Dimanche du Jugement dernier 2011
Nous sommes avertis nous serons jugés pour ce que nous avons fait de notre vie. Nous partions perdants du fait des conséquences de la chute d’Adam, mais le Christ, Nouvel Adam, nous a donné des raisons de ne pas désespérer.
En quoi consiste le « péché originel », de quoi avons-nous hérité en fait ? La réponse orthodoxe diffère de celle des chrétiens occidentaux. En premier lieu, n’en déplaise à Saint Augustin, cela n’a rien à voir avec la façon dont nous avons été conçus. Dieu a commandé à l’homme de croître et de se multiplier avant « la chute ». La reproduction de l’espèce humaine ne peut être mauvaise-en soi puisque c’est Dieu qui l’a pensée. Ensuite, nous n’avons pas hérité de la culpabilité, mais des conséquences de sa faute.
Un enfant qui a été conçu par des parents toxicomanes risque fort d’être marqué par la suite, sur les plans physique et psychique. L’enfant n’est en rien coupable, il subit les conséquences de la conduite de ses parents. Il n’est pas condamné à suivre le même chemin qu’eux, mais il lui sera plus difficile qu’à d’autres de résister à certaines tentations. Même s’il est libre de ne pas imiter ses parents, il a statistiquement plus de chances de s’engager sur la même voie qu’eux.
Il en va de même pour la faute d’Adam. Le premier homme s’est cru assez intelligent pour prendre son indépendance vis-à-vis de Dieu, il a pensé qu’il pourrait se passer de Lui. Usant de sa liberté, la créature a voulu s’affranchir du Créateur. Nous comprenons qu’Adam a eu tort et nous n’apprécions guère les conséquences de sa faute que sont la maladie, les souffrances de toutes sortes et la mort. Comme l’enfant de toxicomanes peut en vouloir à ses parents, nous pouvons en vouloir à Adam. Mais comme l’enfant de toxicomanes peut refuser de tomber dans le même piège que ses parents, nous pouvons aussi refuser d’adopter l’attitude d’Adam.
Le Christ nous a potentiellement sauvés par Sa Résurrection, à laquelle nous allons nous préparer pendant les quarante jours du Grand carême et pendant la Semaine sainte. Mais Il ne peut pas nous sauver contre notre gré. Il nous donne toutes les armes pour vaincre le Tentateur, le baptême qui efface le péché et permet de prendre un nouveau départ, la chrismation qui nous apporte le soutien de l’Esprit Saint; la communion aux Saintes Espèces et l’absolution de nos péchés confessés, qui se complètent, et renouvelle les effets du baptême.
Le Christ nous donne toutes les armes nécessaires pour notre lutte, mais Il n’affaiblit pas pour autant les forces du Malin. Le Christ n’a jamais dit que notre combat serait facile. Quand Il dit que « Son joug est léger », cela veut dire qu’il est plus facile de se convertir totalement, de se laisser complètement faire par l’Esprit, sans hésitations, regrets ou retours en arrière, plutôt que de tergiverser constamment, en faisant en permanence des compromis avec sa conscience. Mais Il a dit également qu’il était aussi difficile à l’homme d’entrer au Royaume qu’à un chameau de passer par le chas d’une aiguille. Ce qui n’est pas évident, même s’il s’agissait d’une porte d’entrée dans Jérusalem.
Nous avons, comme toujours, le choix. Nous pouvons suivre l’exemple d’Adam, et devenir coupables comme lui, quand nous oublions que Dieu existe ou quand, entre deux liturgies, nous vivons comme s’Il n’existait pas, remettant toujours à plus tard notre conversion. Nous pouvons aussi suivre l’exemple de Saint Paul qui essayait d’imiter le Christ. Le Christ complètement homme nous a indiqué la voie à suivre, Il a montré l’exemple: Il a résisté à la tentation, Il a pardonné, Il a souffert. Malgré Ses angoisses Il n’a pas dévié de Sa route qui L’a mené à la Croix.
Nous ne sommes pas meilleurs que Saint Paul, comme lui, nous savons que « nous faisons le mal que nous abhorrons et ne parvenons pas à faire le bien auquel nous aspirons ». Le jour du Jugement dernier, Dieu ne nous jugera pas sur nos résultats, mais sur les choix que nous aurons faits, sur notre persévérance, malgré nos chutes et nos régressions.
Le désespoir nous est interdit. N’oublions pas que le Bon larron a été sauvé quelques minutes avant sa mort. Relisons la parabole de l’enfant prodigue, auquel nous pouvons tous nous identifier. Il a été pardonné avant même qu’il ait eu l’idée de demander pardon, du seul fait du retour vers son Père, en toute humilité. Ce Jugement dernier tant redouté sera peut-être le sentiment de honte à la puissance dix que nous éprouverons en revoyant le film de toute notre vie, à la lumière de la perfection de Dieu. Nous serons les enfants prodigues qui n’attendent rien, tant ils se sentent indignes.
Ce moment de retour vers le Père, nous devrions l’effectuer avant notre départ pour l’autre monde, et nous devrions l’amorcer tous les jours de notre vie et pas seulement pendant le Grand carême.
L’abstinence, qui va bientôt nous être proposée par l’Eglise, n’est pas une valeur en soi, même si la sobriété en toutes choses est une vertu. Le carême n’est pas une fin, ce n’est qu’un moyen. Il est un moyen de nous mettre en condition, de nous rappeler que nous sommes chrétiens et que cela a des implications dans notre vie quotidienne. Le carême qui facilite notre retour vers Dieu s’articule autour de plusieurs pôles dont les deux essentiels sont l’amour de Dieu et du prochain. Cela signifie que nous devons pardonner les offenses et nous abstenir de juger notre prochain; si nous avons du mal à l’aimer, évitons au moins de lui souhaiter du mal. Aidons ceux qui sont dans le besoin. Rappelons-nous que notre prochain n’a pas que des besoins matériels.
Cela signifie aussi que nous devons demander pardon à Dieu et prendre vraiment conscience de notre condition de pécheurs et de notre état de dépendance. Sans la Grâce, nous ne pourrions être sauvés. Ne répétons pas le péché d’Adam.
Cela signifie aussi que nous sommes invités à relire les Ecritures: les Evangiles, les épîtres apostoliques et les psaumes. Comment pouvons-nous nous soumettre à la volonté de Dieu si nous la connaissons mal.
Cela signifie aussi que la fréquentation des offices doit être plus assidue. Notre participation individuelle et collective à la liturgie est une voie qui mène au salut.
Qui parmi nous refuserait un billet de loterie gagnant ? Nous n’emporterons pourtant aucun gain dans notre tombe. Pourquoi refusons-nous alors si souvent des gains immatériels, ceux que nous proposent le Christ et Son Eglise, gains d’autant plus importants qu’ils concernent notre avenir dans l’éternité ?
Le Grand carême nous rappelle que les efforts que nous fournissons pour être heureux, selon les critères du monde, sont vains, car le bonheur de ce monde ne peut en aucun cas satisfaire notre besoin d’infini. Le « toujours plus matériel » se fait au détriment du « toujours plus spirituel » et nous éloigne de l’essentiel, c’est à dire de Dieu.