Enfant prodigue

La parabole de l’enfant prodigue.
Il a souvent été question ici de l’équilibre très fragile qu’il y avait entre, d’un côté, la conscience de notre immense faiblesse, de notre incapacité à atteindre la perfection et, d’un autre côté, l’affirmation par le Christ que ce qui est impossible à l’homme est possible à Dieu. Quoi que nous fassions, nous ne serons jamais parfaits, mais quoi que nous ayons fait, Dieu est toujours prêt à pallier nos insuffisances et à nous accueillir, pour peu que nous le voulions et pour peu que nous demandions le pardon de nos fautes.
Dans la prière qui est lue par le prêtre juste avant toute confession, il est dit que « Dieu ne désire pas la mort du pécheur, mais qu’il se convertisse » et, qu’Il est prêt à « pardonner soixante dix-sept fois le péché ». Traduit en langue moderne cela signifie toujours.
Nous sommes entrés dans la période qui précède le Grand carême et les textes des Ecritures nous y préparent par touches successives. Dimanche dernier, nous avons été appelés à suivre l’exemple du publicain, le pécheur conscient de sa totale indignité, plutôt que l’exemple du pharisien pétri d’orgueil qui fait tout bien, et contemple les autres du haut de ce qu’il pense être sa perfection. Mais, attention, ce n’est pas l’observance de la loi que le Christ condamne chez le pharisien, c’est son orgueil et sa suffisance. Et ce n’est pas la situation morale du collecteur d’impôts que le Christ donne en exemple, c’est son humilité. La parabole est courte, son but est de pourfendre l’orgueil. Pour que le cas du publicain soit réglé de manière définitive, il faudrait que comme Zachée, il cesse de voler ses compatriotes et répare tout le mal qu’il a fait.
L’enfant prodigue de la parabole d’aujourd’hui est donné en exemple pour son humilité et son repentir, même si d’un point de vue objectif, il a été poussé au repentir par la nécessité et le désespoir. Il est loin d’être un homme parfait. Cela tombe bien, nous non plus. Il revient au Père, poussé plus par la faim que par le remords. Mais au moins il ne se révolte pas, il reste humble. C’est le sentiment d’avoir failli, le sentiment d’avoir trahi Dieu qui devrait nous inciter au repentir, c’est pourtant le plus souvent la peur du châtiment qui pousse le pécheur à demander pardon. Les Pères comparent cette situation à celle de l’esclave qui obéit par nécessité. Le degré le plus élevé de spiritualité est celui de la personne qui obéit à son maître, non par obligation, non par crainte, non par devoir moral, mais par amour. Les premières étapes sont un moindre mal. Tout cela signifie que quelles que soient les motivations de notre retour vers Dieu, certaines étant plus nobles que d’autres, Il nous accueillera de toute façon. A nous de grandir spirituellement de manière à franchir les différentes étapes qui nous mèneront à Lui. La crainte du châtiment et l’intérêt pur seront remplacés par l’amour intéressé, l’amour intéressé sera remplacé par l’amour désintéressé. C’est le travail d’une vie. Dans tous les cas de figure, nous sommes des enfants prodigues, et dans tous les cas de figure nous sommes accueillis par le Père, si nous faisons le premier pas.
Nous pouvons nous assimiler aux deux fils de la parabole. Nous adoptons l’attitude du plus jeune quand nous remettons à beaucoup plus tard, quand nous serons vieux ou très vieux, nos efforts spirituels, parce que notre confort personnel ou nos loisirs viennent en concurrence avec Dieu et nous ne Lui accordons pas la priorité. Nous traversons aussi des périodes dans notre vie, dont Dieu est totalement ou partiellement absent par notre faute. Nous avons naturellement tendance à oublier Dieu quand tout va à peu près bien, et nous nous tournons immédiatement vers Lui quand tout va un peu moins bien ou vraiment mal. Mais là aussi, ce n’est pas encore Dieu qui est prioritaire, mais toujours notre confort au sens large. Ce sont nos malheurs qui nous ramènent à Dieu.
Il nous arrive aussi de ressembler à ce même fils quand nous revenons à Dieu, à nouveau conscients de notre indignité, quand nous venons confesser nos péchés. Mais nous bénéficions d’un avantage immense – nous savons que, quoi que nous ayons fait, si nous éprouvons un sentiment de remords et si nous avons au moins le désir, sinon la force, de nous amender, de corriger notre conduite, nous sommes certains de toujours être bien accueillis. C’est ce que découvre le jeune fils lorsque son père efface le contentieux qui régnait entre eux et organise une fête gigantesque pour le retour d’un être qui, mort sur le plan spirituel, est revenu à la vie par sa conversion.
Nous ressemblons aussi parfois au frère aîné, celui qui fait tout bien, qui semble apparenté au pharisien de la parabole de dimanche dernier. Nous lui ressemblons quand nous estimons, à tort, être en règle avec Dieu, parce que nous sacrifions de temps en temps un dimanche matin et, encore plus rarement un samedi soir, pour assister aux offices et, pensons-nous, faire plaisir à Dieu. Nous oublions que c’est la réaction inverse que nous devrions avoir. Même s’il est vrai que Dieu ne peut qu’apprécier notre conversion quand elle est sincère, c’est nous qui sommes invités et qui plus est, nous sommes invités par anticipation au Royaume. Ce n’est pas rien ! En sommes-nous bien conscients ? Alors soyons raisonnables, n’adoptons pas l’attitude du frère aîné. Dieu ne nous est redevable en rien, c’est nous qui Lui sommes redevables en tout. Nous ne méritons rien, mais nous devons accepter le don qui nous est fait avec joie.

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