense miséricorde divine dans Sa parabole de l’Enfant prodigue. Mais pour que nous ne comptions pas sur la seule miséricorde de Dieu, qui pardonne tout, et toujours, à celui qui se repent avec humilité, il nous a été rappelé dimanche dernier que nous serons jugés, et que certains subiront « le feu éternel qui a été préparé pour le diable et pour ses anges ». Cette prédiction effrayante incite à réfléchir. Pour éviter ce châtiment, il nous est aujourd’hui donné une recommandation incontournable, une recommandation figurant dans le Notre Père – « si nous pardonnons aux hommes leurs fautes, notre Père céleste nous pardonnera aussi ; mais si nous ne pardonnons pas aux hommes, notre Père, non plus, ne nous pardonnera pas nos fautes ». Dans cette prière qu’en théorie nous connaissons le mieux, il y a au moins deux points que nous avons une forte tendance à ignorer – il y est dit : « que Ta volonté soit faite ! » (et non la mienne), et « pardonne-nous nos offenses, comme nous pardonnons aussi à ceux qui nous ont offensés ». Le « nous » qui remplace le « je » rappelle que la recherche du salut est à la fois individuelle et collective. Toutes ces recommandations sont faites par le Christ dans les Evangiles.

Pour faciliter la tâche, l’Eglise, elle, recommande l’ascèse physique et spirituelle indissociables. Le jeûne le plus strict ne sert à rien, s’il n’est pas accompagné d’efforts dans le domaine spirituel. Et les efforts dans le domaine spirituel ont besoin du soutien apporté par un minimum de sobriété matérielle, de sobriété physique. Le jeûne n’est pas qu’alimentaire. Il s’agit de se libérer de tout ce qui rend dépendant, de tout ce qui éloigne de Dieu. Il s’agit de mettre au second plan la satisfaction de ce que l’on pense être des besoins, que ce soit dans le domaine alimentaire ou celui des distractions. Le jeûne et les cures de silence sont aussi proposés par des gens qui ne poursuivent pas de but spirituel, qu’ils soient médecins ou écologistes. Pour nous, la finalité est spirituelle – notre but est de nous rapprocher de Dieu et de notre prochain. Les restrictions rappellent à chaque instant que nous sommes en période de carême et devons revoir nos priorités. C’est en cela qu’elles nous aident. Elles ne sont jamais un but en soi.

Pour ce qui est de la pratique du jeûne et des restrictions alimentaires, que chacun se fixe des objectifs raisonnables. Un jeûne trop sévère peut mener à l’orgueil, s’il est réussi et s’il ne reste pas discret. Il peut mener à une forme de dégoût de soi et de désespoir si les chutes, inévitables, sont nombreuses.

           Bon carême à tous !

Ce contenu a été publié dans sermon. Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.