Dimanche de la Samaritaine. Saint-Prix 2019

Nous autres orthodoxes, ce qui signifie « nous autres chrétiens qui louons correctement Dieu », sommes directement interpellés par l’Evangile d’aujourd’hui, par l’entretien du Christ avec la Samaritaine. Ceux que nous avons parfois tendance à regarder de haut, depuis notre « orthodoxie » triomphante, ont beaucoup de points communs avec la femme que le Christ a rencontrée auprès d’un puits.

N’oublions pas que Saint Paul, comme le Christ, s’inscrivaient dans la mouvance pharisienne, dans la mouvance de ces Juifs pieux, des Juifs orthodoxes, qui observaient à la lettre les prescriptions de la Loi. Ceux que le Christ condamnait n’étaient pas les pharisiens en tant que tels, mais ceux qui, parmi eux, prétendaient aimer Dieu, tout en oubliant d’aimer leur prochain. Il condamnait ceux pour qui le formalisme religieux était plus important que l’amour de Dieu et du prochain. Dans l’Ancien testament, au chapitre 19 du Lévitique, il est écrit : « tu aimeras ton prochain comme toi-même ». Le Christ a repris ces paroles, Lui, qui n’est pas venu abroger la Loi, mais la compléter.

Deux interprétations, deux traductions de cette exhortation se complètent. Elle signifie qu’il faut accorder à son prochain, quel que soit son profil, et aussi différent soit-il du nôtre, la même priorité que celle que l’on s’accorde à soi, et elle signifie également que notre prochain est fondamentalement semblable à nous, qu’il a la même importance, et a donc les mêmes droits. Dans le contexte de l’époque, et c’était dérangeant – aux yeux du Christ, le Juif et le non-Juif ont la même importance. Dans le Deutéronome, au chapitre 10, il est écrit que « Dieu, (…) rend justice à la veuve et à l’orphelin, et aime l’émigré en lui donnant du pain et un manteau ». Et il est ajouté : « Vous aimerez l’émigré, (comprenons celui qui n’est pas des nôtres), car au pays d’Egypte, vous étiez des émigrés ». Il est donc demandé aux Juifs pieux de respecter et d’aimer ceux qui ne le sont pas.

En tant que chrétiens « qui essaient de louer correctement Dieu », nous sommes un peu les pharisiens du christianisme, et pouvons succomber à la même tentation de regarder les autres chrétiens, les non-pratiquants et les non-chrétiens avec condescendance. Or cela nous est explicitement interdit, parce qu’il nous est demandé de nous occuper de nos propres péchés et non de ceux des autres, et de ne pas juger notre prochain. Nous serons jugés avec la même sévérité dont nous faisons preuve à l’égard d’autrui. Et, de toutes façons, nous pouvons reprendre à notre compte les paroles du Père Cyrille Agenti qui disait « qu’il n’était pas orthodoxe, mais essayait de l’être, et que c’était le travail de toute une vie ».

D’autre part, l’apôtre Paul explique très clairement, au chapitre 2 de son épître aux Romains, que « seront sauvés ceux qui ne sont pas chrétiens, mais agissent comme devraient agir les chrétiens ». Pour pouvoir juger les autres, il faudrait que nous soyons nous-mêmes parfaits. Et, malheureusement, nous, chrétiens de toutes confessions, laïcs, comme membres du clergé, en particulier dans les crises que nous traversons, pouvons parfois être des repoussoirs.

Partout dans les Evangiles, il est clair que le Christ accorde la préférence à ceux qui sont conscients de leur imperfection, à ceux qui comme la Samaritaine ne sont pas des exemples de vertu, mais savent rester à leur place et font preuve d’humilité. Les Pères de l’Eglise sont dans la vérité quand ils placent l’orgueil à l’origine de toutes les autres passions, de ce qu’en Occident on appelle « les péchés capitaux », les péchés majeurs.

Nous, orthodoxes, ne sommes pas pires que ceux qui ne le sont pas, ou que les non-chrétiens ou les athées. Nous ne sommes pas plus automatiquement meilleurs qu’eux et, nous, n’avons pas l’excuse de ne pas savoir comment nous comporter pour « être le sel de la Terre ». Evitons d’être des contre-exemples et de justifier ainsi le refus de la foi de ceux qui se comportent parfois mieux que nous.

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Ascension – Pentecôte 2019

 La Pentecôte que nous fêtons aujourd’hui a été annoncée par le prophète Ezéchiel à qui Dieu a soufflé les paroles suivantes : « Je mettrai en vous un esprit nouveau, (…) Je le ferai en sorte que vous marchiez selon Mes lois, observant Mes ordonnances et les mettant en pratique ». Le prophète Joël est encore plus explicite : « Je répandrai Mon Esprit sur toute chair (c’est-à dire sur tous les hommes, Juifs ou païens). Vos fils et vos filles prophétiseront. Même sur les serviteurs et les servantes, (…) Je répandrai Mon Esprit ».

