réactions à la prière pénitentielle

La prière pénitentielle qui a été proposée pendant le carême pour permettre, entre autres, une meilleure préparation à la communion a été parfois perçue comme culpabilisante. C’est un bien si l’on ne reste pas au seul aspect culpabilisant qui n’est qu’un moyen pour aider à progresser dans la vie spirituelle. Cette prière est une liste très incomplète des péchés que nous commettons tous à un moment ou un autre, parfois en permanence. Elle est un rappel douloureux de notre situation de pécheurs. Les Ecritures insistent sur les deux commandements essentiels – il faut aimer Dieu et aimer son prochain. Tous les autres commandements en découlent. Si l’on s’en tient à une vision superficielle de notre situation, la conclusion est que nous ne nous en tirons pas si mal. Dans les milieux chrétiens, à de très rares exceptions près, qui va penser ou dire qu’il n’aime pas Dieu et qu’il n’aime pas son prochain ? A la rigueur, il n’est pas trop difficile d’admettre que l’on n’aime pas trop un prochain concret. Si on l’admet, on ajoute immédiatement les raisons objectives pour lesquelles ce prochain n’a que ce qu’il mérite – de notre part. Il y deux types de christianisme – l’un qui apaise, qui tranquillise, qui n’incite pas trop à se poser de questions, en un mot qui endort. C’est l’attitude du frère de l’enfant prodigue, c’est celle du jeune homme riche qui observe les commandements et demande au Christ ce qu’il faut faire de plus pour obtenir le Royaume. Il y a un autre christianisme qui est beaucoup plus dérangeant, qui nous place constamment devant nos responsabilités, qui nous met dans une situation d’instabilité permanente. C’est le vrai christianisme, mais nous avons une sainte horreur de l’instabilité, du déséquilibre qu’elle engendre. Nous voulons des résultats concrets et définitifs, nous avons soif de compliments et de signes qui nous indiquent que nous sommes sur la bonne voie. Or rien n’est acquis définitivement. La vie spirituelle est un combat permanent, elle exige un travail sur soi constant dont on ne voit pas la fin. C’est le contraire du repos, c’est l’inverse de ce à quoi tout le monde aspire naturellement.

Dans son immense sagesse l’Eglise-institution prévoit des plages d’activité spirituelle plus intense – les carêmes, les mercredis et les vendredis, c’est à dire près de la moitié de l’année, et des plages de repos relatif, parce que personne n’est capable de fournir des efforts intenses et continus sur toute une vie. Et si quelqu’un était capable de le faire, il y aurait de fortes chances pour qu’il sombre dans l’orgueil. C’est l’orgueil qui a fait tomber le premier homme. L’attitude chrétienne, c’est de prendre conscience de nos innombrables fautes, c’est aussi d’avoir l’humilité des saints qui ont compris que seuls, sans l’aide de l’Esprit, nous ne sommes capables de rien. En cas d’amélioration, le seul mérite que nous puissions nous attribuer est celui d’avoir laissé l’Esprit agir par notre intermédiaire. Cela va contre notre nature profonde et ce n’est pas gratifiant. Cela ne devient gratifiant que lorsque nous avons procédé à une révision complète de nos valeurs, quand nous sommes passés d’un christianisme de confort à un christianisme authentique. Le Christ nous a avertis – la voie est étroite, le chemin est difficile, il y a beaucoup d’appelés et peu d’élus. Le but qui nous est fixé est impossible à atteindre. Mais ce qui est impossible à l’homme est possible à Dieu. Il pallie nos insuffisances. Nous sommes aussi infiniment imparfaits que Dieu est parfait. Acceptons l’aide que Dieu offre en permanence et laissons agir l’Esprit Saint en nous. Nous n’atteindrons jamais la perfection, mais nous avancerons sur la bonne voie. Il y aura des chutes et des rechutes. Si notre progression nous paraît facile, c’est que nous faisons fausse route, mis à part quelques instants trop rares de grâce particulière qui sont donnés pour permettre de tenir. Demandons à l’Esprit la force de ne pas dévier, d’accepter les chutes comme un mal nécessaire pour nous rappeler notre imperfection. La notion de repos éternel suppose que, de notre vivant, le repos sur le plan spirituel n’est pas vraiment prévu. Et n’oublions pas que le Christ n’est pas venu pour ceux qui se prétendent justes, mais pour ceux qui se reconnaissent pécheurs.

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