Dimanche des néo-martyrs russes du 20-ème siècle St. Prix 27/01/19 Lc 21, 12-19 Rm 8, 28-39

« Heureux ceux qui sont persécutés pour la justice : le Royaume des cieux est à eux. Heureux êtes-vous lorsque l’on vous insulte, que l’on vous persécute et que l’on dit faussement contre vous toute sorte de mal à cause de Moi. Soyez dans la joie et l’allégresse, car votre récompense est grande dans les cieux » – est-il chanté dans les Béatitudes que vous entendez aux liturgies dominicales. La récompense est l’entrée au Royaume, car le martyre efface tous les péchés, entrée dont on dit qu’elle est étroite.

Commençons par définir ce qu’est le martyre. A l’origine, le mot signifie « témoignage ». Le martyr est celui qui accepte les souffrances de tous ordres, parfois jusqu’à la mort, pour avoir témoigné de sa foi, ne serait-ce que par la vie qu’il mène. Des chrétiens ont subi le martyre à toutes les époques et continuent de le subir au Moyen-Orient. Numériquement, c’est le 20-ème siècle qui a battu tous les records. Cela a commencé avec le génocide arménien perpétré par les Turcs entre 1914 et 1923. L’on estime qu’environ 1 200 000 Arméniens et 200 000 Grecs ont été exécutés ou sont morts de faim dans l’Empire ottoman. Pour ce qui est des seuls orthodoxes, au cours de la seconde guerre mondiale, les Serbes et leurs enfants étaient repérés par les oustachis croates qui leur demandaient de faire le signe de croix – s’ils le faisaient spontanément de droite à gauche, l’exécution était immédiate.

Mais nous commémorons aujourd’hui tous les néo-martyrs russes du 20-ème siècle, qu’il est quasiment impossible de recenser, vu l’ampleur des répressions du régime communiste, dont le but était d’éradiquer tout sentiment religieux dans la population de l’Union Soviétique. L’Eglise russe a réussi à établir en 2008 une première liste de 31 000 personnes, et il s’en découvre depuis, entre 1500 et 2000 par an. Il est moins difficile de dénombrer les martyrs, membres du clergé. Cela se complique pour ce qui est des laïcs. Le nombre des néo-martyrs de l’Eglise russe, clercs et laïcs s’élèverait à plus de 500 000 victimes, exécutées après un jugement sommaire ou mortes en camps. Et l’on ne compte pas ceux qui ont survécu, malgré la prison ou les camps, et ceux dont la vie a été un cauchemar – soit parce qu’ils ont du cacher leur foi pour préserver leurs proches, soit parce que leur foi a été découverte par des voisins mal intentionnés et a été suivie de brimades quand les persécutions se sont « adoucies ». Dans quelle catégorie mettre, par exemple, le prêtre de l’église du village de Yamkino, rencontré il y a une 20-aine d’années, qui avait été envoyé dans un camp où les détenus nettoyaient les cuves des sous-marins et bateaux à propulsion nucléaire et a survécu par miracle aux radiations ?

Dans son épître aux Romains, l’apôtre Paul annonce aux chrétiens de Rome qu’ils connaîtront « la détresse, l’angoisse, la persécution, la faim, le dénuement, le danger, et le glaive », c’est-à-dire la torture et la mort ».

Les paroles du Christ rapportées dans l’Evangile de Luc d’aujourd’hui vont dans le même sens – il est dit que ceux qui Le suivront « seront persécutés, (…) mis en prison » et que certains « seront même livrés par leurs pères, mères, frères, parents et amis et seront condamnés à mort ». C’est ce qui s’est passé en Union Soviétique pendant 70 ans, que ce soit pendant la Guerre civile et la période stalinienne, soit ensuite, de façon moins violente, mais tout aussi systématique, pendant la période Khroutchévienne.

Il ne nous est pas demandé de rechercher le martyre, ce serait une forme de perversion et d’orgueil, mais de l’accepter, si nous n’avons pas le choix. Il nous est demandé de témoigner de notre foi, ne serait-ce que par notre vie, sans craindre le regard narquois ou méprisant des autres, puisque de nos jours et en France, c’est la seule forme de persécution que nous risquons. Et le mot persécution est ici trop fort.

L’Eglise de Russie, malgré les insuffisances et l’imperfection de ses membres, mais qui sommes-nous pour les juger, est restée sainte et a été sauvée par le sang de ses martyrs que nous commémorons aujourd’hui. N’oublions jamais que la Croix, pour les non-chrétiens, comme pour nous, est le symbole du christianisme, et qu’au baptême il nous a été demandé de prendre exemple sur le Christ et de porter notre croix pour Le suivre, Lui le martyr des martyrs.

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Théophanie 2019 Saint-Prix

Nous fêtons aujourd’hui la Théophanie, le Baptême du Christ dans le Jourdain, l’une des douze grandes fêtes de l’Eglise orthodoxe. La nuit de Pâques, une des traditions veut que les célébrants revêtent une chasuble de couleur différente à chacune des 9 sorties, pendant le chant du canon des matines, quand le célébrant sort du sanctuaire pour encenser toute l’église. Chaque couleur symbolise une fête. Cette tradition met l’accent sur une constatation – la Résurrection du Christ a été précédée d’événements, sans lesquels la Résurrection n’aurait pu avoir lieu. Rien n’aurait été possible sans la Nativité de la Mère de Dieu, sans son acceptation de ce qui lui a été annoncé par l’archange Gabriel, acceptation que nous fêtons à l’Annonciation. Rien n’aurait été possible, sans la préparation spirituelle de la future Mère de Dieu, après sa Présentation au Temple de Jérusalem, et ainsi de suite. A ces fêtes correspondent des couleurs liturgiques qui leur sont propres.

