Lc 7, 11-16 Lc 8, 41-56

 Les deux évangiles d’aujourd’hui, celui qui est lu dans notre Archevêché, comme celui qui est lu dans les paroisses grecques, relatent tous deux des miracles opérés par le Christ – chez nous, le Christ ressuscite le fils d’une veuve, chez les Grecs, le Christ guérit une femme qui souffrait d’hémorragies depuis 12 ans et fait revenir à la vie la fille de Jaïre, un dignitaire juif.

Il y a au moins deux sortes de miracles. Ceux qui défient les lois de la nature, quand un mort est ramené à la vie, plusieurs jours après son décès, comme cela a été le cas de Lazare, l’ami du Christ, ou quand un aveugle de naissance retrouve la vue. Ce sont les miracles les plus rares. Il faut être le Christ ou, plus tard, au moins un apôtre ou un grand saint pour que ces miracles se produisent. Et, n’oublions pas que si un apôtre ou un saint demandent une guérison ou un miracle, c’est Dieu qui agit. D’autres miracles ne vont pas à l’encontre des lois de la nature. Ils sont plus nombreux que les premiers, mais les uns et les autres restent rares. Il peut même nous sembler qu’au 21-ème siècle, ils sont rarissimes, du moins peut-on le supposer, car il ne leur est pas fait de publicité. A nos yeux, les miracles appartiennent plutôt au passé qu’au présent.

Pour quelles raisons les miracles sont-ils si rares ? La première raison est que Dieu respecte totalement notre liberté. Le Christ n’a pas manié le miracle, comme une incitation à se convertir pour entrer au Royaume. Le plus souvent, Sa motivation était la pitié, la compassion. Si les miracles étaient la récompense automatique pour une vie entièrement tournée vers Dieu, l’homme n’aurait pas besoin de la foi. La foi serait remplacée par la certitude d’être récompensé pour des mérites, et la vertu, en vue d’une récompense, serait alors tout sauf désintéressée. Mais la parabole du serviteur inutile, qui fait ce qu’il faut parce qu’il le faut, la parabole du serviteur qui ne fait que son devoir, nous rappelle que la notion de mérite n’a pas cours dans le christianisme. Les miracles ne dépendent pas de la vertu de l’homme, qui ne sera jamais suffisante, mais de sa foi. Les autres raisons de la rareté des miracles sont, soit notre aveuglement – nous ne les voyons pas, soit notre manque de foi, si nous les avons demandés et n’avons pas été exaucés. Si un miracle n’est pas une récompense, il est, en revanche, une forme de reconnaissance de la foi de celui qui en bénéficie ou de ceux qui ont demandé la guérison de quelqu’un d’autre. Et c’est là que, pour nous, le bât blesse.

Au chapitre 17 de l’Evangile de Luc, le Christ dit aux apôtres que « s’ils avaient vraiment de la foi gros comme une graine de moutarde, s’ils disaient à un sycomore (à un arbre) – déracine-toi et va te planter dans la mer, il leur obéirait ». L’évêque catholique de Troyes, commentant ce verset, a développé l’image en l’adaptant à notre époque : « Si vous aviez de la foi, gros comme une graine de moutarde, vous feriez des miracles » a-t-il dit dans une homélie et il a ajouté : « En recevant cette parole, nous nous trouvons face à une double question : est-ce que dans notre monde un peu tordu, il y a des miracles ? S’il n’y en a pas, cela veut dire qu’il n’y a plus de foi. Et le deuxième volet de la question : est-ce que nous faisons des miracles ? Si ce n’est pas le cas, c’est que, d’après Jésus, nous manquons de foi ».

Poursuivons ce raisonnement. La raison de l’absence de miracles visibles dans notre monde contemporain qui, à certains égards, semble avoir été abandonné par Dieu, est notre manque de foi. Il se produit certainement des miracles, dont nous pourrions être les témoins, mais que nous sommes incapables de voir. Notre cécité, notre aveuglement spirituel ne nous permettent pas plus de voir tous les petits et grands miracles qui se produisent sous nos yeux, à commencer par le miracle permanent de la nature. Quant aux miracles, dont nous voudrions être les bénéficiaires, il y a d’innombrables raisons, en plus de notre manque de foi, pour qu’ils ne s’accomplissent pas – et ces raisons nous sont inconnues. Les voies du Seigneur – dit-on à juste titre, sont impénétrables.

Essayons d’être attentifs à tous les signes qui, dans notre vie, nous sont adressés par l’Esprit et faisons nôtres les paroles du père de l’enfant possédé : « Nous croyons, Seigneur, mais viens au secours de notre incrédulité ».

Ce contenu a été publié dans sermon. Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.