Dimanche du Pardon 2013

 

Nous entrons dans le Grand carême ce soir, après les vêpres du Pardon. Nous avons bénéficié de trois semaines préparatoires qui s’achèvent aujourd’hui. Le carême va durer six semaines jusqu’au dimanche des Rameaux. Ensuite viendra la Semaine Sainte qui nous mènera à la Résurrection.

Les carêmes sont des temps de préparation à la fois spirituelle et physique avant une fête ou un événement, quand nous revêtons « le vêtement de noce » d’une des paraboles des Evangiles.

La préparation est à la fois spirituelle et physique, parce que l’âme et le corps sont solidaires dans tous les domaines, y compris celui du jeûne. Nous croyons en la Résurrection de l’âme et du corps. Même si nous ressusciterons dans un corps transfiguré, ce sera bien notre corps. Quand nous vénérons des reliques, nous vénérons à la fois le corps et l’âme d’un saint.

Le carême, le jeûne, consiste en un changement assez radical de notre mode de vie, qui devient moins festif. Les aliments d’origine animale sont proscrits, y compris les œufs et les laitages. Le poisson n’est autorisé que le jour de l’Annonciation et le dimanche des Rameaux. Les prescriptions sont un peu moins rigoureuses pour les carêmes qui précèdent d’autres fêtes. Il y a environ 180 jours de carême par an, si l’on compte les mercredis et vendredis. Dans tous les cas de figure, le carême doit être adapté aux possibilités et aux besoins de chacun. Il est recommandé d’en définir les modalités avec un prêtre ou un père spirituel qui n’est pas nécessairement prêtre. En médecine, comme dans le domaine spirituel l’automédication peut être dangereuse.

Le jeûne n’est pas un but en-soi, il est une aide. Les règles que l’on se fixe, en essayant d’y déroger le moins possible, nous coupent en partie des tentations et des illusions du monde et nous permettent de nous concentrer sur l’essentiel que sont Dieu et notre prochain. Dieu et notre prochain reprennent la première place qu’ils devraient avoir en permanence dans notre vie.

Il est souvent dit que les restrictions alimentaires et la limitation des mondanités sont secondaires, accessoires et que l’essentiel est spirituel et que ce « spirituel » est plus difficile à maîtriser, et que c’est donc sur le spirituel que nous devons concentrer nos efforts. C’est vrai. Mais si nous sommes incapables de nous restreindre sur le plan matériel dans la vie de tous les jours, il nous sera certainement encore plus difficile de nous améliorer sur le plan spirituel.

Nous allons célébrer plusieurs offices pénitentiels en semaine – une liturgie des Présanctifiés, une onction des malades et deux canons de saint André de Crête. Ce sera l’occasion de remettre l’accent sur le spirituel.

Observer la discipline du carême nous aide à nous détourner de tout ce qui dans le monde nous détourne de Dieu, de tout ce qui nous détourne de l’essentiel.
Le carême n’est ni une mortification, ni une punition, ni une pénitence pour nos fautes, c’est un retour aux normes qui devraient être les nôtres.

Il ne faut pas se focaliser sur le seul côté alimentaire. Encore une fois, le jeûne est un moyen et non un but. Les objectifs premiers du carême sont résumés dans la prière de Saint Ephrème que nous allons faire nôtre du lundi au vendredi pendant toute la période du carême. Nous allons dire cette prière pour la première fois cette année, tout à l’heure, aux vêpres du pardon. Tout y est résumé.

Les deux paraboles des deux premiers dimanches du triode de carême, celle du Pharisien et du Publicain et celle de l’Enfant Prodigue nous rappellent que pour les pécheurs que nous sommes, l’une des conditions nécessaires à notre salut est l’humilité.

Tout comme le Pharisien et le frère de l’Enfant Prodigue, nous courons le risque de penser que si nous faisons tout comme il faut, si nous jeûnons comme l’Eglise recommande de le faire, si nous allons régulièrement aux offices, si nous avons de bonnes lectures, si nous signons quelques chèques à l’ordre d’organismes de bienfaisance, alors nous mériterons notre salut.