L’Eglise fête tous ces événements positifs, mais Elle commémore également des événements qui le sont moins. La Résurrection a été précédée par la Passion du Christ, par Ses souffrances et Sa mort. Sa naissance a été suivie de l’exécution de 14 000 enfants, ordonnée par le roi Hérode. Le roi craignait d’être supplanté dans l’avenir par le Messie, dont les mages avaient annoncé la naissance. Ces enfants sont les premiers martyrs chrétiens, même s’ils sont des martyrs involontaires ; ils sont commémorés le 29 décembre, quatre jours après la Nativité.

Les esprits chagrins, les détracteurs du christianisme peuvent se servir de cet événement pour poser la question, habituelle – comment un Dieu bon peut-il tolérer le massacre d’enfants innocents, d’autant plus que ce massacre est une conséquence de la naissance du Christ ? Le problème du mal interpelle les chrétiens, au même titre que ceux qui ne le sont pas. L’explication serait que Dieu tolère le mal, parce qu’Il laisse l’homme libre de choisir entre le mal et le bien. Toute la difficulté pour l’homme est de faire preuve de discernement, et demander l’aide de l’Esprit, car pour brouiller les pistes, le Malin déguise souvent les mauvaises actions en bonnes. Si les mauvais étaient punis ici-bas, et les bons étaient récompensés en ce monde, il faudrait être stupide pour ne pas faire le bien. Ce ne serait alors qu’un calcul et nous ne serions bons que par intérêt et non parce que c’est ce que Dieu attend de nous. La foi ne serait alors plus la foi.

Il est aussi écrit dans les Evangiles « que l’homme ne doit pas s’inquiéter pour sa vie (…) que Dieu sait ce dont l’homme a besoin ». Le Christ ajoute qu’il faut « d’abord chercher le Royaume et que le reste sera donné par surcroît ». Là aussi, comme dans la question du mal, il faut une bonne dose de foi pour s’en convaincre.

Mais revenons au baptême du Christ que nous fêtons aujourd’hui. Les ablutions rituelles de purification étaient et restent courantes chez le Juifs. L’ablution, l’immersion dans le Jourdain proposée par Jean-le-Baptiste est d’un autre ordre. Ceux qui viennent à lui le font pour se laver de leurs péchés. Il est alors légitime de se poser une question – pour quelle raison, le Christ, parfait par essence, est-Il venu se plier à un rite de purification destiné à effacer les péchés du baptisé ? L’une des réponses est que le Christ, par Sa vie, nous a indiqué la voie à suivre. Et nous devons L’imiter autant que possible. Le péché, mis-à-part, Il est passé par toutes les épreuves auxquelles nous sommes confrontés. Il est né et a vécu en être humain à part entière. Il a été soumis à la tentation dans le désert. Il a eu faim, Il a eu soif. Il a éprouvé de la fatigue. Il a ressenti de la tristesse quand Son ami Lazare est mort. Il a éprouvé de l’angoisse avant de souffrir et mourir sur la Croix. Nous aussi sommes soumis à la tentation, mais, nous, nous y succombons. Et nous avons beaucoup de mal à supporter les épreuves.

Notre baptême, qui reproduit celui de Jean-Baptiste, a effacé nos péchés, mais pour tous les péchés commis après le baptême, nous sommes appelés à le renouveler au moyen de la confession, en particulier pendant le Grand carême qui pointe à l’horizon. Chaque fête est un jalon qui nous aide à avancer dans la voie qui mène au Royaume.

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Ephésiens 6, 10-17 2 décembre 2018

         Les deux derniers chapitres de l’épître de Saint Paul aux Ephésiens, dont la lecture intégrale s’achève aujourd’hui, ressemblent à des dernières recommandations de quelqu’un qui arrive au terme de sa vie. Il demande aux chrétiens d’Ephèse d’être « bons les uns pour les autres », d’éviter « les propos grossiers, stupides ou scabreux », de « ne pas s’associer aux œuvres stériles des ténèbres », c’est-à dire aux œuvres inspirées par le Malin. Plus curieusement, il enjoint « ses lecteurs à ne pas s’enivrer ». C’est également au chapitre 5, l’avant-dernier de l’épître, que l’apôtre évoque le mariage dans un paragraphe qui est repris à chaque cérémonie de mariage et, de nos jours, suscite, à tort, au minimum un sourire narquois, au pire – le rejet.

         Quand Saint Paul demande aux épouses « d’être soumises en tout à leur mari et de le craindre » (selon les traductions), cela demande une explication. Une réflexion plus profonde fait disparaître le sourire des fidèles de sexe masculin. En premier lieu, le mot « craindre », dans ce contexte signifie « respecter ». Et lorsque l’apôtre compare les relations entre le mari et la femme avec celles du Christ et de Son Eglise, les hommes ont tendance à ne retenir que l’idée de soumission. Or l’Eglise se soumet librement et volontairement au Christ qui, Lui, est parfait. La femme est donc appelée à se soumettre librement et volontairement à son mari, à condition qu’il soit proche de la perfection. Cela relativise singulièrement la recommandation de Saint Paul. Enivrée et confortée par la phrase qui évoque la soumission, la gent masculine oublie aussi que l’apôtre recommande aux maris « d’aimer leur femme, comme le Christ aime l’Eglise ».

