Dimanche des néo-martyrs russes du 20-ème siècle St. Prix 27/01/19 Lc 21, 12-19 Rm 8, 28-39

« Heureux ceux qui sont persécutés pour la justice : le Royaume des cieux est à eux. Heureux êtes-vous lorsque l’on vous insulte, que l’on vous persécute et que l’on dit faussement contre vous toute sorte de mal à cause de Moi. Soyez dans la joie et l’allégresse, car votre récompense est grande dans les cieux » – est-il chanté dans les Béatitudes que vous entendez aux liturgies dominicales. La récompense est l’entrée au Royaume, car le martyre efface tous les péchés, entrée dont on dit qu’elle est étroite.

Commençons par définir ce qu’est le martyre. A l’origine, le mot signifie « témoignage ». Le martyr est celui qui accepte les souffrances de tous ordres, parfois jusqu’à la mort, pour avoir témoigné de sa foi, ne serait-ce que par la vie qu’il mène. Des chrétiens ont subi le martyre à toutes les époques et continuent de le subir au Moyen-Orient. Numériquement, c’est le 20-ème siècle qui a battu tous les records. Cela a commencé avec le génocide arménien perpétré par les Turcs entre 1914 et 1923. L’on estime qu’environ 1 200 000 Arméniens et 200 000 Grecs ont été exécutés ou sont morts de faim dans l’Empire ottoman. Pour ce qui est des seuls orthodoxes, au cours de la seconde guerre mondiale, les Serbes et leurs enfants étaient repérés par les oustachis croates qui leur demandaient de faire le signe de croix – s’ils le faisaient spontanément de droite à gauche, l’exécution était immédiate.

Mais nous commémorons aujourd’hui tous les néo-martyrs russes du 20-ème siècle, qu’il est quasiment impossible de recenser, vu l’ampleur des répressions du régime communiste, dont le but était d’éradiquer tout sentiment religieux dans la population de l’Union Soviétique. L’Eglise russe a réussi à établir en 2008 une première liste de 31 000 personnes, et il s’en découvre depuis, entre 1500 et 2000 par an. Il est moins difficile de dénombrer les martyrs, membres du clergé. Cela se complique pour ce qui est des laïcs. Le nombre des néo-martyrs de l’Eglise russe, clercs et laïcs s’élèverait à plus de 500 000 victimes, exécutées après un jugement sommaire ou mortes en camps. Et l’on ne compte pas ceux qui ont survécu, malgré la prison ou les camps, et ceux dont la vie a été un cauchemar – soit parce qu’ils ont du cacher leur foi pour préserver leurs proches, soit parce que leur foi a été découverte par des voisins mal intentionnés et a été suivie de brimades quand les persécutions se sont « adoucies ». Dans quelle catégorie mettre, par exemple, le prêtre de l’église du village de Yamkino, rencontré il y a une 20-aine d’années, qui avait été envoyé dans un camp où les détenus nettoyaient les cuves des sous-marins et bateaux à propulsion nucléaire et a survécu par miracle aux radiations ?

Dans son épître aux Romains, l’apôtre Paul annonce aux chrétiens de Rome qu’ils connaîtront « la détresse, l’angoisse, la persécution, la faim, le dénuement, le danger, et le glaive », c’est-à-dire la torture et la mort ».

Les paroles du Christ rapportées dans l’Evangile de Luc d’aujourd’hui vont dans le même sens – il est dit que ceux qui Le suivront « seront persécutés, (…) mis en prison » et que certains « seront même livrés par leurs pères, mères, frères, parents et amis et seront condamnés à mort ». C’est ce qui s’est passé en Union Soviétique pendant 70 ans, que ce soit pendant la Guerre civile et la période stalinienne, soit ensuite, de façon moins violente, mais tout aussi systématique, pendant la période Khroutchévienne.

Il ne nous est pas demandé de rechercher le martyre, ce serait une forme de perversion et d’orgueil, mais de l’accepter, si nous n’avons pas le choix. Il nous est demandé de témoigner de notre foi, ne serait-ce que par notre vie, sans craindre le regard narquois ou méprisant des autres, puisque de nos jours et en France, c’est la seule forme de persécution que nous risquons. Et le mot persécution est ici trop fort.

L’Eglise de Russie, malgré les insuffisances et l’imperfection de ses membres, mais qui sommes-nous pour les juger, est restée sainte et a été sauvée par le sang de ses martyrs que nous commémorons aujourd’hui. N’oublions jamais que la Croix, pour les non-chrétiens, comme pour nous, est le symbole du christianisme, et qu’au baptême il nous a été demandé de prendre exemple sur le Christ et de porter notre croix pour Le suivre, Lui le martyr des martyrs.

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