Ephésiens 6, 10-17 2 décembre 2018

         Les deux derniers chapitres de l’épître de Saint Paul aux Ephésiens, dont la lecture intégrale s’achève aujourd’hui, ressemblent à des dernières recommandations de quelqu’un qui arrive au terme de sa vie. Il demande aux chrétiens d’Ephèse d’être « bons les uns pour les autres », d’éviter « les propos grossiers, stupides ou scabreux », de « ne pas s’associer aux œuvres stériles des ténèbres », c’est-à dire aux œuvres inspirées par le Malin. Plus curieusement, il enjoint « ses lecteurs à ne pas s’enivrer ». C’est également au chapitre 5, l’avant-dernier de l’épître, que l’apôtre évoque le mariage dans un paragraphe qui est repris à chaque cérémonie de mariage et, de nos jours, suscite, à tort, au minimum un sourire narquois, au pire – le rejet.

         Quand Saint Paul demande aux épouses « d’être soumises en tout à leur mari et de le craindre » (selon les traductions), cela demande une explication. Une réflexion plus profonde fait disparaître le sourire des fidèles de sexe masculin. En premier lieu, le mot « craindre », dans ce contexte signifie « respecter ». Et lorsque l’apôtre compare les relations entre le mari et la femme avec celles du Christ et de Son Eglise, les hommes ont tendance à ne retenir que l’idée de soumission. Or l’Eglise se soumet librement et volontairement au Christ qui, Lui, est parfait. La femme est donc appelée à se soumettre librement et volontairement à son mari, à condition qu’il soit proche de la perfection. Cela relativise singulièrement la recommandation de Saint Paul. Enivrée et confortée par la phrase qui évoque la soumission, la gent masculine oublie aussi que l’apôtre recommande aux maris « d’aimer leur femme, comme le Christ aime l’Eglise ».

        Venons-en maintenant à l’avant-dernier paragraphe de l’épître, celui qui vient d’être lu. Comment s’opposer, comment résister « avec fermeté aux princes du monde des ténèbres », c’est-à-dire aux forces du Malin ? Saint Paul utilise l’image du guerrier qui revêt « l’armure de Dieu, une cuirasse de justice et le casque du salut », après avoir serré « la ceinture de vérité, mis des chaussures (qui symbolisent la propagation de l’Evangile) et s’être muni du glaive de l’Esprit et du bouclier de la foi ».

         Le moins que l’on puisse dire est que l’image est complexe, hardie et demande beaucoup d’attention pour en comprendre le sens. L’image est guerrière, parce que le combat spirituel exige de grands efforts, surtout lorsque l’on vit en milieu protégé, comme c’est le cas pour nous. Le combat spirituel des chrétiens d’Orient est matérialisé par les agressions physiques qu’ils subissent. Leur foi est violemment mise à l’épreuve, pourtant ils ne disent pas que Dieu les a abandonnés – le prêtre copte orthodoxe de la paroisse de Deuil-la-Barre, qui a déjà été cité ici, va jusqu’à dire que l’Eglise est, en fait, renforcée par le sang de ses martyrs.

      Pour nous, les attaques des Forces du Malin sont plus pernicieuses. Nous ne sommes pas menacés physiquement. Le Malin agit autrement, par le biais du confort intellectuel et matériel qui nous anesthésie sur le plan spirituel. Le but du chrétien est d’obtenir le salut. La voie indiquée par Saint Paul est la connaissance des Ecritures, avec comme finalité la recherche de la Vérité. C’est là qu’intervient l’Esprit ; sans Son aide, il est impossible d’avoir la foi qui, elle, servira de rempart contre les attaques des forces du Malin. Et la foi sous-entend la mise en pratique de l’enseignement du Christ dans la vie. C’est ce que les mouvements de jeunesse orthodoxe russe, au sein de l’émigration, ont appelé l’ecclésialisation de la vie, dès le début du 20-ème siècle. Or, nous avons bien du mal à résister aux tentations que sont les loisirs et occupations de tous ordres, que nous avons trop tendance à déguiser en obligations et qui nous éloignent de Dieu.

         L’objectif de l’ecclésialisation de la vie est plus que jamais d’actualité. C’est un bon sujet de réflexion en cette période d’ascèse qu’est l’Avent : la préparation à Noël n’est pas seulement un calendrier rempli de chocolats qui ravit les enfants. Entre rigorisme vain, et contre-productif, et laxisme, essayons de trouver la voie étroite, mais juste.

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