        Venons-en maintenant à l’avant-dernier paragraphe de l’épître, celui qui vient d’être lu. Comment s’opposer, comment résister « avec fermeté aux princes du monde des ténèbres », c’est-à-dire aux forces du Malin ? Saint Paul utilise l’image du guerrier qui revêt « l’armure de Dieu, une cuirasse de justice et le casque du salut », après avoir serré « la ceinture de vérité, mis des chaussures (qui symbolisent la propagation de l’Evangile) et s’être muni du glaive de l’Esprit et du bouclier de la foi ».

         Le moins que l’on puisse dire est que l’image est complexe, hardie et demande beaucoup d’attention pour en comprendre le sens. L’image est guerrière, parce que le combat spirituel exige de grands efforts, surtout lorsque l’on vit en milieu protégé, comme c’est le cas pour nous. Le combat spirituel des chrétiens d’Orient est matérialisé par les agressions physiques qu’ils subissent. Leur foi est violemment mise à l’épreuve, pourtant ils ne disent pas que Dieu les a abandonnés – le prêtre copte orthodoxe de la paroisse de Deuil-la-Barre, qui a déjà été cité ici, va jusqu’à dire que l’Eglise est, en fait, renforcée par le sang de ses martyrs.

      Pour nous, les attaques des Forces du Malin sont plus pernicieuses. Nous ne sommes pas menacés physiquement. Le Malin agit autrement, par le biais du confort intellectuel et matériel qui nous anesthésie sur le plan spirituel. Le but du chrétien est d’obtenir le salut. La voie indiquée par Saint Paul est la connaissance des Ecritures, avec comme finalité la recherche de la Vérité. C’est là qu’intervient l’Esprit ; sans Son aide, il est impossible d’avoir la foi qui, elle, servira de rempart contre les attaques des forces du Malin. Et la foi sous-entend la mise en pratique de l’enseignement du Christ dans la vie. C’est ce que les mouvements de jeunesse orthodoxe russe, au sein de l’émigration, ont appelé l’ecclésialisation de la vie, dès le début du 20-ème siècle. Or, nous avons bien du mal à résister aux tentations que sont les loisirs et occupations de tous ordres, que nous avons trop tendance à déguiser en obligations et qui nous éloignent de Dieu.

         L’objectif de l’ecclésialisation de la vie est plus que jamais d’actualité. C’est un bon sujet de réflexion en cette période d’ascèse qu’est l’Avent : la préparation à Noël n’est pas seulement un calendrier rempli de chocolats qui ravit les enfants. Entre rigorisme vain, et contre-productif, et laxisme, essayons de trouver la voie étroite, mais juste.

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Lc 10, 25-37 Ep 4, 1-6 début du jeûne de la Nativité Saint-Prix 18 nov. 2018

         La lecture d’aujourd’hui, extraite de l’épître de Saint Paul aux Ephésiens, est courte mais essentielle. Elle semble interpeller nos hiérarchies et est transmise en écho par toutes les Eglises-sœurs orthodoxes. Saint Paul exhorte les chrétiens d’Ephèse à « entretenir des relations d’amour entre eux et à s’appliquer à garder l’unité de l’esprit par le lien de la paix ». Et au cas où les Ephésiens, ou nous-mêmes, n’aurions pas compris le message, l’apôtre ajoute « qu’il y a un seul corps et un seul Esprit, (…) un seul Seigneur, une seule foi, un seul baptême ; un seul Dieu et Père de tous qui règne sur tous, agit par tous, et demeure en tous ».

         Dans le 2-ème chapitre de l’épître aux Romains l’apôtre Paul complète, en quelque sorte, la parabole du bon Samaritain que vous venez d’entendre. Les païens, affirme l’apôtre, « seront sauvés, s’ils se comportent, comme les chrétiens devraient le faire. Les Samaritains n’étaient pas mieux considérés que les païens dans le monde juif de l’époque. Ils l’étaient même plus mal, car du point de vue du judaïsme, ils étaient hérétiques. C’est pourtant le Samaritain que le Christ désigne, comme le personnage positif de la parabole, et non le prêtre et le lévite qui n’ont pas obéi aux recommandations, faites dans ce que nous appelons l’Ancien testament.

         Transposons maintenant cette parabole à notre époque. Il nous est demandé, comme aux Juifs, d’aimer Dieu et notre prochain. Nos Samaritains sont les incroyants athées ou agnostiques, ou les fidèles d’autres religions. Il y a parmi eux des personnes qui se dévouent corps et âme pour le bien d’autrui, qui défendent les faibles, qui viennent en aide aux démunis, qui accordent même parfois la priorité à ce que nous appelons le prochain.

         Notre statut de chrétiens, notre baptême ne nous garantissent pas automatiquement le salut, si notre baptême et notre foi ne sont pas suivis, ne sont pas concrétisés par notre amour du prochain, si comme le lévite ou le prêtre de la parabole, nous détournons la tête quand notre prochain a besoin de nous. Sans l’amour du prochain, l’amour de Dieu n’est qu’hypocrisie. Cela dit, il est question du Bon Samaritain, ce qui signifie qu’ils ne le sont pas tous. Mais il en va de même pour les chrétiens. Et là, la situation se complique, car le chrétien pratiquant, celui qui fréquente l’Eglise, qui écoute son enseignement et lit les Ecritures, se met sciemment en contravention avec l’enseignement du Christ, s’il n’aime pas son prochain. Il est censé avoir assimilé cet enseignement, il est censé le concrétiser dans sa vie de tous les jours. S’il ne le fait pas, le chrétien qui s’affiche comme tel, le chrétien qui est appelé à être le sel de la terre, devient alors un contre-modèle et un repoussoir. C’est une grande responsabilité.