Le sens de la fête est résumé dans un des stichères des vigiles de la Pentecôte : « D’incultes qu’ils étaient, les disciples reçurent la sagesse et prirent les païens au filet de la foi, annonçant avec éloquence les mystères divins ».

Les fêtes de la Résurrection du Christ et de la Pentecôte, qui en est l’aboutissement, préfigurent certains aspects du Royaume. Le Christ ressuscité passe à travers les portes, mais les apôtres peuvent le toucher et Il mange du poisson devant eux. Nous aussi ressusciterons corps et âme, nous aussi pourrons manger et notre corps sera bien réel. Jusqu’à la Pentecôte, les apôtres n’ont pas vraiment compris ce qui se passait. Dans l’Evangile de l’apôtre Luc, il est écrit qu’avant Son Ascension, « le Christ leur ouvrit l’esprit, afin qu’ils comprennent les Ecritures qui avaient tout annoncé ». Malgré cela, ils ont demandé au Christ « s’Il S’apprêtait à rétablir le Royaume d’Israël ». C’est ce que la foule attendait du Christ le jour de Son Entrée triomphale à Jérusalem. L’esprit des apôtres ne s’est ouvert complètement qu’à la Pentecôte.

Les apôtres étonnent les foules en prêchant en toutes les langues, eux les pêcheurs illettrés. Il s’agit d’un miracle ponctuel, d’un miracle surprenant qui, lui aussi, est une préfiguration du Royaume où l’on peut se demander quelle langue y sera parlée, sinon une langue universelle, compréhensible par tous. Il se passe l’inverse de ce qui est arrivé dans notre monde déchu, lors de la construction de la tour de Babel. Il est dit dans la Genèse (11, 1) que « la terre entière se servait de la même langue et des mêmes mots ». « Les fils d’Adam (c’est-à dire les hommes) ont voulu bâtir une ville et une tour dont le sommet toucherait le ciel », reprenant la faute d’Adam qui a voulu se passer de Dieu et a été chassé du paradis. Ceux qui voulaient bâtir la tour de Babel se sont vus empêchés de continuer leur travail – « le Seigneur – est-il écrit, brouilla leurs langues, afin qu’ils ne se comprennent plus les uns les autres ».

La descente de l’Esprit sur les apôtres leur permet de s’adresser à la foule qui les entoure en s’exprimant dans la langue de chacun, comme s’il n’y en avait qu’une. Ou bien les apôtres parlent-ils dans leur langue que tous comprennent l’espace d’un instant, comme si c’était la leur. Les langues ne sont plus brouillées – la situation antérieure est provisoirement rétablie.

Nous avons reçu l’Esprit Saint à notre baptême, et à chaque liturgie, au nom de tous les fidèles présents, le prêtre demande à Dieu « d’ouvrir les yeux de notre intelligence, pour que nous comprenions Son message évangélique et qu’Il nous inspire la crainte, c’est-à dire le respect de Ses commandements ».

L’enseignement dispensé par les apôtres à la Pentecôte, enseignement compris par tous, symbolise l’unité dans la diversité. Les chrétiens actuels, comme ceux des siècles qui ont précédé, ne parlent pas tous la même langue, mais l’enseignement est ou devrait être le même. Et ils sont censés tous comprendre la même chose. La réalité est moins rose. Les Eglises chrétiennes sont divisées. Et dans chacune d’elles, y compris dans la nôtre, l’on retrouve également des divisions. A partir des mêmes textes de l’Ancien et du Nouveau Testaments, nous parvenons parfois à des conclusions différentes. C’est dû à notre imperfection. Pourtant les efforts de dialogue sont loin d’être vains entre gens de bonne volonté, y compris chez nous. Curieusement, il arrive même parfois que l’on s’entende mieux avec des membres d’autres Eglises chrétiennes qu’avec des membres de la sienne.

Le Christ est venu sauver des hommes imparfaits, et nous pouvons maintenant nous adresser de nouveau au « Roi céleste » à l’Esprit Saint et Lui demander de venir faire Sa demeure en nous, et de nous accorder la sagesse, comme l’apôtre Jacques nous appelle à le faire dans son épître. Soyons inspirés par la prophétie d’Ezéchiel et « faisons notre possible pour marcher selon les lois de Dieu, pour observer Ses commandements en les mettant en pratique ».

