dimanche de l’exil d’Adam


Dimanche de l’Exil d’Adam  Ro 13, 11 – 14, 4    Mt 6, 14-21 

                  Nous voilà arrivés au seuil du Grand carême. Les textes proposés aujourd’hui contiennent des recommandations qui viennent s’ajouter à celles qui ont été faites ces deux derniers dimanches. Tous ces extraits des Ecritures sont destinés à nous éclairer, à nous aider à tirer un profit spirituel de la longue période de préparation à Pâques.

            Ce dimanche est appelé dimanche de l’exil d’Adam, et l’on a chanté hier soir le psaume 136 « Sur les bords du fleuve Babylone » dans les paroisses où l’on célèbre des vigiles. Pour quelles raisons l’Eglise met-elle l’accent sur un double exil, celui d’Adam et celui des Juifs, déportés à Babylone ? Quand Adam, suivant un mauvais conseil, a décidé de se passer de Dieu pour devenir dieu tout seul, il a été chassé du paradis. En fait, il s’en est chassé lui-même. Il s’est retrouvé exilé, et nous, ses descendants, avons hérité d’une situation inconfortable. Les Juifs exilés à Babylone aspiraient à retourner chez eux, en Terre promise. De la même façon, nous aspirons à retrouver notre place au sein du Royaume. Quand cette aspiration est inconsciente, elle se manifeste par une insatisfaction profonde, une insatisfaction permanente, d’autant moins facile à évacuer que son origine n’est pas perçue. Le vide créé par notre mise à l’écart de Dieu ne peut être comblé par autre chose. La fuite dans l’hyperactivité, dans la recherche frénétique des plaisirs immédiats de tous ordres ne fait que masquer le problème et ne peut le résoudre.

             Nous, chrétiens, avons la double nationalité, celle du Royaume et celle de ce monde. Nous avons la nostalgie du paradis perdu, de notre patrie d’origine, même si les artifices et les séductions de notre Babylone, les séductions de notre monde déchu, nous font souvent oublier ce dont nous nous privons quand nous évacuons Dieu de notre vie.

            Le Christ nous a donné la possibilité de réintégrer le Royaume, partiellement ici-bas, définitivement après notre seconde naissance, après notre mort. Mais cette réintégration suppose une préparation, cette réintégration suppose une conversion, un changement de vie, et un changement de vie radical qui nous effraie, un changement que nous avons tendance à remettre à plus tard, alors qu’il nous est demandé dans les Evangiles de ne pas attendre, d’être toujours prêts, car notre vie est fragile et ne tient qu’à un fil. Le carême est là pour nous aider à retrouver nos repères, à écarter de notre horizon ce qui peut nous gêner, à réintroduire Dieu dans notre quotidien, à reprendre conscience de Son omniprésence. Le carême n’est pas un but en soi, c’est un soutien supplémentaire qui nous est offert, c’est un moyen de rendre notre conversion moins difficile, de la rendre plus naturelle. L’aspect matériel, l’aspect physique du carême est un garde-fou, une protection. Notre régime alimentaire importe peu à Dieu, encore que le Christ ait toujours insisté sur la concordance qu’il devait y avoir entre jeûne et prière. Il est par ailleurs regrettable qu’à force de minimiser l’importance de l’aspect matériel du carême, les chrétiens aient oublié le devoir, qui est le leur, de prendre soin de la Création, laissant aux écologistes l’essentiel de la dénonciation des excès de notre consommation, en dehors de toute dimension spirituelle.

            Les restrictions de différents ordres que l’Eglise propose sont surtout destinées à rappeler en permanence, tout au long de la journée, que nous traversons une période particulière, que nous devons être les maîtres de notre vie et non les esclaves de nos besoins réels ou imaginaires. Ce sont des restrictions alimentaires sévères et des règles de vie très strictes qui ont aidé les Juifs à rester fidèles au Dieu unique et à ne perdre ni leur foi, ni leur identité au contact des païens qui les entouraient ou les entourent encore dans leur exil. L’ascèse, des occupations moins superficielles, sont aussi une façon de nous mettre à l’écart de la société pendant quelques semaines. Le carême nous aide à résister aux tentations du Malin, comme nous le demandons dans le Notre Père. Il nous rappelle que nous sommes des exilés et que nous ne devons pas sacrifier notre citoyenneté du Royaume au profit de celle du Monde. Les restrictions ne sont qu’un rappel, elles ne sont qu’un pense-bête utile, indispensable, pour nous qui sommes faibles, mais l’essentiel est ailleurs. L’Evangile de la semaine dernière nous a expliqué que le plus important était l’amour du prochain. Quand nous aimons notre prochain que nous voyons, quand nous agissons avec lui, comme nous voudrions qu’il agisse avec nous, nous manifestons notre amour pour Dieu que nous ne voyons plus, en raison de notre cécité spirituelle. Aujourd’hui il nous est dit, à nous qui avons été et sommes toujours appelés à la sainteté que si, conscients de notre totale imperfection, nous voulons être pardonnés par Dieu, nous devons impérativement pardonner notre prochain et éviter de le juger, et d’une certaine façon, nous devons aussi pardonner Dieu, c’est-à-dire ne pas Lui en vouloir, ne pas Le tenir pour responsable de tous les malheurs qui nous arrivent. Dieu respecte la liberté de l’homme déchu, celle du juste, comme celle de celui qui ne l’est pas. La liberté du pécheur peut alors être source de notre malheur, Dieu n’y est pour rien. 

            La lecture des Ecritures, l’abstinence, le renoncement aux activités futiles, la mise en semi-veille de notre vie sociale, la prière, la confession, la participation aux offices particulièrement beaux et riches du Triode de carême, l’attention prêtée au chant des stichères à haut caractère didactique le samedi soir, tous les efforts consentis au quotidien, toutes les modifications que ces efforts impliquent, sont autant de moyens de nous faire revenir à l’essentiel, à Dieu et à notre prochain, de nous faire rentrer d’exil, de nous faire retrouver notre citoyenneté perdue. Nous sommes incapables d’y arriver seuls, mais si nous le désirons vraiment, si nous demandons avec insistance l’aide de l’Esprit, nos yeux spirituels s’ouvriront. Devenus enfants prodigues, nous percevrons alors la présence du Père qui attend de pouvoir venir à la rencontre de ceux qui se mettent en marche dans Sa direction. 

           

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