Théophanie 2009

Théophanie 2009   Matthieu 3, 13-17

Nous fêtons aujourd’hui la Théophanie ou baptême du Christ. Il y a d’autres Théophanies, puisque ce mot qui vient du grec, signifie manifestation de Dieu. Dans la liturgie de saint Jean Chrysostome il est dit que Dieu est « invisible, incompréhensible, inaccessible ». C’est une des conséquences de la chute du premier homme qui, lui, conversait avec Dieu avant d’avoir été chassé ou de s’être chassé lui-même du paradis. Mais Dieu S’est manifesté matériellement de nombreuses fois dans l’Ancien, comme dans le Nouveau Testament, Il l’a fait par le biais d’anges, d’un buisson ardent, d’une brise légère, d’une voix, d’une lumière incréée, c’est-à-dire sans origine naturelle, sans origine explicable du point de vue des lois de la physique. Sur les icônes, la lumière n’éclaire pas le Christ, elle vient de Lui. 

Au baptême du Christ, Dieu le Père Se manifeste dans le cadre de la Trinité: le Père fait descendre l’Esprit sur Son Fils. Après S’être découvert partiellement, sous différentes formes, tout en restant invisible et inaccessible à l’homme déchu, Dieu Se rend directement perceptible aux hommes par l’humanité du Christ, à la fois complètement homme et complètement Dieu. Ce Christ, annoncé par les prophètes, a été abordé, touché par des hommes ordinaires, des hommes éloignés, comme nous, de la perfection. Ils ont pu Lui parler, écouter Ses réponses à leurs questions. Certains ont vécu auprès de Lui pendant trois ou quatre ans. Ils n’ont vraiment compris qu’ils avaient affaire à Dieu, au vrai Dieu, qu’après la Résurrection, et, surtout, après la Pentecôte. Le témoignage de ces hommes nous a rendu perceptible le Dieu fait homme.

Jean-Baptiste, le Précurseur a senti que Celui qui venait Se faire baptiser était le Messie, et il n’a pas compris l’intérêt qu’il y avait à faire subir un rite de purification et de pénitence à « Celui dont il n’était pas digne d’ôter les sandales ». Il a cédé devant l’insistance du Christ. L’intervention de l’Esprit descendant comme une colombe et les paroles du Père disant: « Celui-ci est Mon fils bien-aimé, Celui qu’il M’a plu de choisir » l’ont rassuré. Mais Jean-Baptiste a du être le seul à comprendre confusément ce qui se passait réellement. Plus tard, avant son exécution, pris d’un doute, il fera demander au Christ s’Il est vraiment le Messie ou s’il faut en attendre un autre. 

Le Christ-homme Se fait baptiser comme tout le monde. L’évangéliste Matthieu rapporte que « Jérusalem, toute la Judée et toute la région du Jourdain se rendaient auprès de Jean; ils se faisaient baptiser par lui dans le Jourdain en confessant leurs péchés. » Le Christ n’ayant rien à confesser et n’ayant pas besoin de Se convertir Se fait baptiser pour deux raisons –  Il veut d’abord accomplir ce qui a été annoncé dans les Ecritures et ensuite montrer l’exemple, indiquer la voie à suivre pour réintégrer le Royaume. A la fin du chapitre 63 et au début du chapitre 64 de son livre, Esaïe appelle « le Seigneur à déchirer les cieux et en descendre … pour faire connaître Son Nom ». Cette prophétie se réalise avec le baptême du Christ qui précède presque immédiatement le début de Sa vie publique, l’annonce de la Bonne nouvelle quand le Christ fait connaître Son Nom, Se manifeste en tant que Dieu.

L’homme est invité à confesser ses péchés, à se repentir et se convertir, c’est-à-dire se tourner entièrement vers Dieu. 