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Dimanche des Femmes Myrrhophores et de Joseph d’Arimathie 2019

L’Evangile des matines d’aujourd’hui (Mc 16, 9-20) et le passage qui le précède sont surprenants. Les femmes myrrhophores que nous fêtons se rendent au tombeau, dont la pierre qui le fermait a été déplacée, et qui est vide. « Un jeune homme vêtu d’une robe blanche leur déclare que le Christ est ressuscité », il leur annonce qu’elles pourront le rencontrer en Galilée et leur demande d’avertir les apôtres. « Les femmes s’enfuient loin du tombeau, tremblantes et bouleversées, et ne diront rien à personne, car elles ont peur » – est-il écrit. La version de l’évangéliste Matthieu est plus optimiste, plus rose – « quittant vite le tombeau, avec crainte et grande joie, elles coururent porter la nouvelle aux disciples ». Les deux versions ne sont pas contradictoires. Les femmes myrrhophores sont simplement passées par deux étapes. Elles sont passées de la peur et de l’incrédulité à la joie. Elles ont été plus rapides que les disciples-hommes à retrouver la foi. L’évangéliste Luc rapporte que « les apôtres n’ont pas cru ces femmes. A leurs yeux ces paroles semblaient un délire ».

Le premier dimanche qui suit Pâques est dédié à Thomas dont la tradition a fait l’incarnation de l’incrédulité, pourtant partagée par tous les apôtres et, probablement même par les myrrhophores, dont le premier réflexe a été l’incompréhension et la peur. Il a fallu que le Christ apparaisse plusieurs fois aux apôtres, qu’Il Se laisse toucher, qu’Il mange un morceau de poisson grillé pour dissiper les doutes.

« Parce que tu M’as vu, tu as cru ; bienheureux ceux qui, sans avoir vu, ont cru » – a dit le Christ à l’apôtre Thomas. Et, un peu avant, dans le même Evangile de Jean, le Christ S’adressant au Père dit : « J’ai manifesté Ton nom aux hommes, que Tu as tirés du monde pour Me les donner – il s’agit des disciples et apôtres, (…)

Comme Tu M’as envoyé dans le monde, Je les envoie dans le monde (…) Je ne prie pas seulement pour eux, mais pour ceux qui, grâce à leur parole, croiront en Moi ». Là, il s’agit de ceux qui ont reçu l’enseignement des apôtres, et de toutes les générations qui ont suivi, jusqu’à nos jours.

Tout cela signifie que les phases de doute sont inévitables, qu’elles sont naturelles – après tout, les apôtres sont tous passés par là. Et ces phases sont d’autant moins évitables pour nous, qui entrons dans la catégorie de ceux qui croient, sans avoir vu … Notre situation est bien plus compliquée que celle des apôtres et des deux ou trois générations qui ont suivi. Actuellement, une foi inébranlable et permanente est un don précieux de Dieu. Rares sont ceux qui ont cette chance, et il ne s’agit pas d’un manque de mérite – des saints ont connu des périodes de doute ou ont traversé des moments plus ou moins longs de sécheresse spirituelle, comme Saint Silouane du Mont Athos. Il n’est donc ni anormal, ni étonnant que nous aussi passions par ces phases.

« Prenez de très bon cœur (…) toutes les épreuves par lesquelles vous passez, sachant que le test auquel votre foi est soumise produit de l’endurance » – écrit l’apôtre Jacques dans son épître. (…) Heureux l’homme qui endure l’épreuve, parce que, une fois testé, il recevra la couronne de vie, promise à ceux qui aiment le Christ. » – ajoute-t-il. Les épreuves peuvent être de tous ordres – des épreuves matérielles, comme celles de Job, du livre de Job, ou des épreuves spirituelles, comme le manque de foi, comme le doute dont nous sommes les victimes.

Le Christ n’en a pas voulu à Ses apôtres et leur a tout pardonné après Sa résurrection. Il est difficile, voire impensable, d’imaginer qu’Il soit plus sévère avec nous quand nous avons parfois du mal à croire, alors que nous, nous n’avons pas vu.

 

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Dimanche des Rameaux 2019

 Nous avons fêté hier la résurrection de Lazare, et allons fêter celle du Christ, dans la nuit de samedi prochain. Celle de Lazare n’a été qu’un sursis, destiné à fortifier la foi des foules qui ont suivi le Christ pendant les deux années et demie de Sa vie publique, ainsi que la foi des disciples et des apôtres. Nous savons que ni la résurrection de Lazare, ni les nombreux miracles opérés par le Christ, ni même Sa Transfiguration, n’ont été suffisants pour conforter la foi des disciples de façon définitive. Ils l’ont perdue non loin de la Croix, qu’ils avaient fuie. Et l’Entrée triomphale du Christ à Jérusalem est triomphale pour de mauvaises raisons. La foule croit accueillir celui qui va bouter les Romains hors de la Palestine.