         Mais la pratique de l’amour du prochain est, ou devrait être complétée, pour les chrétiens, par l’amour de Dieu et sa manifestation par la communion aux Saintes Espèces, et donc la fréquentation des offices. La participation à la liturgie est une priorité. Si, par bonheur, nous parvenons à accorder la priorité à notre prochain et dans le même temps, fréquentons l’église, n’oublions jamais que le mérite en revient à l’Esprit. C’est cela l’humilité à laquelle nous sommes également appelés.

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Ep 2, 4-10   Lc 8, 26-39 Saint-Prix 4 novembre 2018

         Le récit de la guérison du possédé Géranésien semble ne pas nous concerner directement. Nous ne nous promenons pas nus, comme le possédé, nous ne vivons pas plus entre les tombes, dans un cimetière, et même s’il nous arrive de nous mettre en colère, ce n’est jamais au point qu’il faille nous enchaîner pour nous calmer. Il nous est donc difficile de nous identifier à cet homme qui vivait à l’est du lac de Galilée. Nous avons cependant un certain nombre de points communs avec lui. La vue du Christ dérange profondément le possédé qui Lui demande de ne pas le tourmenter. Lorsque nous lisons les Ecritures, lorsque des passages des Evangiles remettent en question notre mode de vie, nous sommes dans la situation du possédé à qui Dieu S’adresse directement. Nous avons le choix – nous pouvons L’écouter et nous convertir, c’est-à-dire nous tourner vers Lui, mais nous pouvons aussi nous détourner de Lui et ignorer le message reçu.

         Quand le possédé répond à la question du Christ lui demandant qui il est – il dit que son nom est Légion, car de nombreux démons sont entrés en lui. Il est conscient de son état. De quoi est-il question ? Il est question de ce que les Pères de l’Eglise appellent les passions, là où les Occidentaux parlent de péchés capitaux. Ce sont les passions qui nous éloignent de Dieu. Les passions sont suggérées par le Malin qui les présente de façon séduisante. Il nous fait baisser la garde. Les passions deviennent alors anodines et nous pouvons penser que succomber à certaines tentations ne prête pas vraiment à conséquence. Prenons l’avarice que les pères appellent la philargirie. Nous ne sommes pas avares comme le personnage principal de la pièce de Molière, mais sommes-nous vraiment prêts à partager ce que nous avons reçu de Dieu avec ceux qui en auraient besoin – nos biens matériels, comme les biens immatériels que sont les dons physiques, artistiques ou intellectuels, ou même tout simplement notre temps ?

            Quant à l’orgueil qui est la source de toutes les autres passions, sommes-nous conscients de ses multiples manifestations ? Quand, sans même penser que nous serions les meilleurs, nous portons un jugement sur notre prochain, c’est déjà une manifestation de l’orgueil. Et le Malin nous incite à nous trouver alors toutes sortes de circonstances atténuantes, plus nombreuses les unes que les autres. En bons chrétiens, nous voudrions le bien de notre prochain en le corrigeant. Nous pouvons porter des jugements sévères sur autrui, et dans le même temps, rester aveugles en ce qui nous concerne. Nous sommes beaucoup plus tolérants quand il s’agit de notre propre situation spirituelle. Les manifestations de l’orgueil sont extrêmement nombreuses et souvent difficiles à déceler, surtout chez soi.

          Lorsque nous refusons de voir nos péchés, quand nous refusons de lutter contre eux, parce que nous vivons très bien comme cela, sans que cela nous dérange, nous reproduisons l’attitude des Géranésiens. Lutter contre les passions est tout sauf agréable, tout sauf confortable. Il est difficile de changer son mode de vie. Et le Christ n’a pas caché que la voie qui menait au salut était étroite et demandait des efforts soutenus et permanents. Le jour du baptême il est dit au baptisé qu’il doit prendre sa croix pour suivre le Christ. Nous sommes avertis. La lutte contre les passions est une des croix que nous sommes appelés à porter. Les Géranésiens ont demandé au Christ de quitter leur ville pour préserver leur confort personnel. C’est ce que nous reproduisons quand nous sommes dans le déni et refusons de voir les passions qui nous assaillent, parce que cela nous dérange, parce que cela met à mal notre confort spirituel.

             Commençons donc par faire honnêtement un état des lieux. L’on ne peut trouver de traitement à une maladie, y compris spirituelle, que lorsque on a conscience d’être malade. Demandons ensuite l’aide de l’Esprit, car seuls, sans l’aide de Dieu, nous ne pouvons obtenir notre guérison. C’est l’humilité que Dieu attend de nous. C’est le début du chemin. Et si notre prière est entendue, sachons que ce n’est qu’une rémission, car rien n’est acquis définitivement.

Mais restons optimistes et gardons à l’esprit une sentence que Saint Isaac le Syrien a emprunté à un Père de l’Eglise dont il ne cite pas le nom : « Un de nos pères, dit-on, ne faisait consister sa prière pendant quarante jours qu’en une seule phrase : « j’ai péché en tant qu’homme, pardonne-moi en tant que Dieu ».

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Saint-Prix oct. 2018 Ga. 2, 16-20 Lc 8, 5-15

            Saint Paul s’adresse aux Galates, païens avant que Paul ne les convertisse au christianisme. La Galatie était une province de l’actuelle Turquie centrale. Après la résurrection du Christ, les apôtres avaient décidé, à une assemblée à Jérusalem, que les chrétiens venant de milieux païens n’avaient pas à suivre les prescriptions alimentaires et autres, du judaïsme. Ces prescriptions concernaient l’interdiction de consommer des aliments catalogués comme impurs, les ablutions rituelles et la circoncision des enfants de sexe masculin. La Loi juive comprend 613 commandements – 248 commandements positifs et 365 commandements négatifs.