Et même si un réflexe de bon sens nous empêche de le dire, nous avons tendance, dans le même temps, à juger les autres, et donc à nous trouver meilleurs que les autres. Si le collecteur d’impôts, et si le fils dévoyé sont présentés comme des modèles à suivre, si le bon larron a été sauvé, ce n’est certainement pas pour toutes les horreurs qu’ils ont commises et qu’ils reconnaissent, c’est pour leur humilité.

Et parce qu’ils estimaient n’avoir droit à rien. Ils sont les serviteurs inutiles de l’Evangile de Luc, ch. 17, verset 7 et les suivants. Et encore, ils n’ont même pas fait, ce « qu’ils auraient du faire ». Estimant ne rien mériter, ils ne placent leur espoir qu’en la mansuétude divine.

Si les conditions pour qu’un carême porte ses fruits sont l’humilité, assortie du repentir, et une conversion, c’est à dire un retour à Dieu, c’est aussi l’absence de jugement. L’on ne doit en aucun cas s’autoriser à juger son prochain. Et c’est aussi la foi en la mansuétude de Dieu qui est un Père avant d’être un juge. C’est le message que le Christ fait passer dans la parabole de l’Enfant Prodigue – le Père, c’est à dire Dieu, pardonne avant même que le repentir ait été exprimé.

L’avant-dernier dimanche avant le début du carême, celui du carnaval, c’est à dire de l’adieu à la viande (en traduction du latin) est le Dimanche du Jugement dernier. Les termes de « Jugement dernier », de jugement tout court, sont effrayants. Nous espérons être pardonnés, mais nous serons jugés. Et c’est là que le Dimanche du Pardon, le dernier avant le Grand-carême prend toute son importance. Tout à l’heure, aux vêpres du Pardon, nous allons tous nous demander mutuellement pardon.

Il ressort des Evangiles, que nous serons jugés de la façon dont nous aurons jugé les autres, et nous serons pardonnés, si nous avons nous-même pardonné ceux qui nous ont fait du mal au cours de notre vie. C’est le thème de l’Evangile d’aujourd’hui. C’est ce que nous affirmons dans le Notre Père. Et nous l’affirmons parce que c’est vrai, parce que c’est le Christ Lui-même qui nous l’a dit. Le pardon est, avec l’humilité et la confiance en la mansuétude divine, une condition non négociable de notre salut.

Dieu et Son Eglise sont conscients de notre imperfection. L’idéal serait que nous soyons bons, que nous pardonnions les offenses, parce que c’est bien, parce que cela nous serait naturel. Ce n’est malheureusement pas le cas. Mais si nous prenons conscience de ce que nous demandons dans le Notre Père, nous qui désirons être sauvés, nous qui aspirons à entrer au Royaume, nous comprendrons que nous avons tout intérêt à pardonner notre prochain. Commençons par le faire par intérêt, nous finirons peut-être par le faire par besoin, parce que nous aurons envie de le faire, simplement parce que c’est bien.

Nous allons fournir des efforts spirituels pendant le carême, nous allons essayer de suivre le plus sérieusement possible les recommandations que Dieu nous a faites par l’intermédiaire de Moïse qui nous a transmis le Décalogue, les dix commandements. Nous allons essayer de suivre les recommandations que le Christ-Dieu nous a faites Lui-même en prononçant le sermon sur la Montagne, les Béatitudes dont nous sommes conscients qu’elles sont le fondement de toute vie chrétienne. Nous allons nous efforcer de vivre comme il faudrait que nous vivions tout le temps.

Des efforts intenses et permanents sont hors de notre portée. S’il fallait vivre 365 jours par an en fournissant les efforts intensifs du carême, nous risquerions de sombrer dans le désespoir en cas d’échec, et si d’aventure nous estimions avoir réussi, nous adopterions l’attitude du Pharisien. Essayons de nous améliorer d’année en année, en acquérant des réflexes positifs supplémentaires à chaque carême. Ne nous cherchons pas d’excuses pour les chutes inévitables qui nous attendent, mais ne soyons surtout pas découragés. Elles sont là pour que nous puissions progresser et pour que nous évitions autant que possible de sombrer dans l’orgueil.

Que l’Esprit nous accompagne et nous aide à vivre un carême fructueux, paisible et joyeux !

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