Pâques est la Fête des Fêtes et est précédée d’un long carême. Toute grande fête demande une grande préparation. Seule la Résurrection du Christ a pu enfin affermir de façon définitive la foi de ceux qui L’avaient d’abord suivi puis abandonné. Sans la Résurrection du Christ, il n’y aurait pas eu de christianisme. Il a fallu que le Christ ressuscite pour que retrouvent la foi ceux qui n’avaient pas compris pour quelle raison le Christ S’était laisser arrêter sans résistance. Il a fallu que le Christ ressuscite, pour que retrouvent ou acquièrent la foi, ceux qui n’avaient pas compris comment Celui qui avait guéri des malades et fait revenir des morts à la vie, n’avait pu éviter l’arrestation et une mort infamante sur la Croix.

Toutes les résurrections et miracles opérés par le Christ n’ont eu des effets qu’à court terme. Sa Résurrection, elle, change tout. C’est à la lumière de cette résurrection que la foi retrouvée des disciples et apôtres sera transmise de génération en génération, jusqu’au petit Boris qui vient d’être baptisé au cours de notre liturgie dominicale. C’est tout un symbole. Le baptême est généralement dispensé dès le plus jeune âge. Cela peut présenter des inconvénients si l’environnement familial et social n’est pas ecclésialisé. Il ne devrait être dispensé qu’aux enfants de familles pratiquantes, et réservé aux adolescents ou aux adultes, pour les autres familles. Le baptême lave l’adulte ou l’enfant de tous ses péchés, même si ce dernier a été incapable d’en commettre. Le baptême, de ce point de vue, est renouvelé à chaque confession et est consolidé par la communion. Ce n’est pas rendre service à un enfant de le baptiser si son baptême n’est pas suivi d’une vie en Eglise. Il y a heureusement des églises orthodoxes à Bordeaux et la communauté qui a accueilli les parents de Boris a fait ce qu’il fallait pour qu’ils se sentent chez eux.

Quand un enfant est trop jeune pour comprendre ce qui se passe, ses répondants, le parrain et la marraine, et ses parents, s’engagent à sa place. Ils s’engagent également à lui assurer une éducation chrétienne. Pour que la semence jetée en terre devienne un arbre et donne des fruits, il faut que se conjuguent les efforts de ceux qui entourent l’enfant avec les efforts personnels de l’enfant, au fur et à mesure de sa croissance physique et spirituelle. Le petit Boris a donc toutes les chances de son côté.

Bienvenue à lui au sein de l’Eglise !

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Résurrection de Lazare 2019   Jean 11, 1-45

A une semaine d’intervalle, l’Eglise fête deux résurrections – aujourd’hui, celle de Lazare, puis celle du Christ, dans la nuit de samedi prochain. Les deux résurrections sont très différentes – pour Lazare, il ne s’agit d’ailleurs que d’un sursis. Evêque, il mourra une seconde fois, comme tout le monde, trente ans plus tard, à Chypre.

La résurrection de Lazare n’a donc qu’une importance relative ; celle du Christ est, en revanche, fondatrice. « Sans la résurrection du Christ, notre foi serait vaine » – a affirmé l’apôtre Paul, à juste titre, dans sa 1-ère épître aux Corinthiens. Le Christ, ne S’était pas déplacé pour guérir Son ami Lazare. Il n’est pas intervenu pour éviter sa mort. Il avait, en quelque sorte, programmé sa résurrection pour conforter la foi des apôtres et des disciples au sens large, et éventuellement la foi de la foule qui L’avait suivi pendant un peu plus de deux ans. L’évangéliste Jean mentionne trois Pâques dans son récit de la vie publique du Christ, qui se serait donc étalée sur deux ans et demie.

Une résurrection est un miracle spectaculaire. Mais si plusieurs personnes avaient déjà été ramenées à la vie par le Christ, alors qu’elles venaient de mourir, ici, la résurrection intervient quatre jours après la mort de Lazare. Marthe et Marie reprochent au Christ, séparément, mais avec les mêmes mots, de ne pas être venu plus tôt, de ne pas avoir guéri leur frère, quand c’était encore possible. Aux apôtres qui, comme d’habitude, ne comprennent pas trop ce qui se passe, et encore moins la raison pour laquelle le Christ n’est pas intervenu avant, le Christ répond que « cette mort et cette résurrection se sont produites afin qu’ils croient », afin qu’ils aient la foi.