         Saint Paul rappelle à l’ordre les Galates, tentés d’observer ces règles, influencés par des chrétiens issus du judaïsme, qui essaient de les imposer. « Nous savons, – écrit-il, que l’homme n’est pas justifié par les œuvres de la Loi, mais seulement par la foi du Christ ». Et l’apôtre Paul est allé jusqu’à reprocher à Saint Pierre d’avoir tenu un double langage à ce sujet, par crainte des judaïsants.

         Nous faisons souvent un contresens en interprétant mal la distinction entre la foi et les œuvres, en pensant que les œuvres sont secondaires. L’apôtre Paul condamne les œuvres accomplies de façon mécanique, parce qu’il le faut, parce que c’est écrit et non par élan du cœur. Ces œuvres peuvent être sources d’orgueil et ne sont en aucun cas un visa automatique d’entrée au Royaume. La charité et les règles prescrites par la Loi du judaïsme ne sont agréables à Dieu que si elles prennent leur source dans l’amour du prochain et ne se résument pas à une simple obéissance automatique à la règle. Mais évitons de condamner les Juifs – l’amour du prochain est aussi une règle qui leur est prescrite. Il est écrit dans le Lévitique, au chapitre 19 : « Tu aimeras ton prochain comme toi-même ». Dans de nombreux passages de la Bible, il est demandé aux Hébreux de traiter les émigrés avec respect, parce que eux-mêmes ont aussi été des émigrés en Egypte.

         L’apôtre et évangéliste Jean est très explicite – « celui qui n’aime pas son frère qu’il voit – écrit-il dans sa première épître, ne peut aimer Dieu qu’il ne voit pas. (…) Celui qui aime Dieu, qu’il aime aussi son frère ». Et l’apôtre Jacques ajoute dans son épître que « la foi est inopérante sans les œuvres (…) de même que sans souffle, le corps est mort, de même, sans œuvres, la foi est morte ».

         Cela veut dire que la foi seule est insuffisante – les démons croient aussi en Dieu, puisqu’ils Le combattent, mais ils sont source de mal. Le chrétien qui a la foi, et la met en pratique dans sa relation avec son prochain, fait œuvre de bien. Au cas où l’on voudrait opposer Saint Paul à L’évangéliste Jean et à l’apôtre Jacques, il convient de relire l’épître aux Romains où il est dit qu’un païen qui se comporte comme un chrétien devrait le faire, sera justifié.

         Les pharisiens étaient des Juifs qui observaient strictement la Loi. Saint Paul l’était avant sa conversion. Le Christ, Lui aussi Se situait dans cette mouvance. Les pharisiens condamnés dans les Evangiles sont ceux qui privilégiaient la loi au détriment de l’amour du prochain. Nous-mêmes ne sommes pas à l’abri de ce type de pharisianisme. Tout cela ne signifie pas que nous n’avons pas besoin de suivre des règles, mais qu’elles ne peuvent remplacer l’amour du prochain et donc de Dieu.

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18-ème dimanche après la Pentecôte 2 Co 9, 6-11 Lc 5, 1-11 1 Co 16, 13-24 Mt 24, 42-47

         La lecture de l’apôtre d’aujourd’hui peut être reçue à deux niveaux. Chacun d’entre eux est source d’enseignement. Le premier niveau est historique, le second est hors du temps.

         Nous avons tendance à idéaliser le temps des premiers chrétiens, et généralement le passé – tout aurait été mieux avant. Les relations entre l’apôtre Paul et les chrétiens de Corinthe rompent cette image idyllique. En plus des problèmes de personnes et des accusations portées contre lui, Saint Paul appelle les chrétiens de la communauté de Corinthe a suivre l’exemple des Eglises de Macédoine, qui malgré leur pauvreté ont apporté une aide, au-delà de leurs moyens, pour venir au secours de la communauté de Jérusalem. Les chrétiens de Corinthe faisant preuve de moins de générosité se voient incités à fournir des efforts. L’aide matérielle apportée par des communautés aisées, et encore plus par des églises aux moyens plus modestes, à des communautés moins bien loties doit servir d’exemple pour que les témoins de cette générosité louent Dieu. Cette aide matérielle était aussi un moyen de montrer aux chrétiens disséminés dans le monde qu’ils faisaient partie à la fois d’une Eglise locale, mais aussi de l’Eglise universelle, dont chacune des composantes a des devoirs envers les autres.

         L’apôtre Paul met l’accent sur l’aspect matériel de la pratique de l’amour du prochain, sur le partage des richesses quand on dispose soi-même du nécessaire. Il met l’accent sur les œuvres, dans un faux conflit entre les œuvres et la foi en réalité indissociables.

             Nous sommes appelés à aimer Dieu et notre prochain, c’est-à-dire à leur accorder la priorité, alors que nous avons tendance à nous accorder cette priorité. Dans le Décalogue, deux commandements se complètent – nous devons aimer d’abord Dieu, puis notre prochain comme nous-mêmes. C’est l’idéal. L’évangéliste Jean, conscient de notre faiblesse et de nos insuffisances, inverse les priorités, d’une certaine façon, dans sa première épître. « Celui qui n’aime pas son frère qu’il voit, ne peut aimer Dieu qu’il ne voit pas ». « Celui qui aime Dieu, qu’il aime aussi son frère » – écrit-il. Nous ne pouvons prétendre aimer Dieu si nous n’accordons pas la priorité à notre prochain. Commençons donc par aimer notre prochain. Et si nous aimons notre prochain, mais ignorons Dieu – de notre point de vue de chrétiens, il manquera l’essentiel. Cela pourrait sembler être une forme de condamnation des athées et des agnostiques. Pour que nous ne succombions pas à cette tentation, l’apôtre Paul affirme dans son épître aux Romains que si des païens se comportent comme les chrétiens devraient le faire, ils seront justifiés. Cela remet les choses à leur place et devrait nous inciter à faire notre examen de conscience.

