En marche vers le Grand carême.

            Nous sommes entrés dans la période qui précède le Grand carême. Dans les offices, cela se manifeste par des changements dans les textes qui sont utilisés. En temps normal, le système se bâtit sur les huit tons qui changent chaque semaine. Le livre de base utilisé pour les vêpres et les matines est alors l’octoèque, en traduction simplifiée, le livre des huit tons. Trois semaines avant le début du carême, on passe à un autre livre qui s’appelle le triode de carême, où l’on trouve tous les textes et indications concernant l’ensemble des offices jusqu’au Samedi Saint.

            Le Grand carême est précédé d’une période de préparation. Le triode de carême commence par le Dimanche du Publicain et du Pharisien. Entre le pharisien vertueux qui fait tout comme il faut et en est fier, et le publicain, c’est-à-dire le collecteur des impôts qui est considéré comme l’archétype du pécheur, mais est conscient de son immense indignité, entre ces deux hommes, c’est le publicain qui est donné en exemple. Cela signifie que nous devons prendre conscience de notre état et comprendre que nous ne méritons rien.

            Le dimanche suivant, celui du Fils prodigue, l’Eglise revient sur le même type de comparaison que celle du pharisien et du publicain, mais en la replaçant dans un contexte plus familial, dans un contexte qui nous est plus proche. Entre deux fils, le vertueux, qui, lui aussi, fait tout comme il faut, et le débauché qui a renié son père et a mené une vie débridée, mais revient vers son père, piteux, contrit, n’espérant rien, tant il est conscient de sa déchéance, entre les deux fils, c’est au second que va la préférence du père. Si la semaine précédente, nous avons été incités à nous reconnaître dans la personne du publicain, ce dimanche, il est suggéré que si nous revenons à notre Père céleste, intimement et totalement persuadés de notre profonde indignité, nous serons accueillis avec amour et pardonnés. Mais attention, le pardon n’est accordé qu’à ceux qui se placent dans la catégorie des pécheurs, et non dans celle des vertueux !

            La semaine suivante s’achève par le Dimanche du Jugement dernier où il est rappelé que nous serons jugés sur le bien que nous avons fait et sur celui que nous avons négligé de faire. Il n’est même pas question des fautes que nous avons commises. Le Christ évoque notre attitude face à ceux qui ont eu faim, aux étrangers, à ceux qui étaient nus, aux malades, aux prisonniers.

            La dernière semaine avant le début du carême s’appelle la « semaine sans viande » ou « semaine des laitages ». Au côté spirituel de la préparation, s’ajoute un aspect matériel. Pour que la transition entre le temps ordinaire et le carême soit plus facile, il est demandé aux croyants, de commencer à s’abstenir de consommer de la viande et ses produits dérivés. En Occident, l’on parle des jours de carnaval. Le mot carnaval vient du latin et signifie précisément « adieu à la viande ».

Pendant toute la semaine nous devons porter en nous l’idée que nous aurons un jour à répondre de nos actes et devons nous préparer aux efforts qui seront demandés pendant toute la période qui précède Pâques. Cette semaine s’achève par le dimanche du Pardon qui marque l’entrée en carême et nous rappelle une obligation incontournable. Nous ne pouvons louer Dieu correctement, nous ne pouvons être orthodoxes, que si nous pardonnons les autres et leur demandons pardon. Dans le « Notre Père », nous demandons à Dieu de nous pardonner comme nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés. L’apôtre Jacques écrit que « le jugement est sans pitié pour qui n’a pas piti頻. L’évangéliste Jean ajoute que « celui qui n’aime pas son frère qu’il voit, ne peut aimer Dieu qu’il ne voit pas ». L’on pourrait multiplier les citations du Nouveau testament qui vont dans ce sens. Tout cela revient à dire que pendant le Carême nous devons nous efforcer de revenir à l’essentiel, c’est-à-dire à notre prochain et à Dieu. Cela demande des efforts. Cela demande d’immenses efforts, tant nous sommes loin de la perfection. Nous vivons dans une société qui refuse l’effort et qui prône la facilité dans tous les domaines. « La voie qui mène au Royaume est étroite », mais « le joug (du Christ) est facile à porter et Son fardeau est léger ».  Cela signifie que si nous laissons l’Esprit agir en nous, si nous décidons de suivre en tout les recommandations du Christ, tout devient facile. Mais en avons-nous vraiment envie ? Sommes-nous vraiment prêts à renoncer à succomber à toutes les tentations de ce monde ? Sommes-nous capables de procéder à une révision complète et, si possible, définitive de nos valeurs ? C’est un travail, ou plutôt un combat, long et difficile. Les armes qui nous sont fournies par l’Eglise sont la prière et l’ascèse. Ces deux armes sont les seules qui soient efficaces. « Jeûnez et priez » demande le Christ à Ses apôtres. L’un n’exclut pas l’autre, l’un ne dispense pas de l’autre, l’un complète l’autre, ils sont indissociables. Le jeûne soutient la prière, la prière aide à supporter le jeûne qui nous est aussi peu naturel que l’amour du prochain à qui nous sommes toujours supposés accorder la priorité. Dans tous les cas il s’agit du même processus de lutte contre nos tendances naturelles.

            Suivons les conseils du Christ, acceptons les méthodes de perfectionnement spirituel proposées par l’Eglise, ne les négligeons pas, et nous parviendrons à nous rapprocher à la fois de Dieu et de notre prochain.             

 

             

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