Nous savons, cependant, que la Transfiguration du Christ et Ses nombreux miracles, dont celui que nous fêtons aujourd’hui, n’ont pas été suffisants pour conforter la foi des apôtres de façon définitive. Ils l’ont perdue non loin de la Croix, qu’ils avaient fuie, ou à son pied, en ce qui concerne l’apôtre Jean. Et aux incrédules, l’on peut ajouter Judas, qui s’est suicidé non seulement parce qu’il était pris de remords, mais peut-être aussi parce qu’il avait mis toute sa confiance en un Christ chef politique, tout comme la foule qui L’avait accueilli triomphalement à Jérusalem, avec des rameaux. Elle n’avait pas compris pour quelle raison Il S’était laisser arrêter sans résistance, sans faire appel aux disciples et apôtres pour Le défendre. Lui qui avait guéri des malades et fait revenir des morts à la vie, n’avait rien fait pour éviter l’arrestation et le supplice de la Croix. L’argument est d’une logique humaine imparable et est donc recevable – à leur place, nous n’aurions pas fait mieux.

Toutes les résurrections et miracles opérés par le Christ n’ont donc affermi la foi de leurs témoins qu’à court terme. La seconde Résurrection, celle que nous allons fêter à Pâques, change tout. C’est à la lumière de cette résurrection que disciples et apôtres vont retrouver la foi qui sera transmise de génération en génération, jusqu’au petit Boris qui – beau symbole, sera baptisé demain, au cours de notre liturgie dominicale.

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4-ème dimanche de carême 2019 Mc 9, 17-31

Le Christ, à qui un homme se plaint de ce que les apôtres n’ont pu guérir son fils, traite l’homme en question, ainsi que la foule qui l’entoure et les apôtres, de « génération incrédule ». Et, ensuite, dans le dialogue avec le père de l’enfant, Il ajoute que « tout est possible à celui qui croit », à celui qui a la foi. En ces temps troubles, et pas seulement dans la vie des Eglises, nous pouvons, par manque de foi, être découragés et être tentés de baisser les bras, succombant à l’esprit d’abattement, dont il est question dans la prière de Saint Ephrem.

Je voudrais partager avec vous une analyse, faite en 1979 par le Métropolite Georges Khodr du Liban dans son livre autobiographique « Et si je disais les chemins de l’enfance », où il s’adresse aux lecteurs par le biais d’un ami imaginaire, dont il évoque le parcours spirituel. Plutôt que de faire de la paraphrase, je préfère vous livrer quelques extraits de ce livre qui sont d’une actualité brûlante.

« Nulle part, l’homme ne reçoit autant de blessures que dans l’Eglise. Dans la société, l’homme s’attend à être meurtri. Mais l’Eglise n’est-elle pas censée être meilleure que la société ? En fait, les deux souffrent des mêmes maux. Je ne pense pas que les blessures reçues dans l’Eglise puissent jamais se cicatriser. Pourtant c’est dans l’Eglise que nous recevons l’Evangile vivant. (…) Nous n’avons pas d’autre choix que de rester dans l’Eglise des pécheurs ; notre croix consiste à accepter les autres comme ils sont. Nous demeurerons dans l’Eglise parce que c’est là seulement que se trouvent le corps et le sang de notre Seigneur et Maître. Sans eux, il n’y a aucune vie en nous. Nous devons rester dans l’Eglise (…), car nous sommes dans l’attente d’un miracle qui nous transformerait. (…) Bien que porté au baptême par ses parents, l’homme devient rarement pleinement chrétien. (…) Pour beaucoup, le baptême se limite à une immersion dans l’eau. Tant de chrétiens, prêtres et évêques compris, restent insensibles au souffle de l’Esprit. (…) Mon ami s’attendait aux pires abominations, comme aux choses les plus futiles de la part des pasteurs et de leurs ouailles. (…) Il finit par considérer que le diable semblait prendre un malin plaisir à se venger de l’Eglise par le contrôle de ses chefs, qu’il dotait d’une autosatisfaction imperméable à toute critique, celle-ci étant aussitôt qualifiée de tendancieuse. Paradoxalement, son analyse de la triste réalité de la vie ecclésiastique, renforçait mon ami dans sa conviction que l’Eglise est le lieu du salut et que le Christ y trouve toujours un endroit où poser Sa tête. Car c’est en elle seule que la mort n’a plus de prise sur nous, que les consolations divines nous sont prodiguées en abondance ». (extraits des pages 78 à 80)

La vision de Mgr Georges Khodr, évoquée il y a maintenant 40 ans, peut sembler pessimiste, même si elle est réaliste. Cette vision reste actuelle. N’oublions pas, cependant, que les crises, plus ou moins importantes, y compris au sein de l’Eglise, font jaillir des saints et des personnalités hors du commun, comme notre archevêque, qui permettent de garder espoir et de consolider notre foi, si souvent chancelante. Rappelons que les persécutions subies par l’Eglise russe, dans le but de la détruire complètement, l’ont, au contraire, sauvée par le nombre impressionnant de ses saints martyrs. La crise que nous traversons actuellement sera-t-elle assez grave pour nous sauver ?