Dieu sait à quel point cette conversion est difficile et quels efforts elle suppose. Il connaît notre faiblesse et la partage, volontairement, pour que nous soyons encouragés à persévérer, sans sombrer dans le désespoir. De nombreux passages des Evangiles soulignent l’humanité du Christ. Il a faim, Il a soif comme un homme ordinaire, il Lui arrive de Se mettre en colère et d’avoir des gestes brusques – les marchands du temple l’ont appris à leurs dépens. Il éprouve de la tristesse quand Il apprend la mort de Son ami Lazare, Il éprouve une angoisse incoercible avant sa Passion, Il demande au Père de Lui épargner les souffrances à venir, Il va jusqu’à demander pourquoi le Père L’a abandonné. Comment un Dieu, même fait homme, peut-Il passer par toutes ces phases qui nous sont si naturelles, à nous, qui sommes de simples humains, mais précisément parce que nous sommes humains ? C’est pour que nous comprenions que même si nous avons une foi solide, il peut nous arriver de traverser des périodes de doute. Le Christ pleure Lazare pour que nous comprenions que pleurer des êtres qui nous sont chers, lorsqu’ils sont passés dans l’autre monde n’a rien de déshonorant. 

Comment le Christ a-t-Il pu avoir un disciple préféré: Jean, celui « qu’Il aimait » ? Comment Dieu peut-Il avoir des préférences ? Nous devons aimer tout le monde, Dieu à plus forte raison. Qui peut affirmer en toute honnêteté qu’il ne fait aucune différence entre ses proches et les autres, entre ceux qui pensent comme lui et ceux qui pensent différemment ? Là aussi, le Christ nous rassure, nous ne devons haïr personne, nous devons aimer ou en tout cas essayer d’aimer tout homme, mais il y en a certains qu’il est plus facile d’aimer que d’autres. C’est naturel, et Dieu le comprend, cela ne signifie pas qu’Il nous libère des efforts à fournir pour aimer ceux qui attirent moins notre sympathie. 

Il y a une part gigantesque de mystère dans toutes ces manifestations si humaines du Christ qui est en même temps complètement Dieu. Un Dieu en trois personnes Qui Se manifestent toutes les trois à l’occasion du baptême du Christ est une réalité plus que difficile à expliquer. Qui comprend vraiment quelle est la part de divinité et la part d’humanité dans le Christ ? Comment concilier l’omniscience du Christ-Dieu avec les doutes et le sentiment d’abandon éprouvé par le Christ-homme ? L’Eglise a eu à lutter contre de nombreuses hérésies. La volonté de vouloir tout expliquer de façon rationnelle, y compris les faiblesses passagères du Christ-homme, à conduit certains à des conclusions erronées. Dieu Se révèle à chacun d’entre nous, mais nous L’entendons et Le comprenons, non en fonction de notre intelligence, mais en fonction de notre humilité et de notre réceptivité qui elle-même dépend de notre état de santé spirituel. Le constat est peu réjouissant. Nous ne comprenons pas grand-chose. Et nous ne pouvons rien comprendre sans l’aide de l’Esprit malgré toutes les philosophies dont L’apôtre Paul nous recommande de nous méfier. Le Christ nous appelle à imiter les petits enfants. Tout reste donc possible, la connaissance de Dieu n’a pas de lien direct avec nos connaissances générales, avec notre culture ou notre niveau intellectuel qui manquent aux petits enfants. L’intelligence et les connaissances peuvent même être nuisibles si elles nous font sombrer dans l’orgueil. Il ne nous est pas demandé d’être intelligents, même si ce n’est pas un mal en soi, il nous est demandé d’aimer notre prochain et d’aimer Dieu. Si l’étude et les connaissances nous aident à aimer Dieu et notre prochain, elles sont positives.

Les réponses à nos nombreuses interrogations se trouvent dans les Evangiles. Toutes les indications pour entrer au Royaume y sont données. A nous de lire et relire les Ecritures, à nous de demander l’aide de l’Esprit pour les comprendre, pour qu’Il nous guide, pour qu’Il nous souffle les réponses quand nous ne savons pas comment régler nos vies. Appuyons-nous sur les recommandations des Béatitudes et appliquons-les. En le faisant, nous aimerons davantage notre prochain, cela nous rapprochera de Dieu et nous rendra, peut-être, plus aptes à percevoir Ses manifestations, à être les témoins de Ses théophanies.      

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