Dimanche des Saints locaux – 2-ème dimanche après la Pentecôte

         Avant la communion, le célébrant, élève l’Agneau qui va être fractionné en proclamant : « Les saints Dons aux saints ! », c’est-à-dire aux chrétiens rassemblés. Le chœur répond au nom de l’assemblée des fidèles : « Un seul est saint, un seul est Seigneur, Jésus-Christ, à la gloire de Dieu le Père. ». Le dialogue mérite une explication. Le sens de l’adjectif saint est double – il signifie « qui appartient à Dieu » et il signifie également « qui dispose des attributs de Dieu, qui est parfait ». Dans les premiers temps du christianisme, le mot saint désignait simplement les chrétiens, dans la mesure où ils affichaient leur appartenance à Dieu. Plus tard, l’Eglise a réservé le terme à ceux qu’elle propose comme modèles à l’ensemble des fidèles. Cela ne signifie pas que les saints reconnus par l’Eglise sont parfaits, mais qu’ils sont plus proches de Dieu que les autres, malgré leur imperfection. Et la manifestation de cette proximité avec Dieu est différente pour chacun d’entre eux. Dans sa liturgie, saint Jean Chrysostome met l’accent sur l’imperfection de tout être humain, y compris celle des saints – dans la prière avant la communion. Il cite l’apôtre Paul. « Je crois, Seigneur, et je confesse – est-il dit, que Tu es en vérité le Christ, le Fils du Dieu vivant, venu dans le monde pour sauver les pécheurs, dont je suis le premier ». Saint Paul, et tous les saints reconnus par l’Eglise, sont conscients de leur état de pécheurs.

        Dans la deuxième épître aux Corinthiens, l’apôtre Paul écrit que « pour qu’il ne soit pas, lui Paul, enflé d’orgueil, à cause de l’excellence des révélations, (qu’il a eues), il lui a été mis une écharde dans la chair, un ange de Satan pour le souffleter et l’empêcher de s’enorgueillir. Trois fois il a prié le Seigneur d’éloigner Satan de lui, et le Christ a répondu que Sa grâce suffisait, car Sa puissance s’accomplissait dans la faiblesse ». Dieu respecte la liberté de l’homme et sa faiblesse. Il ne lui impose pas la perfection, Il ne le rend pas parfait alors que ce serait si simple. Cela pose problème à beaucoup de monde, aux chrétiens, comme aux personnes qui ne sont pas ecclésialisées. Et les athées et agnostiques demandent à ceux qui confessent un Dieu bon d’expliquer pour quelles raisons Il permet le mal dans le monde, alors qu’Il est tout-puissant. Dostoïevski, écrivain orthodoxe par excellence, évoque la question dans le dialogue entre deux frères, dans son roman Les frères Karamazov : Ivan Karamazov pose la question suivante à son frère Alexis : «  Si tu étais l’architecte des destinées humaines et désirais bâtir un monde où l’humanité trouverait le bonheur, le calme et la paix, entreprendrais-tu cette œuvre, sachant qu’elle ne pourrait être réalisée qu’au prix de la souffrance, ne fût-ce que d’un seul petit être innocent ? De cette enfant, par exemple, qui se frappait la poitrine à coups de poings ? Si l’édifice ne pouvait être bâti que sur les larmes de cette petite, si c’était une nécessité inéluctable sans laquelle le but ne pourrait être atteint, consentirais-tu encore à être l’architecte de l’univers dans de telles conditions? – Non, je n’y consentirais pas, répondit Aliocha d’une voix ferme. » La question ne trouve donc de réponse satisfaisante ni pour Dostoïevski, ni pour nous.

           La semaine dernière, l’Eglise a fêté les saints du monde entier, aujourd’hui nous fêtons les saints locaux. Dimanche dernier, l’accent a été mis sur l’universalité de l’Eglise. Ce dimanche, l’accent est mis sur les particularités locales. La conjonction des deux fêtes marque l’unité de l’Eglise et sa diversité. La diversité est parfaitement compatible avec l’unité et enrichit même cette unité. Nous sommes tous appelés à la sainteté, nous sommes tous appelés à être « le sel de la terre », chacun à sa façon. Nous en sommes loin. Ce n’est pas une raison pour baisser les bras. Nous ne serons pas jugés sur nos résultats qui seront toujours insuffisants, mais sur nos efforts, notre persévérance, sur notre faculté à nous relever après chaque chute, sur notre volonté de progresser sur le chemin qui mène au Royaume. Et nous aurons toujours une « écharde dans notre chair » qui nous aidera à ne pas sombrer dans l’orgueil, le plus grand obstacle sur la voie du salut, et nous rappellera que sans aide de l’Esprit, nous ne pouvons rien, comme vous l’entendez souvent.

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