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Annonciation 2019

 Le Nouvel an liturgique a été fixé au 1-er septembre par les Pères du 1-er Concile œcuménique en 325. Personne n’ayant la moindre idée de la date de la Création du monde, il a bien fallu trouver un critère pour fixer la date du nouvel an ecclésial. Les historiens avancent deux raisons à ce choix. La première n’a rien de poétique – le nouvel an fiscal était fixé au 1-er septembre dans l’Empire byzantin. La seconde fait coïncider le nouvel an ecclésial avec la victoire de l’empereur Constantin sur Maxence, son rival romain, suivie de l’Edit de Milan, qui a mis fin aux persécutions des chrétiens et leur a accordé la liberté. Il aurait, sans doute, été tout aussi pertinent et même plus logique de faire partir l’année liturgique du jour où nous fêtons l’Annonciation, point de départ de l’incarnation du Dieu fait homme, qui selon les lois de la nature, sera suivie de la Nativité, neuf mois plus tard. La conception a été divine, la naissance – humaine.

L’homme a été créé par Dieu, en tant que co-créateur. Le premier homme était censé parfaire la Création, en coopération avec Dieu. La coopération a été sabotée par Adam, avec les conséquences que l’on sait – la mortalité, les maladies physiques et spirituelles, la propension à pécher, alors que l’homme était censé avancer sur la voie de la perfection et vivre éternellement. Dieu nous a donné une nouvelle chance en faisant naître le Christ d’une mère qui ne se distinguait des autres femmes que par ses qualités, certes hors du commun, mais humaines. La Mère de Dieu n’est pas une quatrième personne divine, mais un être aussi proche que possible de la perfection, malgré sa faiblesse toute humaine. La coopération entre Dieu et l’homme, pour le sauvetage de l’humanité déchue, s’est donc poursuivie, entre autres, par l’intermédiaire d’une toute jeune femme d’exception et de son futur époux. Dans les Evangiles il est question de l’Annonce faite à Marie par l’Ange Gabriel, rapportée dans l’Evangile de Luc, mais aussi de l’annonce faite à Joseph, rapportée dans l’Evangile de Matthieu, quand un Ange lui apparaît en songe et lui demande de ne pas répudier sa fiancée, enceinte de l’Esprit, alors qu’il est rongé par le doute et pense répudier Marie.

Le concept de « Sainte famille », est répandu en Occident, mais n’a pas cours au sein de l’Eglise orthodoxe. En revanche, Saint Joseph est vénéré pour son humilité, son obéissance à l’Esprit, sa fidélité, et sa foi qui lui a permis de surmonter ses doutes. Cette profonde humilité est un trait commun à la Mère de Dieu et à son époux. Les Evangiles ne les évoquent que très peu. Les textes des offices ne mentionnent que rarement saint Joseph, et les offices des fêtes mariales se fondent presque exclusivement sur les Evangiles apocryphes, de la tradition orale, dont la canonicité n’a pas été retenue par l’Eglise. Le rôle discret, mais primordial de la Mère de Dieu et de Joseph rappelle que l’humilité est une des conditions essentielles à l’accueil du Christ. C’est pour cette raison que les Pères de l’Eglise placent l’orgueil au premier rang des passions contre lesquelles tout être humain doit lutter et l’humilité au premier rang des vertus.

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Calendrier définitif des offices jusqu’en juin 2019

Les modifications et ajouts sont en rouge. Sauf mention contraire, vêpres le samedi soir, et liturgie le dimanche, aux dates indiquées.

Mars :

samedi 9, dimanche 10 : liturgie, suivie d’agapes modestes, puis des vêpres du Pardon.

jeudi 14 : lecture du canon de Saint André (19h00)

samedi 23 mars : Vigiles de l’Annonciation ( l’office de l’onction des malades, initialement prévu, est reporté au samedi 6 avril )  dimanche 24 : liturgie de la Fête

Avril :

samedi 6 :  office de l’onction des malades à 18h00, dimanche 7 : liturgie

mercredi 10 à 18h30 : lecture du canon de Saint André de Crête

samedi 20 : liturgie de Lazare (10h00), vigiles des Rameaux (18h00),

dimanche 21 : dimanche des Rameaux (10h00)

jeudi 25 : offices du Jeudi saint (19h00)

vendredi 26 : offices du Vendredi saint (19h00)

samedi 27 : matines et liturgie de Pâques (20h30)

Mai :

samedi 11, dimanche 12

samedi 25, dimanche 26

Juin :

mercredi 5 : vêpres et liturgie de l’Ascension (18h30)

samedi 15 : vigiles,  dimanche 16 :  Pentecôte

samedi 29,  dimanche 30 : liturgie de clôture, suivie d’agapes.