              Pour ce qui est du second niveau de lecture de l’épître d’aujourd’hui, celui qui est hors du temps, nous sommes appelés à faire preuve de générosité à l’égard de notre prochain et, pas seulement à l’égard des chrétiens. Notre prochain, c’est celui qui a besoin de nous sur les plans matériel, humain ou même spirituel, même si cette aide vient troubler notre confort dans ces trois domaines. « Toute grâce et tout don parfait viennent d’en-haut, du Père des lumières » est-il dit dans la prière devant l’ambon, à la fin de la liturgie. La phrase est reprise du premier chapitre de l’épître de l’apôtre Jacques qui parle de « tout don de valeur et tout cadeau parfait ».

           L’apôtre Paul est très explicite – « que chacun donne selon la décision de son cœur, sans chagrin, ni contrainte, car Dieu aime celui qui donne avec joie ». L’on peut donner son temps, son amour et partager ses biens matériels et intellectuels. Tout est dit.

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Saint-Prix le 7 octobre

         Par le biais du calendrier liturgique, l’Eglise propose des lectures systématiques du Nouveau testament – des extraits des Evangiles, des Actes des apôtres et des épîtres pour chaque jour de l’année. La lecture de la deuxième épître de Saint Paul aux Corinthiens a commencé le 2 août, et s’est étalée sur deux mois, avec la lecture d’extraits intercalés d’autres épîtres. Elle s’achève aujourd’hui.

         Cette seconde épître de Saint Paul aux Corinthiens détruit plusieurs idées fausses, plusieurs mythes. Nous avons tous, ou presque tous, tendance à idéaliser le passé. L’un de ces mythes est que les premiers chrétiens étaient proches de la perfection et qu’ils étaient bien meilleurs que nous. Certains l’étaient, mais il serait plus juste de dire que dans leur grande majorité, ils n’étaient ni meilleurs, ni pires que nous. Contrairement aux sciences qui évoluent et ne cessent de progresser, la spiritualité, elle, est à conquérir par chacun, et rien n’est jamais acquis définitivement. Chacun part de zéro, les premiers chrétiens, comme nous. L’expérience de ceux qui nous ont précédés peut nous aider, mais ne peut remplacer nos efforts.

            Les Corinthiens sont entrés en conflit avec l’apôtre Paul pour des questions de personnes, nous dirions des problèmes d’ego. Certains d’entre eux sont allés jusqu’à contester la légitimité de celui qui avait pourtant fondé leur communauté. Ils l’ont blessé et humilié. L’apôtre essaie de rétablir une relation de confiance mutuelle. De plus, alors qu’ils avaient été invités à participer à la collecte de fonds pour la communauté de Jérusalem, confrontée à d’importants problèmes matériels, les Corinthiens n’ont pas suivi l’exemple des chrétiens de Macédoine qui, eux, se sont montrés très généreux, malgré leur pauvreté. L’on est loin de l’image idyllique que l’on se fait des premiers chrétiens.

          L’autre mythe que détruit l’apôtre Paul est celui de la sainteté synonyme de perfection dans l’acception moderne du mot. Les chrétiens de la mouvance protestante refusent la notion de sainteté, qui dans la langue courante est quasiment assimilée à la perfection, alors qu’aux premiers temps du christianisme, le mot « saint » désignait tout chrétien, puisque ce mot signifie à l’origine « qui appartient à Dieu ». Dans l’extrait de l’épître lu aujourd’hui, Saint Paul évoque sa conversion survenue sur le chemin de Damas, quand dans une lumière éblouissante, le Christ S’est manifesté à lui et lui a fait des révélations. Cet événement est rapporté aussi par l’évangéliste Luc dans les Actes des apôtres. 14 ans après sa conversion, l’apôtre Paul revendique sa légitimité en rappelant aux Corinthiens d’où il tient cette légitimité, mais il n’en tire aucune gloire. Ces révélations lui ont été faites malgré son imperfection : conscient de cette imperfection, il a demandé au Christ de le protéger des assauts des forces du Malin. Il lui a été répondu que « cette écharde dans sa chair », c’est-à-dire la faiblesse spirituelle dont il était victime, cette faiblesse était tolérée par le Christ pour éviter à l’apôtre de succomber à la tentation de l’orgueil. Un saint n’est jamais parfait, même s’il est plus proche de la perfection que nous ne le sommes. Dans le Notre Père, nous demandons à Dieu de ne pas nous laisser succomber à la tentation. En fait, nous demandons Son soutien pour réussir à résister à la tentation. Si Dieu nous évitait toute tentation, ou nous empêchait d’y succomber, notre liberté de choix ne serait pas respectée. Or Dieu nous laisse libres.