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Dimanche du Pardon 2019   St Prix / Troyes Mt 6, 14-21

 Nous sommes arrivés à la fin de la période de préparation au carême. Les Evangiles des dimanches de Zachée, puis ceux des trois dimanches suivants et celui d’aujourd’hui, établissent une sorte de feuille de route pour le Grand carême qui commence ce soir. Pendant les semaines à venir de préparation à la fête de Pâques, l’Eglise nous appelle à mener la vie que nous devrions mener toute l’année, ce qui demanderait des efforts permanents. L’Eglise tient compte de notre faiblesse. C’est pour cette raison que les périodes de jeûne sont réparties sur toute l’année et chacune d’elles est suivie d’une période de semi-repos spirituel – « semi », car des efforts sont cependant toujours nécessaires.

Sans la Résurrection, « la prédication des apôtres (et de leurs successeurs) serait vide et vide serait notre foi » – est-il écrit dans la première épître de Saint Paul aux Corinthiens. Pâques est donc la Fête des fêtes. C’est pour cela que le Grand carême qui la précède est le plus strict.

Pendant ces quarante jours, suivis de la Semaine Sainte, nous sommes appelés à être aussi assoiffés de la Bonne nouvelle que Zachée, à essayer de réparer, comme lui, les erreurs que nous avons pu faire. Nous sommes appelés à reconnaître notre indignité avec humilité, comme le Publicain et à ne pas adopter l’orgueil du Pharisien. Pour que la reconnaissance de notre imperfection ne nous plonge pas dans le désespoir, le Christ évoque l’immense miséricorde divine dans Sa parabole de l’Enfant prodigue. Mais pour que nous ne comptions pas sur la seule miséricorde de Dieu, qui pardonne tout, et toujours, à celui qui se repent avec humilité, il nous a été rappelé dimanche dernier que nous serons jugés, et que certains subiront « le feu éternel qui a été préparé pour le diable et pour ses anges ». Cette prédiction effrayante incite à réfléchir. Pour éviter ce châtiment, il nous est aujourd’hui donné une recommandation incontournable, une recommandation figurant dans le Notre Père – « si nous pardonnons aux hommes leurs fautes, notre Père céleste nous pardonnera aussi ; mais si nous ne pardonnons pas aux hommes, notre Père, non plus, ne nous pardonnera pas nos fautes ». Dans cette prière qu’en théorie nous connaissons le mieux, il y a au moins deux points que nous avons une forte tendance à ignorer – il y est dit : « que Ta volonté soit faite ! » (et non la mienne), et « pardonne-nous nos offenses, comme nous pardonnons aussi à ceux qui nous ont offensés ». Le « nous » qui remplace le « je » rappelle que la recherche du salut est à la fois individuelle et collective. Toutes ces recommandations sont faites par le Christ dans les Evangiles.

Pour faciliter la tâche, l’Eglise, elle, recommande l’ascèse physique et spirituelle indissociables. Le jeûne le plus strict ne sert à rien, s’il n’est pas accompagné d’efforts dans le domaine spirituel. Et les efforts dans le domaine spirituel ont besoin du soutien apporté par un minimum de sobriété matérielle, de sobriété physique. Le jeûne n’est pas qu’alimentaire. Il s’agit de se libérer de tout ce qui rend dépendant, de tout ce qui éloigne de Dieu. Il s’agit de mettre au second plan la satisfaction de ce que l’on pense être des besoins, que ce soit dans le domaine alimentaire ou celui des distractions. Le jeûne et les cures de silence sont aussi proposés par des gens qui ne poursuivent pas de but spirituel, qu’ils soient médecins ou écologistes. Pour nous, la finalité est spirituelle – notre but est de nous rapprocher de Dieu et de notre prochain. Les restrictions rappellent à chaque instant que nous sommes en période de carême et devons revoir nos priorités. C’est en cela qu’elles nous aident. Elles ne sont jamais un but en soi.

Pour ce qui est de la pratique du jeûne et des restrictions alimentaires, que chacun se fixe des objectifs raisonnables. Un jeûne trop sévère peut mener à l’orgueil, s’il est réussi et s’il ne reste pas discret. Il peut mener à une forme de dégoût de soi et de désespoir si les chutes, inévitables, sont nombreuses.

           Bon carême à tous !