         L’apôtre Paul a peur de lui-même, il a peur de succomber à on ne sait quelle tentation, mais il lui est répondu aussi que la grâce de Dieu est suffisante pour compenser la faiblesse de Paul et l’empêcher de sombrer dans l’orgueil. L’apôtre conclut que c’est lorsqu’il est faible qu’il est fort, parce qu’il est soutenu par la grâce, qui lui est d’autant plus accordée, qu’il est humble. Nous aussi sommes faibles, ayons une foi suffisante en la grâce. Saint Isaac le Syrien ne dit rien d’autre quand il affirme que toutes nos fautes, toutes nos transgressions ne sont qu’une poignée de sable jetée dans l’océan de la miséricorde de Dieu. Mais cela ne doit jamais être un prétexte pour cesser de fournir des efforts.

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Liturgie intégrant un baptême – 23 septembre 2018

Nous venons de baptiser Alexis.Les vêtements liturgiques sont donc aujourd’hui de couleur blanche en raison du baptême. Ils sont aussi de couleur blanche à Noël, à la Théophanie, à l’Ascension et la Transfiguration, car le blanc symbolise la lumière Divine qui sanctifie, purifie et transfigure la Création. Le blanc est aussi la couleur de l’office des funérailles, parce que le défunt passe dans un monde meilleur et c’est aussi la couleur des matines de Pâques, rappelant la lumière émanant du Tombeau vide.

Il était impensable que ce baptême soit célébré hors d’une liturgie. Le baptême intégré à la liturgie devrait être la règle. Un baptême – office privé, est une dérive et une concession. Nous le pratiquons pour des familles qui sont peu ou pas du tout ecclésialisées, avec l’espoir qu’elles évolueront et retrouveront ou trouveront le chemin de l’Eglise. Mais ce sacrement n’est pas seulement l’affaire d’une famille élargie aux amis, c’est l’affaire d’une communauté qui accueille le nouveau baptisé.

Le choix de baptiser un enfant est sérieux, c’est à la fois un engagement et une adhésion. Le baptême fait entrer celui qui est baptisé dans l’Eglise et quand l’enfant est trop jeune pour comprendre ce qui se passe, ses répondants, le parrain et la marraine, et ses parents s’engagent à sa place. Ils s’engagent également à lui assurer une éducation chrétienne.

Le futur baptisé est partiellement déshabillé, pour symboliser le dépouillement de la vie passée, même courte pour un bébé. Le célébrant exorcise le catéchumène et chasse les forces du Malin – «  qui se cachent et se tapissent dans son cœur ». Celui qui va être baptisé renonce à Satan, personnellement, ou par la bouche d’un de ses répondants, s’il est trop jeune, et il adhère à la foi en prononçant les paroles du credo, du symbole de la foi.

La triple immersion symbolise la mort de l’homme ancien et sa résurrection en un être nouveau. Une signification supplémentaire est proposée par le p. Marc-Antoine de la métropole roumaine en France : « la triple et totale immersion dans l’eau baptismale signifie (aussi) la totale immersion dans la Parole de Dieu. L’on chante – « vous tous qui avez été baptisés en Christ, vous avez revêtu le Christ ». Le Christ est le Verbe incarné, c’est-à-dire la Parole et la pensée du Père. Le fait d’avoir été immergé en Christ et de L’avoir revêtu donne accès à la chrismation, à la réception de l’Esprit ». Saint Séraphin de Sarov nous a enseigné que le but de la vie du chrétien était l’acquisition de l’Esprit. Mais cette acquisition est conditionnée par notre imprégnation par la Parole, par la communion aux Saintes Espèces et par les œuvres de notre foi. Et sans l’amour du prochain l’acquisition de l’Esprit est impossible.

L’imprégnation par la Parole suppose, une lecture régulière des Ecritures qui ne doit pas être qu’intellectuelle. Pour un petit enfant, la lecture est remplacée par les offices qui sont des leçons de théologie et par la vie de paroisse. L’imprégnation a un un impact sur notre vie. La communion complète l’imprégnation « intellectuelle » par l’imprégnation physique.

 Le baptême lave provisoirement l’adulte de tous ses péchés. A lui de renouveler cette pureté retrouvée à chaque confession des péchés et de la consolider par la communion. L’enfant, lui, est appelé à faire de même à partir du moment où il comprend ce qu’est un péché et a pris conscience de son état de pécheur. Il est, en attendant, admis à la communion.

Ce n’est pas rendre service à un enfant de le baptiser, si son baptême n’est pas suivi de son ecclésialisation, de sa vie en Eglise. Le baptême est une première étape. Il est suivi de nombreuses autres étapes. Il n’a pas d’effet magique, ses effets positifs ne sont acquis que s’ils sont vraiment acceptés par le baptisé et confortés par une recherche permanente de la perfection, même si nous savons qu’elle ne sera jamais atteinte. Chaque baptême dont nous sommes les témoins nous concerne. Il nous replace face à nos propres obligations et nous incite à faire un examen de conscience quant aux engagements pris lors de notre baptême.

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Liturgie de rentrée, Saint-Prix, le 16-09-2018

Nous allons célébrer, tout à l’heure, les vêpres de la Création qui auraient dû être célébrées le vendredi 31 août au soir, puisque le 1-er septembre est le Nouvel an ecclésial et également la fête de la Création, instituée en 1989 par le Patriarche Dimitrios de Constantinople. Le principe de cette fête a été adopté par l’ensemble des Eglises orthodoxes au cours d’une synaxe, c’est-à-dire d’une assemblée des primats de toutes les Eglises orthodoxes, qui s’est tenue du 10 au 12 octobre 2008 au siège du Patriarcat Œcuménique à Istanbul.

Les motivations de cette initiative ont été développées par le Patriarche Dimitrios dans son message sur la journée de protection de l’environnement, en date du 1-er septembre 1989, dont voici le texte résumé :

« (Le Patriarchat œcuménique), gardien et témoin de l’esprit séculaire de la tradition patristique, et interprète fidèle de l’expérience eucharistique et liturgique de l’Église orthodoxe, suit avec une grande angoisse la destruction brutale et impitoyable, menée de nos jours par l’homme, de son environnement naturel, avec des conséquences très dangereuses pour la survie du monde créé par Dieu.

Cet emploi abusif par l’homme contemporain de sa position privilégiée dans la création et du commandement que Dieu lui a donné de «dominer la terre» (Genèse 1,28) a déjà mené le monde au bord de l’autodestruction apocalyptique,
 soit sous forme de pollution de la nature, dangereuse pour tous les êtres vivants, soit comme extermination d’un grand nombre d’espèces animales et végétales. (…) Des hommes de science, et d’autres serviteurs de l’esprit, actionnent déjà le signal d’alarme et évoquent des phénomènes qui menacent la vie de notre planète, tel « l’effet de serre », dont on a déjà constaté les signes avant-coureurs.

Face à une telle situation, l’Église du Christ ne peut rester indifférente. C’est un dogme fondamental de notre foi que le monde a été créé par Dieu le Père, confessé dans le credo de notre foi comme « Créateur du ciel et de la terre, de toutes choses visibles et invisibles ». L’homme, selon les pères de l’Église, est le prince de la création, jouissant du privilège de la liberté. Il participe du monde matériel et du monde spirituel. Comme tel, il a été créé dans le but d’élever la création vers son Créateur afin qu’elle puisse être sauvée de l’anéantissement et de la mort.

Cette noble destinée de l’homme a été accomplie, après l’échec et la chute du premier Adam, par le «dernier Adam», le Fils et Verbe de Dieu devenu homme, notre Seigneur Jésus-Christ, qui a uni en Sa personne le monde créé et le Dieu incréé et qui continue de le faire en présentant au Père le monde, telle une éternelle offrande eucharistique. A chaque divine liturgie, l’Église perpétue cette offrande sous forme 
de pain et de vin, éléments de la création matérielle. Et, de cette manière, elle manifeste continuellement que l’homme n’est pas destiné à dominer le créé comme s’il en était le propriétaire, mais à agir comme une sorte de prêtre et de gérant de la création, la cultivant dans l’amour et l’offrant avec gratitude, respect, voire « peur et tremblement » à son Créateur.

Malheureusement, de nos jours, l’homme, agissant sous l’influence d’un rationalisme extrême et d’une poursuite sans limites de son bonheur terrestre, a perdu le sens de la dimension sacrée de la création, se comportant comme un maître autoritaire et grossier. A la place de l’esprit eucharistique et ascétique dont l’Église orthodoxe a nourri ses enfants au cours des siècles, on constate aujourd’hui un véritable
 viol de la nature dans le but de satisfaire, non pas les besoins élémentaires de l’homme, mais une chaîne sans fin, se prolongeant à l’infini, d’appétits et de désirs, encouragés par la philosophie dominante de la société de consommation.

Mais la création «gémit et souffre» (Romains 8,22) et commence déjà à protester contre cette manière d’être traitée par l’homme, qui ne peut éternellement et au gré de son bon plaisir, exploiter les sources d’énergie naturelles. Le prix de son orgueil sera son autodestruction, si la situation actuelle se perpétue.

A l’écoute de l’angoisse de l’homme contemporain, considérant une situation qui engage profondément notre devoir et notre responsabilité spirituelle et paternelle, nous avons pris la décision, en union avec le Saint-Synode qui nous entoure, de déclarer le 1er septembre de chaque année – jour où nous fêtons le début de l’année ecclésiale et où des vœux et des prières s’élèvent vers le Créateur du monde en ce saint centre de l’orthodoxie – comme journée de la protection de l’environnement naturel.

Nous invitons donc par le présent message patriarcal tout le monde orthodoxe et chrétien à élever chaque année, en ce jour, en communion avec la sainte Église mère, (…), des prières au Créateur du monde, prières de remerciement pour le grand don du monde créé, prières de supplication pour sa protection et pour son salut. Et nous encourageons en même temps paternellement les fidèles à travers le monde à respecter eux-mêmes et à enjoindre leurs enfants à respecter et sauvegarder l’environnement naturel, et encourageons les dirigeants des peuples, qui ont la responsabilité de les gouverner, à appliquer sans tarder toutes les mesures qui s’imposent pour protéger et sauver la création.

En demandant au Seigneur tout ce qu’il y a de meilleur pour ce monde, nous accordons de tout cœur à tous, ceux qui sont en notre voisinage immédiat et ceux qui vivent loin de nous, notre bénédiction patriarcale et paternelle.

Au Phanar, le 1er septembre 1989

+ Dimitrios, Archevêque de Constantinople »

            Cet appel du Patriarche Dimitrios, a été entendu par son successeur, le Patriarche Bartholomée et le Pape François, qui ont fait des déclarations conjointes allant dans le même sens. Actuellement c’est toute la chrétienté qui a adhéré à ce mouvement et nous avons célébré hier, pour la troisième fois des vêpres de la Création en la cathédrale de Troyes, à la demande de l’évêque catholique, Monseigneur Marc Stenger, en présence de son clergé et de la femme pasteur, en charge de la communauté réformée de Troyes.

            Il est très bien de prier, d’abord pour remercier Dieu, ensuite pour Lui demander de nous aider à préserver la Terre que nous avons reçue en don. Mais à nous de prendre ensuite nos responsabilités.

(Texte du message du Patriarche Dimitrios, publié par la Conférence des Eglises européennes en 2006, avec quelques corrections.)

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