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Dimanche du Publicain et du Pharisien, Saint-Prix 17 février 2019

Nous sommes entrés hier soir dans la période de préparation au Grand-carême, qui, en fait, a commence dimanche dernier, le dimanche de Zachée. Qu’avons nous de commun avec Zachée, et pourquoi l’Eglise nous le présente-t-elle comme un modèle à suivre ? Qu’avons-nous de commun avec le Publicain et le Pharisien ?

Zachée est riche et sa richesse a pour origine son statut de collecteur d’impôts, en chef qui plus est, et donc de voleur aux yeux de tous ses contemporains. C’est en quelque sorte un pécheur par définition. Pour ce qui est du statut de pécheurs, nous entrons tous dans cette catégorie, que nous en soyons conscients, ou non – ce qui serait grave. Un certain nombre de saints moines, un certain nombre de Pères du désert qui ont mené des vies bien plus proches de l’idéal que les nôtres, ont demandé à Dieu de rallonger leur vie, parce qu’ils estimaient ne pas s’être suffisamment repentis. Eux, n’avaient pas la conscience tranquille, comme cela nous arrive trop souvent … Qu’il soit fidèle ou membre du clergé, tout homme est pécheur, tout homme est loin de la perfection à laquelle nous sommes tous appelés. Si nous avons la conscience tranquille, nous sommes dans l’erreur. Suivons donc l’exemple de Zachée, et prenons conscience de notre imperfection, sincèrement et sans concessions.

Mais l’exemple de Zachée est à suivre aussi pour sa soif de spiritualité. Ne craignant pas le ridicule, lui, le notable, court pour voir le Christ, alors qu’un notable se déplace sans précipitation. Et encore pire, comme un gamin, il monte sur un arbre pour mieux voir. Quels efforts fournissons-nous en général sur le plan religieux, et en particulier dans le domaine de la lecture des Ecritures pour comprendre le message du Christ ? Répondons-nous toujours spontanément à l’invitation qui nous est faite d’entrer au Royaume, le temps d’une liturgie ? Une tendance lourde, dans notre monde, parmi les pratiquants occasionnels et parmi ceux qui ne sont pas pratiquants du tout, mais se disent croyants, est d’affirmer qu’il est possible d’avoir un contact direct avec Dieu et de ne pas avoir besoin d’intermédiaires. C’est une justification un peu facile.

Pour le commun des mortels, l’Eglise, peut-être trop exigeante aux yeux de certains, parce qu’elle impose des règles, apporte une aide incontournable. Son enseignement, celui du Christ, ne peut être ignoré. L’Eglise est parfaite de par l’action de l’Esprit, même si ses membres ne le sont pas. Il ne faut pas prendre pour prétexte l’indignité de certains pour excuser la nôtre. Un baptême est toujours valide, même si le prêtre qui l’a célébré est indigne. Et l’on peut se poser la question de notre propre dignité. Qui peut vraiment prétendre être digne de communier ? Personne. Heureusement, le Christ est venu sauver les pécheurs, restés humbles, les pécheurs conscients de leur état, comme le Publicain, et non ceux qui se prétendent justes, comme le Pharisien, parce qu’ils estiment suivre les commandements de Dieu, et ceux de la synagogue, puis de l’Eglise. Est juste celui qui recherche en permanence la perfection à laquelle le Christ nous appelle. Il ressort de la lecture des Evangiles et des épîtres que nous serons jugés moins sur nos résultats, car ils seront toujours insuffisants, que sur notre persévérance dans nos efforts.

N’oublions jamais que la recherche du salut est à la fois individuelle et collective, en Eglise. Et nous sommes responsables de nous-mêmes, mais aussi de notre prochain. Le péché est contagieux. La colère de l’un entraîne celle de l’autre, le péché de l’un entraîne le jugement de l’autre, or le jugement est un péché gravissime. Nous serons jugés en fonction de la façon dont nous avons jugé notre prochain. L’idée de responsabilité traverse toute l’œuvre de Dostoïevsky, pour qui elle est une évidence. Nous sommes tous responsables, y compris de ce qui a été fait par d’autres, même si nous ne sommes pas toujours coupables.

Seuls, nous ne pouvons rien. Nous avons besoin du soutien de l’Esprit, ne serait-ce que par le biais des sacrements dispensés dans le cadre de l’Eglise. Les efforts fournis porteront d’autant plus de fruits que nous serons soutenus par l’Esprit.

N’imitons pas ceux qui, influencés par le Malin pensent pouvoir obtenir le salut en dehors de l’Eglise, s’appuyant sur l’affirmation de l’apôtre Paul selon laquelle « seront sauvés les païens qui, sans avoir de loi, font naturellement ce qu’ordonne la loi ». Nous ne sommes pas des païens, puisque notre baptême nous a fait entrer dans l’Eglise.

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